Sexisme dans le sport : le coup de gueule de la championne du monde Anne-Flore Marxer

Publié le par Mélissa Perraudeau,

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Dans deux interviews parues dernièrement, la championne du monde de snowboard freeride a dénoncé la sexualisation des femmes dans le sport, ainsi que le sexisme dont elles sont victimes.

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“Sommes-nous toutes réduites à une paire de seins ?” demande Anne-Flore Marxer, championne du monde 2011 et vice-championne du monde 2016 et 2017 de snowboard freeride, dans L’Équipe ce 15 janvier. La Franco-Suisse de 33 ans est une figure incontournable du snowboard, et elle se bat pour l’égalité de traitement sportif et financier entre les femmes et les hommes.
Mi-décembre, elle avait ainsi posé pour le site Neufdixieme.com à la manière d’une Femen, la poitrine nue barrée de l’inscription “World champ vs boobs” (“championne du monde contre seins”), un bâillon rouge sur la bouche et le visage barré du slogan “Libérez sa parole”.
Dans l’entretien, datant de fin janvier 2017, elle revient sur un article paru sur le site Adrénaline de L’Équipe fin décembre 2016. Intitulé “Elles ont fait le charme de 2016”, il mettait en avant les plastiques des championnes, généralement montrées en maillots de bain. Une façon choquante de “réduire d’immenses championnes de skate, de VTT, de surf, de ski freeride ou de snowboard à un vulgaire catalogue de filles en bikini”, selon Anne-Flore Marxer, qui a donc décidé de contrer le sexisme avec une autre image :

“Puisque les mots ne suffisent pas, j’ai choisi d’y aller cash en interpellant par une image forte, provocante, qui dénonce la sexualisation des femmes dans le sport. [..]
Alors, oui, je suis nue, et voici mon message et cette question : que voyez-vous quand vous êtes en face d’une femme ? Voyez-vous ce qu’elle a accompli, ce qu’elle représente, ce pourquoi elle se bat ? Ou sommes-nous toutes réduites à une paire de seins ? Et maintenant que vous les avez vus, mes seins, oui, ce ne sont que des seins comme ceux de toutes les femmes de la terre, vous allez me l’enlever ce bâillon, et écouter ce que j’ai à dire ?”

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Une séance photo “vécue comme un piège”

La championne rapporte également avoir particulièrement souffert de cette sexualisation lors d’une séance photo qu’elle a “vécue comme un piège”. À l’âge de 19 ans, elle a été contrainte de poser en maillot de bain de façon sexy, ce qui lui a donné “l’impression d’être violée sur place par les 16 personnes qui ont lourdement insisté pour [la] présenter ainsi”.
Ces clichés sont ensuite ressortis sur Internet sans son autorisation et occupent désormais les premières places des recherches d’images sur la sportive. Au détriment, donc, des images de ses exploits.
Anne-Flore Marxer dénonce justement avec force le sexisme dans le monde du snowboard et du freeride, à commencer par les inégalités de gain. Au point que pour gagner sa vie, la jeune femme est infirmière. Elle doit poser des congés pour disputer des compétitions. En 2011, par exemple, elle remporte le Freeride World Tour à̀ Chamonix, et gagne 1 200 dollars, tandis que le champion homme, lui, empoche 8 000 dollars !

Créer “un narratif de [son] sport au féminin”

La différence de traitement est évidente dès le début de la carrière de la championne, qui s’est souvenue chez L’Équipe :

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“J’ai été scandalisée dès mes premières compétitions. Le mec en slopestyle qui gagne avec un rodéo back 720 se voit offrir un voyage à Hawaii. Moi, je gagne avec la même figure à un demi-tour près et j’ai un T-shirt. À̀ l’époque, les filles n’avaient pas le droit de participer à certaines compétitions.”

Anne-Flore Marxer a ensuite “transformé cette colère en volonté de gagner pour pouvoir alors prendre la parole et dénoncer cette injustice”. À force de discussions avec les organisateurs des compétitions et les sponsors, ainsi que de pétitions visant à lutter contre les stéréotypes sexistes collant aux disciplines, elle fait “bouger les lignes”. Aux X Games, une compétition annuelle de plusieurs sports extrêmes, les femmes et les hommes reçoivent désormais la même somme d’argent suivant leur classement.
Cet engagement n’est toutefois pas sans conséquences pour la championne, qui rapporte que cela lui “retombe dessus”, et que “lasse de [se] battre contre des hommes sexistes”, elle veut désormais lutter en créant “un narratif de [son] sport au féminin”.
Elle explique en outre à L’Équipe qu’elle compte ainsi tourner un film en Islande pour montrer un exemple d’égalité femmes-hommes dans le sport outdoor, comme dans la vie civile. En attendant que la France s’en inspire enfin :

“En France, le budget du ministère des Sports provient des impôts, hommes et femmes donc. Dont 52 % de cet argent provient des femmes. Il serait normal que ces 52 % soient redistribués dans le sport, mais aussi dans d’autres secteurs pour les femmes. Le ski et le snowboard sont pratiqués à 40 % par des femmes. Les 40 % de revenus de vente de produits sportifs provenant des femmes devraient donc être aussi réinvestis dans le sport féminin, non ?”

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