Un robot peut-il comprendre qu’on l’aime ?

Publié le par azaid,

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Imaginez un futur proche où la première question qui nous viendrait à l’esprit lorsqu’un ami nous apprendrait qu’il vient de tomber amoureux serait : “Oh cool, elle est organique ou robotique ?”

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Nous sommes en 2017, cette projection peut vous paraître un peu folle et, pourtant, de nombreux chercheurs en intelligence artificielle comme David Levy, sont unanimes : “D’ici 2050, la technologie aura tellement évolué que les humains tomberont amoureux de robots, se marieront avec des robots et auront même des relations sexuelles avec des robots. Le tout devenant une extension naturelle à l’image de nos rapports avec d’autres humains.”

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L’accélération du développement des real dolls robotisées ouvre une série de problématiques d’ordre éthique : est-ce que coucher avec un sex-robot de temps en temps lorsque l’on est en couple sera considéré comme de l’adultère ? Jusqu’ici se faire plaisir avec des jouets ou des sex-toys n’a jamais été un problème, même si certains regardent d’un mauvais œil le canard vibrant sur la table de nuit sachant qu’il a la capacité de nous faire toucher les étoiles en moins de 45 secondes…

Mais imaginez que ce canard un peu enfantin devienne un mec de 1 mètre 85, beau et super bien gaulé, qui marche, parle et qui, de surcroît, connaît parfaitement nos préférences sexuelles grâce à un formatage précis… Oui, ça peut faire grincer des dents nos petits humanoïdes pas toujours maîtres de leur biochimie interne.

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Posséder un sex-robot à la maison pourra à terme s’avérer très dangereux pour l’équilibre du couple. Et si Madame, progressivement, se mettait à préférer les e-coïts avec son robot plutôt qu’avec l’ancienne version organique ? Esseulé et profondément déçu, Monsieur n’aura plus qu’à lui aussi s’acheter une compagne robotisée qu’il programmera selon ses envies, ses fantasmes et même ses déviances. Reste à savoir si à un moment donné ces deux robots, toujours rangés sous le même lit, se synchroniseront et laisseront le couple d’humains livré à son propre sort…

Un désir au-delà du physique, une attirance pour les intelligences artificielles

Aujourd’hui, quatre sociétés se partagent ce marché très spécial et qui risque de devenir super-rentable : Abysse Creations, Android Love Doll, True Companion et Sex Bot Company.

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Le robot d’entrée de gamme vous sera livré pour environ 7 000 euros. Disponible en version masculine ou féminine, cet androïde a un petit cœur qui bat dans la poitrine, et, autre innovation intéressante, il peut réaliser des ondulations du bassin pour vous donner encore plus de plaisir. Cerise sur le téton, il peut même simuler un orgasme. L’intrigante Roxxxy est programmée pour incarner une dizaine de personnalités comme la tempétueuse “Wild Wendy”, la timide “Farrah Frigid”, qui a d’ailleurs généré un terrible bad buzz le mois dernier parce que certains l’accusaient d’être programmée afin d’être violée… Toutes ces variantes psychologiques permettront aux utilisateurs de varier les plaisirs en multipliant les scénarios érotiques.

Cela va être une expérience que personne n’a connue. On essaie de créer un désir sexuel qui aille au-delà de la dimension physique. On veut que les gens soient attirés par ces intelligences artificielles.” Voici ce que déclarait récemment au Daily Mail, Matt McMullen, le directeur de l’entreprise RealDoll.

Dotés d’une infinie patience et d’une gentillesse sans faille, ces robots d’un nouveau genre auront définitivement plus de qualités et de constance qu’un humain n’en aura jamais (oui, même avec trois heures de méditation et de yoga chaque matin). Si, en plus, on leur ajoute un côté farouchement protecteur et aimant, nul doute que ces androïdes remplaceront progressivement la compagnie d’autres humains. Et, de meilleurs amis à meilleurs amants, il semblerait que ce ne soit qu’une question de temps…

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Sentiment amoureux et affective computing

Mais s’il est vrai que l’homme a cette capacité incroyable de pouvoir s’attacher à tout et n’importe quoi, de son portable à son café latte du matin en passant par ce groupe de pop rock qui l’accompagne depuis ses 14 ans, peut-on clairement affirmer qu’un robot pourra lui aussi développer des sentiments amoureux ? Pour en savoir un peu plus sur la psychologie émotionnelle des robots, j’ai interrogé Rodolphe Gelin, auteur de l’ouvrage Le robot, meilleur ami de l’homme ? (éditions Les Petites Pommes du savoir) et directeur de la recherche chez Aldebaran (ils y développent les robots Pepper, Nao et Roméo, destinés à aider les personnes âgées). D’après lui, robots et humains ne peuvent tisser des liens solides que s’ils apprennent à se connaître en devenant complices (comme les humains finalement).

