Bandes de bêtes et bandes dessinées : les animaux dans la BD, des plus subversifs aux plus craquants

Publié le par Camille Abbey,

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Du plus sérieux et émouvant, au plus drôle et décapant, voici un petit tour d’horizon des animaux dans les bandes dessinées : ou quand la pop culture se fait la digne héritière des fables d’antan !

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Qui, aujourd’hui, ne connaît pas Mickey, Dingo et Donald ? Ils nous amusent et nous édifient depuis les années 1930 : Mickey, petit et brave ; Dingo, naïf et attachant ; Donald, colérique, froussard mais toujours bon. Des caractères si bien dessinés, si “humains” qu’à coup sûr, vous ne vous dites pas souvent qu’il s’agit en fait d’une souris, d’un chien et d’un canard !

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Il en est de même pour bon nombre de personnages de bandes dessinées. Les auteurs de BD adorent croquer les bêtes ! Parfois, pour mettre l’accent sur la bestialité de certains comportements humains, ou d’autres fois, pour leur côté amusant ou mignon, ou encore tout simplement pour leurs vertus humoristiques.

Humour noir et fantaisie

L’animal devient alors le vecteur d’un grand n’importe quoi.

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Francis, le blaireau : cynisme et humour noir

L’animal : Francis est un blaireau et ce n’est pas innocent. Toute la lâcheté des hommes est ainsi concentrée dans ce petit animal. Il est comme tout le monde : sa femme le trompe, il a peur de vieillir…

La petite histoire : Cette série de Jake Raynal au scénar et Claire Bouilhac au dessin, qui est d’ores et déjà considérée comme un classique, est née dans les pages de l’obscure Sbrödj Review puis son destin a rencontré celui des éditions Cornélius. Dix ans plus tard, le succès est au rendez-vous, et les adeptes de Francis se sont multipliés comme des hamsters.

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Les albums dans lesquels il habite : Cette BD met en scène une vision acide et cynique du monde et des passions humaines. Elle est surtout très drôle grâce notamment à un sens aigu de l’enchaînement, à un rythme soutenu et une chute toujours hilarante. Le dernier album, Francis est papa, est paru en août. Le mordant est toujours au rendez-vous. L’humour est sarcastique et décapant et ces albums à petit prix se consomment sans modération.

Le Chat de Geluck : la quintessence de l’humour belge

L’animal : Ce gros chat à l’air ahuri est un antihéros qui ressemble à un homme, engagé politiquement mais qui possède aussi les faiblesses inhérentes à la nature humaine. Avec verve et panache, ce gros matou en costume, dont l’apparence ne change pas, faire rire à ses dépens et aux nôtres.

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Les albums dans lesquels il habite : Grands succès commerciaux à chaque parution, les albums qui mettent en scène le gros chat de Geluck donnent à voir beaucoup de dérision et d’humour noir, représentatifs de l’esprit belge.

Du trash, humour méchant pour adultes

Les deux séries qui suivent sont, à l’origine, des blogs. La publication en papier n’a ôté aucune liberté aux auteurs. L’utilisation des animaux permet d’aller du côté de l’absurde tout en restant drôle et méchant.

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Glory Owl : gambas, chiens et dauphins déjantés

Les animaux : Des chiens complètement débiles, des dauphins pédophiles et sadiques, des tortues dégueulasses mais aussi et surtout des gambas. Les créateurs expliquent ainsi le choix de ces grosses crevettes : “Les gambas, à notre sens, représentent bien cet esprit : présenter un discours raciste pour faire passer le raciste pour ce qu’il est : un vieux con.”

La petite histoire : Le collectif parisien Glory Owl a d’abord été présent sur le Web. Il a été repéré par Golden Moustache. Les planches potaches et acides ont ensuite été imprimées en albums devenus cultes.

Les albums dans lesquels il habite : On trouve du trash même chez nos amis les bêtes. Les strips n’épargnent personne et l’humour acide est bien souvent jouissif.

