Retour en force, Imany, 93 Empire… Dinos nous raconte son année 2018

Publié le par Guillaume Narduzzi,

Dinos dans les locaux de Konbini (Crédit Image : Louis Lepron)

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Dinos dans les locaux de Konbini (Crédit Image : Louis Lepron)

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L’année 2018 fut celle du retour pour Dinos. Après trois ans de quasi-absence, le rappeur du 93 a entériné son come-back avec son magnifique album Imany, paru le 27 avril dernier. Un disque réussi et salué unanimement par l’ensemble de la critique spécialisée. En plus de ce projet solo, on a également pu l’entendre sur deux morceaux de l’immense projet 93 Empire, aux côtés notamment de Sadek, Hornet la Frappe ou encore Sofiane, à l’origine de l’initiative.

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Et comme si cela n’était pas suffisant, l’artiste de La Courneuve a décidé en cette fin d’année d’offrir à ses fans sept nouveaux titres sur la version Deluxe d’Imany. Des inédits dans la continuité d’un projet cohérent, intelligent et bien plus réfléchi que le rappeur ne veut bien le laisser paraître. Pour l’occasion, Dinos dresse le bilan de son année 2018. Entretien.

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Konbini | Hello Dinos ! Tu es revenu cette année après trois ans de quasi-absence. Comment s’est passé 2018 pour toi ?

Dinos | Bien, j’ai pu sortir deux projets. Donc plutôt cool.

Tu as sorti ton premier album Imany le 27 avril dernier. Quels enseignements en tires-tu ?

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Globalement, je suis content. Des bons retours pour la plupart. Les gens ont aimé. Ils ont vraiment apprécié et ils ont su consommer cet album sur la durée. Le révélateur, c’est la scène. En live, tu vois la réaction des gens, ce qui marche mieux et ce qui marche moins bien. De là, tu sais ce que tu es le plus à même de faire pour la suite.

Et qu’est-ce que tu serais le plus à même de faire pour la suite ?

De la zumba [rires]. Non je déconne. En vrai de la bonne musique, comme toujours, mais de manière un peu plus évoluée.

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C’était comment de le retrouver, ce public ?

C’était incroyable. Par exemple, hier [La Cigale, le 3 décembre, ndlr], c’était vraiment ouf. C’était plein et ça me fait plaisir. C’est dur de trouver les mots pour exprimer ça.

Tu estimes que cet album t’a permis de passer un cap ?

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Chaque projet doit te permettre de passer un cap. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a un gros souci. Je pense que cet album m’a permis de passer un cap, mais il en reste beaucoup d’autres avant d’arriver là où je souhaite arriver : le plus loin possible. C’est comme MBappé au Ballon d’or : “je suis là pour tout soulever” [rires]. C’est un peu chelou ce qu’il a dit, mais je suis grave dans le même état d’esprit.

Pourquoi avoir choisi de faire une version Deluxe, et pas un projet à part ?

Ce qu’il s’est passé, c’est que j’avais des morceaux “à côté” cet été. Et à la fin de l’année je me suis dit : “Tu sais quoi ? Autant les sortir.” Mais je ne voulais pas faire un EP ni un autre projet. Je trouvais que ça offrait à Imany une belle continuité. En termes de thématiques, en termes de musicalité. C’est une suite logique.

Comment tu les as travaillés ces morceaux ?

C’était très spontané. J’allais en studio pour me faire plaisir initialement, et en découle ces morceaux-là. Ils sont venus presque tout seuls. Vraiment, je m’amusais.

Tu avais besoin de raconter autre chose ?

Fondamentalement, tout ce qui est d’ordre artistique raconte la même chose. Tous les films, toutes les chansons, tous les livres parlent de la même chose. On parlera toujours de la même chose. Youssoupha avait une chanson à l’ancienne qui s’appelait “Éternel recommencement”. Et il expliquait qu’il n’allait rien te dire que quelqu’un n’a jamais dit. Je ne vais rien t’apprendre en vrai. Tout a déjà été fait. Quand tu fais une instru’, ce sont les mêmes accords. Tu peux créer des nouvelles suites d’accords, mais les accords en eux-mêmes, c’est impossible. Donc je ne vais pas te dire que je raconte des nouvelles choses, des trucs dont t’as jamais entendu parler. Ce n’est pas vrai. Je le fais juste d’une manière différente. Tout parle de la même chose sur Terre. Les humains ont besoin d’espoir, d’amour, d’argent, de rigoler. C’est toujours la même chose l’art, c’est juste la manière de l’apporter et de procurer les émotions qui diffèrent.

Sur la cover d’Imany, tu étais entouré. Et pour la pochette de la réédition, tu es tout seul. Pourquoi ce choix ?

