Droit d’auteur : votre tatouage vous appartient-il vraiment ?

Publié le par Naomi Clément,

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Carlos Condit ne fait pas de l’UFC grâce à ses tatouages, ses tatouages sont juste un de ses attributs, au même titre que la couleur de son short. En reproduisant ce tatouage, la société n’aurait pas volé le travail du tatoueur, elle aurait simplement reproduit la personne.
Je pense que cette histoire est plaidable et que la société du jeu aurait dû reproduire le tatouage, elle ne risquait pas grand chose. Surtout qu’elle est basée aux Etats-Unis, et que la propriété intellectuelle est bien moins protégée là-bas qu’en France.

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Le tatouage, une œuvre de l’esprit ?

Que dit véritablement la loi au sujet du droit d’auteur d’un tatouage en France ? Pour l’instant, pas grand chose, ou du moins rien de spécifique concernant les œuvres tatouées. Le Code de la Propriété Intellectuelle, qui définit le droit des auteur en France depuis 1992, explique :

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Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. (article L112-1)
L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété intellectuelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial […] (article L111-1)

Des affaires résolues au cas par cas

Toutefois, la grande majorité des tatoueurs ne déposent par leurs travaux à l’INPI et se retrouvent parfois confrontés à la complexe ambiguïté du Code de la Propriété Intellectuelle, rappelée par le site de la SACD (la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, fondée en 1777 par Beaumarchais) :

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Pour être protégée par le droit d’auteur, une œuvre doit en premier lieu être originale, c’est-à-dire qu’elle doit porter l’empreinte de la personnalité de son auteur. Ce critère déterminant de l’originalité est éminemment subjectif, ce qui en rend l’appréciation délicate pour les juges en cas de contestation.

Il y a quelques années, j’ai tatoué une amie mannequin – qui a par ailleurs un très joli cul. Elle a par la suite fait de nombreuses pubs, mais si elle n’avait pas eu ce tatouage, elle n’aurait peut-être pas été choisie. Dans l’absolu, si j’arrive à prouver qu’elle a été sélectionnée pour cette pub grâce à mon tatouage et non grâce à sa plastique, je suis en mesure de réclamer des droits. Je ne l’ai pas fait, mais j’aurais pu.
Autre histoire : un jour, un tatoueur me montre son nouveau tatouage, en m’expliquant que le dessin était de lui. Il s’avère que le dessin était celui de ma carte de visite de l’époque, une tête de dragon que j’avais réalisée. J’ai simplement répondu : “Tu dessines super bien, il est vachement beau ton dessin.

À qui appartient un tatouage ?

Tin-Tin, comme beaucoup d’autres tatoueurs aujourd’hui, se retrouve ainsi confronté à deux problèmes : d’une part, l’utilisation d’un tatouage original par un média ou une publicité (à l’instar de l’histoire de Carlos Condit, de Mike Tyson ou de la tatouée au joli cul) ; et d’autre part, le plagiat à l’intérieur même de la profession des artistes-tatoueurs (comme l’anecdote de la carte de visite).
Mais là encore, la question est complexe, et les frontières sont minces : une publicité n’a-t-elle pas le droit de faire figurer des personnes tatouées ? Un tatoueur n’a-t-il pas le droit de s’inspirer d’un autre tatouage ou d’une photo, à la demande ou non du client ? À ces questions, notre tatoueur ajoute :

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A partir du moment où un tatoueur a vendu son tatouage, il faut qu’il accepte que la personne parte vivre avec. Jusqu’à un certain point, bien sûr.

Ton tatouage t’appartient en tant qu’œuvre d’art, parce que tu l’as acheté comme si tu achetais une toile à un peintre. Si tu achètes une toile à un peintre, la toile t’appartient ; mais la propriété intellectuelle appartient à l’auteur de la toile. Tu ne peux pas vendre du Coca-Cola à l’aide de cette toile. C’est pareil avec le tatouage.

De la même façon que pour un film, un MP3 ou une sculpture que vous avez achetés, vous ne pouvez pas utiliser le tatouage à des fins commerciales, car les droits appartiennent à son auteur (et à ses ayants-droits durant les soixante-dix années qui suivent la mort de l’auteur, délai après lequel l’œuvre tombe dans le domaine public, selon l’article L.123-1 du CPI). En d’autres termes, un tatoué détient la propriété physique de son tatouage, mais le tatoueur en détient la propriété intellectuelle. Donc les droits.

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Logé à la même enseigne que les autres arts

La question du droit d’auteur dans le domaine du tatouage reste complexe, et si jusqu’ici la justice a très souvent donné raison aux tatoueurs, les limites sont minces entre acte légal et utilisation commerciale, reproduction, plagiat, ou inspiration.
Surtout, c’est une question à laquelle se frottent in fine tous les autres arts, reconnus dans la classification d’Hegel : qu’il s’agisse de la peinture, de la photographie ou encore de la musique, tous ces arts ont plus d’une fois été sujets à des litiges en matière de droit d’auteur, parfois difficilement résolus. “Finalement, en matière de droit d’auteur, le tatouage connaît le même problème que la photographie ou la peinture. Et c’est tant mieux, car cela prouve bien que le tatouage est sûrement le dixième art“, analyse Tin-Tin.
Le livre Les Procès de l’Art, écrit par l’historienne Céline Delavaux et l’avocate Marie-Hélène Vignes et publié en décembre 2013, répertorie d’ailleurs les plus grands procès artistiques de l’Histoire. Une longue liste de 80 épisodes juridiques touchant à la fois à la photographie, la peinture, la sculpture… et le tatouage.