Paf et Hencule : chien, chat et plaisir coupable

Les animaux : Deux “French Doctors”, un chien et un chat alcooliques. Ils sont méchants et cruels avec tout le monde, même avec les enfants en phase terminale. Ce sont les cousins crades, gores et haineux de Pif et Hercule.

Les albums dans lesquels il habite : On retrouve de l’humour corrosif dans Paf et Hencule des auteurs Goupil Acnéïque et Abraham Kadabra. Les animaux ne sont qu’un prétexte à dire des horreurs.

Avec les animaux, tout est plus rigolo

Le potentiel comique de nos compagnons domestiques ou des animaux sauvages est sans limite.

Faits divers d’Anouk Ricard : des chiens aux éléphants

Les animaux : Tout un tas d’animaux qui nous font rire sous la patte très reconnaissable d’Anouk Ricard : des chiens aux oreilles tombantes aux éléphants à la mine sérieuse.

L’album dans lequel il habite : Les planches mettent en scène des faits divers provenant pour beaucoup de journaux régionaux. Les brèves sont par elles-mêmes cocasses mais pourtant vraies. Anouk Ricard a le talent, grâce à ses dessins minimalistes d’animaux proches de l’enfance, de faire déraper ses petites histoires vers l’abject.

What’s Michael ?! de Makoto Kobayashi : chat hybride et déjanté

L’animal : Le chat, Michael, est gras, grossier et donc irrésistible.

Les mangas dans lesquels il habite : Cette série ressemble à Garfield mais ce n’est pas Garfield. C’est un mélange de plusieurs représentations du chat dans la BD, mignon et craquant mais aussi drôle et mesquin. Il est question du rapport entre maître et animal. Avoir un chat peut rendre gâteux le plus dur des yakuzas. Mais Michael n’aime pas son maître et s’il pouvait parler, il dirait : “Je le déteste.” Des petites histoires à lire séparément.

Simon’s Cat : le pire et le meilleur des félins

L’animal : Ce chat a souvent faim. Ses grands yeux semblent toujours réclamer quelque chose.

Les albums dans lesquels il habite : Son créateur, Simon Tofield, ne lui a volontairement pas attribué de nom pour que les lecteurs ayant un chat puissent reconnaître le leur. Il explique à Libération que Calvin et Hobbes est l’une de ses œuvres préférées et effectivement, on sent l’inspiration.

La petite histoire : Il s’agissait au départ de petits films adaptés par la suite en albums à succès.

Le Grand Méchant Renard : de la basse-cour au cinéma

L’animal : Un renard, qui n’arrive pas à effrayer les poules, même avec les conseils du loup, peut-être parce qu’il a l’air aussi costaud qu’une huître.

L’album dans lesquels il habite : L’humour est tranchant mais il y a aussi ce qu’il faut de mignon. Le dessin de Benjamin Renner est guilleret et enlevé ! La dureté des relations humaines est reproduite dans un poulailler, avec des forts, des faibles et des jeux de pouvoir. Les gags sont légion mais sous des apparences légères, cet album est plus profond qu’il n’y paraît. L’adaptation en film est sortie en juin 2017.

La petite histoire : Comme l’artiste Abraham Poincheval, le renard couve des œufs qu’il a volés et se met à les élever et les aimer alors qu’il pensait au départ les manger. Les poussins considèrent ensuite le renard comme leur mère.

Le compagnon : “partner in crime”, du foutage de gueule à la complicité

Calvin et Hobbes : le tigre, meilleur ami de l’homme ?

L’animal : Un tigre en peluche, si doudou et si caustique. La sagesse et la désinvolture incarnée.

Les albums dans lesquels il habite : Cette série américaine est un grand classique et on peut la lire encore aujourd’hui avec beaucoup de plaisir. Quoi de mieux pour un enfant qu’avoir une peluche qui parle ? Calvin et son tigre forment un duo détonnant. Le génial Bill Watterson nous fait à la fois retomber en enfance mais il nous apporte aussi un point de vue décalé sur la vie, parfois plein de bon sens et de tendresse.