“En général, on apprécie la compagnie des personnes qui respectent notre état émotionnel et savent s’y adapter. Cependant, quand certains sont tristes, ils cherchent la compagnie de gens marrants pour sortir de leur état et d’autres, au contraire, préfèrent la compagnie de gens qui partagent leur détresse et pleurent avec eux. Le robot devra donc connaître les préférences de son humain.”

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C’est là que “l’affective computing” joue tout son rôle. Il s’agit d’un concept né au MIT (Institut de technologie du Massachusetts) et qui a pour objectif d’améliorer les échanges entre l’homme et la machine en permettant aux robots de déchiffrer avec précision l’état d’esprit de son utilisateur pour pouvoir lui répondre en synchronie.

Est-ce qu’un robot peut comprendre qu’on l’aime ?

Avant de déterminer si un robot sera capable d’avoir des sentiments pour un humain, j’ai d’abord voulu déterminer si un robot pourra comprendre qu’on l’aime. “Un robot peut totalement capter les signes d’affections, répond Rodolphe Gelin. Mais là aussi, tout dépend de la façon dont on exprime son affection. Les robots apprennent plus lentement, mais mieux. Ils analysent beaucoup de paramètres, la situation, le contexte, le ton de la voix, le mouvement des pupilles…”

En revanche, attention, à notre image, le robot peut tout à fait simuler des émotions et même avoir ce que l’on appelle de “l’empathie artificielle”. Pour pousser un peu plus loin cette exploration des interactions futures entre robots et humains, j’ai fait appel à l’expertise de Laurence Devillers, docteure en informatique et chercheuse au CNRS, dont l’avis est plus nuancé : “Il est important de comprendre qu’un robot n’a pas d’intentions propres, et, du coup, il ne peut pas tomber amoureux, mais il peut être programmé pour cela. En revanche de l’autre côté, l’humain, même s’il sait qu’il est face à une simulation, pourra avoir envie d’y croire. C’est une projection anthropomorphique, c’est-à-dire que l’homme attribue des réactions humaines à des objets ou des animaux.”

En réalité, même si notre robot domestique pouvait nous dire “je t’aime”, il ne sentira à aucun moment des papillons au fin fond de sa carcasse d’acier. Du coup, l’amour partagé et réciproque avec un androïde est sérieusement remis en question. Sauf si on décide d’envisager l’amour différemment, avec une nouvelle grille de lecture où spontanéité et sentiments seront préétablis à travers une programmation personnalisée.

L’amour, fruit d’une programmation ?

En effet, à bien y réfléchir, l’homme ne serait-il pas un être biologique, certes, mais répondant lui aussi à un conditionnement social, éducatif, émotionnel, spirituel… L’homme ne serait-il pas lui aussi le fruit d’une programmation qui guide ses choix, ses avis, ses pensées, et cela toute sa vie ? “Même si la recherche et l’innovation s’unissent dans les années à venir pour mettre au point un robot le plus proche possible de l’homme, ce dernier n’aura jamais de libre arbitre, chacune de ses prises de décision répondra à un programme prédéfini”, précise Rodolphe Gelin.

Il est certain qu’à terme l’arrivée de ces sex-robots nouvelle génération risque de nous faire réévaluer la notion d’amour, d’intimité, de couple et même celle de mariage. Jusqu’ici le mariage était permis entre deux adultes, mais va-t-il s’étendre prochainement aux hommes et aux robots ? Au niveau juridique, va-t-on assister à une nuée de divorces dus à des relations extraconjugales avec un robot ?

Mais même si les robots restent incapables de nous rendre notre amour, l’homme peut totalement aimer d’une façon unilatérale, il n’a pas toujours besoin d’avoir de feed-back émotionnel. À l’image des otaku japonais qui tombent littéralement amoureux de personnages fictionnels aperçus dans des mangas, ou encore les intervenants du documentaire de la BBC Guys and Dolls, qui évoquent leur amour ultra-puissant pour leur poupée sexuelle. Certains vivent avec leurs femmes de mousse et de latex depuis plus de huit ans ! L’intensité de leurs sentiments semble réelle.

Si ces hommes projettent sur leur poupée leur envie d’être en couple avec une compagne aimante et attentionnée, ils obtiennent alors cette exacte projection dans leur réalité. S’ils y croient, ils l’obtiennent. Dans ce cas, nul doute que des milliers d’hommes et de femmes de par le monde tomberont eux aussi amoureux de leur robot.

“On s’attache aux objets parce qu’ils nous apportent quelque chose”, affirme Laurence Devillers.

Et si c’était ça, la formule de la programmation de nos futurs compagnons non-organiques : trouver ce qui nous manque, pour enfin pouvoir le combler.