Le Chat du rabbin de Joann Sfar, quand ton pote est un chat

L’animal : Le chat est un félin racé au pelage couleur onyx. Il va se révéler être un animal plus lucide et vertueux que la plupart des hommes. Ce félin intelligent veut absolument faire sa bar-mitsva.

Les albums dans lesquels il habite : À Alger, Zlabya vit avec son père, rabbin, et son chat adoré. Un jour, l’animal se retrouve doté de parole : il passe du rôle classique de compagnon affectueux à celui de confident pour la jeune fille. Lui se sent amoureux d’elle et peine à le dissimuler. Les discussions philosophiques et théologiques entre le félin et le rabbin vont ponctuer cette fable pour adultes. Le choix de l’animal est expliqué dès le début : “Ça fait tellement longtemps que les Juifs se font mordre, courir après ou aboyer dessus que, finalement, ils préfèrent les chats.” Ce conte fin et bienveillant souhaite délivrer un message de tolérance.

Anthropomorphisme et zoomorphisme

L’anthropomorphisme est la tendance à attribuer à des dieux, à des animaux ou à des objets les sentiments, les passions, les idées, les actes et la physionomie de l’homme. Le zoomorphisme en est une forme et se définit comme l’attribution d’une attitude humaine à un animal.

Maus d’Art Spiegelman : rencontre entre le récit de vie et l’Histoire

Les animaux : Les chiens américains chassent les chats allemands nazis. Les Juifs, les personnages que l’on suit, sont des souris. Les Polonais sont des porcs. Ce choix de la représentation par des animaux permet de mettre un peu de distance avec l’horreur et la tragédie. Et dans un même temps, on reste au plus près des émotions humaines.

Les albums dans lesquels il habite : Maus est la plus célèbre des BD avec des animaux mais aussi la plus reconnue par la critique – seule BD jamais couronnée par le prix Pulitzer mais aussi du prix d’Angoulême. C’est une œuvre forte et émouvante où un jeune auteur raconte l’histoire de sa famille juive, l’arrivée d’Hitler au pouvoir, les fuites et les errances de son père, la souffrance et l’horreur des camps de concentration.

La grande histoire : Un album qui devrait faire partie du programme d’histoire au même titre que Le Journal d’Anne Frank et qui ne manquera pas d’arracher une petite larme, voire de déclencher une fontaine chez les plus sensibles. Le récit est parfois très dur mais nécessaire.

Dans la même veine : Le manga Cat Shit One (chez Glénat) en quatre volumes se déroule durant la guerre du Viêt Nam et les différentes nationalités ayant participé au conflit sont représentées par des espèces animales. Les Japonais sont des singes, les Français des cochons, les Chinois des pandas, et les Américains des lapins.

Lapinot de Lewis Trondheim : retour à la vie du célèbre lapin

Les animaux : Lapinot, dont on suit les aventures, est un lapin. Richard, son meilleur pote, est un chat et Nadia, sa petite amie par intermittence, est une souris. Ils ont tous des corps humains.

Les albums dans lesquels ils habitent : Les personnages animaliers sont la marque de fabrique de Lewis Trondheim. Il les recycle à chaque fois et conserve un dessin minimaliste. Son célèbre Lapinot fait l’objet de dix tomes qui retracent ses aventures. Le bedéiste explique au micro de France Culture son envie de représenter des animaux : “J’utilise des masques d’animaux pour que mes personnages soient neutres et non typés à l’avance.” Il ne veut pas que l’on se dise : “Ce personnage ressemble à mon cousin ou à mon boucher.” Il y a un peu d’autobiographie dans ses histoires, il a créé Lapinot avec un penchant moralisateur, comme lui.

La petite histoire : Lapinot est revenu, après plus de dix ans d’absence et pour le plus grand bonheur des fans, inconsolables après sa mort (dans le tome XII). Lewis Trondheim l’a ressuscité dans un album paru fin août : Un monde un peu meilleur. Il continue de nous donner son point de vue désabusé sur le monde : sur les sites de rencontre invasifs aux journalistes tyrannisés par l’audience. On note aussi la réédition il y a quelques mois de Mildiou, un plaisir de lecture toujours présent où se mêlent des dialogues fins et une succession de scènes d’action, tout ça dans un contexte médiéval.

Blacksad : un polar avec des gueules cassées

Les animaux : John Blacksad est un détective privé, grand chat baraque au charme fou. Les caricatures et les stéréotypes sont assumés : le garde du corps est par exemple un gorille et l’institutrice une biche, que John considère comme une de ces personnes “à l’aspect fragile mais dotées d’un esprit digne et ferme”.

Les albums dans lesquels il habite : Les liens avec le film noir sont évidents. L’atmosphère est composée de fumée de cigarettes et de vapeurs d’alcool, d’où se détachent les personnages, chats aux corps humains qui ont toutes les (mauvaises) habitudes des hommes. Les ingrédients du bon polar y sont : un univers sombre avec des personnages badass mais aussi des gueules cassées ou des petits minois charmeurs.

La petite histoire : C’est la première BD des auteurs Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, mais elle a déclenché des passions dès sa parution. Le dessinateur, Juanjo Guarnido, était auparavant animateur chez Disney. Cette série est toujours reconnue comme une référence.

Fritz le chat : les débuts du grand Crumb

L’animal : Un gros matou plus qu’humain.

L’album dans lesquels il habite : Il s’agit du premier personnage de son créateur, Robert Crumb, qui va glisser dans cette BD – qui deviendra en 1972 un dessin animé reconnu par toute une génération – des éléments de sa propre vie et notamment certains épisodes de sa vie sexuelle. Le film sera d’ailleurs classé X.

Quand les rôles s’inversent

Utopia Porcina de Martes Bathori :
ou la transformation des humains en animaux d’élevage

Les animaux : D’horribles porcs qui ont pris le contrôle des humains.

L’album dans lesquels ils habitent : C’est une dénonciation sous forme de dystopie, qui fait penser à La Ferme des animaux de George Orwell. Cela commence ainsi : “Douze porcs dans un labo à Moscou acquièrent une autonomie intellectuelle et motrice supérieure à celle des humains.” Une intrigue et des dialogues trash, qui mettent mal à l’aise et, en filigrane, une critique de notre société industrielle, cruelle et irréfléchie. Le crayonné est doux et les formes dessinées ont une apparence presque enfantine, des couleurs franches, des jeux sur les typos. Ce renversement ironique crée aussi le décalage, et donc de l’humour.

Les détails qui tuent : Dans les négociations sur la vente d’humains, il y a différentes qualités : ceux nourris à la meilleure littérature, aux marrons ardéchois et côte-rôtie et les prolos qui boivent du Ricard et qui lisent Nice-Matin. Les cochons font ensuite des saucisses de Francfort avec les humains. Une vision cynique et une critique acerbe de notre société.

Dans la même veine : Cette vidéo étrange de financiers qui analysent le marché du porc, qui se transforment peu à peu en cochons, sur fond de musique électronique :

Les Seigneurs de Bagdad : l’horreur de la guerre en Irak, vue par quatre lions

Les animaux : Quatre lions échappés du zoo de Badgad, dont on suit les aventures dans une ville dévastée.

L’album : Ce roman graphique a été écrit par Brian K. Vaughan et dessiné par Niko Henrichon. Les quatre personnages évoluent dans l’univers plus qu’hostile de la guerre et ne comprennent pas les hommes. Les couleurs chaudes n’enlèvent rien à la dureté des événements mais facilitent l’empathie avec ces lions si attachants.

On peut remercier les animaux de s’être prêtés de si bonne volonté aux délires d’imagination de nos auteurs de BD. Et soyez rassurés : aucun animal n’a été blessé ou torturé dans la longue et passionnante histoire de la bande dessinée représentant des animaux !