C’est un symbole de mon évolution. C’est un clin d’œil à la première pochette – même visuellement je voulais rester dans la continuité. Et à mon quartier aussi, qui va bientôt être détruit. On détruit beaucoup d’endroits où j’ai traîné quand j’étais jeune. Je m’habitue.

Sur “Rétrograde”, tu dis : Je voulais tellement leur plaire que j’ai oublié d’être moi.” À quel moment tu as eu ce sentiment ?

Souvent en fait. T’oublies d’être toi-même, parce que tu regardes les gens au-dessus de toi et tu te dis : “putain j’aimerais bien être comme eux.” Tu te dis qu’ils ont plus de choses que toi, qu’ils brillent plus que toi. Peut-être même qu’ils vendent plus que toi. Donc forcément, tu veux être comme eux. Mais à force de vouloir être comme les autres, t’oublies d’être toi-même. Ça peut être dans la vie de tous les jours, dans ta manière de t’habiller, dans ta manière de parler, dans ta musique, dans ce que tu veux faire, dans plein de choses. Et c’est là que t’oublies d’être toi-même.

Dinos dans les locaux de Konbini (Crédit Image : Louis Lepron)

Quelles sont tes angoisses désormais ?

Je n’ai pas d’angoisse moi ! Ah si, une seule. C’est un produit toxique. C’est un choc de mon enfance, il y a quelqu’un de ma famille qui a failli mourir à cause de ce produit toxique. Mais je ne vais pas te dire ce que c’est, parce que je sens qu’il y en a qui vont vouloir me faire des blagues, et ça va pas me faire rire du tout. Je suis violent quand j’ai reup ! [rires] C’est le seul truc qui me fait peur sur Terre. [Il réfléchit.] Ah non, et les maladies de la peau aussi. Tu sais quand t’as des grosses plaques là. C’est le seul truc qui peut me faire partir en dépression. [rires]

On dirait que t’es plus serein maintenant, et ça se ressent dans ta musique.

Je pense que c’est l’âge. La maturité, la confiance en soi. Mais même quand tu fais plus de studio, que tu sors davantage de trucs, plus de tournages et de concerts, tu as encore plus confiance en toi après. Tu regardes Drake à l’époque de Thank Me Later, c’est pas le même mec qu’aujourd’hui. Dans ses mouvements et tout, il était un peu hésitant. Aujourd’hui, il en a fait sa science. Mais ça c’est l’expérience, et les années qui passent.

Tu as également pris part au projet 93 Empire sur deux pistes. Comment ça s’est passé cette expérience ?

Sofiane m’a appelé quelques semaines avant. Il m’a fait écouter un morceau, Sadek avait juste posé un couplet. Je lui ai dis “ok”. Je suis arrivé, je suis allé en cabine, et j’ai rappé direct. Et ça s’est fait super rapidement. Le projet, j’allais le faire dans tous les cas. Je viens du 93, je ne me voyais pas ne pas le faire. C’était impossible.

Qu’est-ce que ça représente ce projet ?

C’est quand même la fierté du département. C’est très lourd. On se connaît depuis longtemps avec Sofiane. C’est ce qui se faisait à l’ancienne. Il y avait des mixtapes par département, et ça a évolué. Il faut avancer avec son temps. Il y a même un certain clivage dans le pe-ra maintenant.

Il y a tellement plus de monde qui écoute du rap comparé à avant, qu’il y a beaucoup plus de types de rap qu’avant. C’est peut-être ce qui explique ce clivage-là. Mais c’est dur ce qu’a réussi Sofiane. Déjà, quand tu veux réunir des gens pour faire des featuring sur un projet, ou réussir à les amener en concert c’est dur, imagine pour 93 Empire. Il fallait un mec qui ait les épaules.

Comment il s’exprime selon toi ce clivage ?

J’ai découvert cet été qu’il y avait du rap de iencli. Je ne savais même pas ce que c’était. Qu’il y avait du rap de ceci, du rap de cela… C’est ça le clivage.

Tu penses qu’on catégorise trop le rap ?

C’est vrai que ça n’existe pas la pop de iencli ou le rock de iencli, vu que c’est tous des ienclis [rires]. Après, c’est la vie. Je ne vais pas mettre un gilet jaune et aller manifester parce qu’on catégorise trop le rap.

Est-ce un disque important pour la chanson française ?

Oui, parce que la chanson française ne veut pas reconnaître notre art. En soi, ça fait longtemps que le rap fait partie de la chanson française. Qu’est-ce que la chanson française aujourd’hui ? Si tu regardes, la part de marché du rap dans l’industrie musicale, c’est la musique la plus écoutée. Les autres musiques meurent : la pop meurt, le rock, c’est cuit sa mère, tout meurt. Il reste les musiques jeunes (dont le rap) et les musiques électroniques. Donc ça fait quelque temps qu’on fait partie du patrimoine musical français. C’est juste que la vieille France n’est pas encore prête.

Tu as encore le sentiment que le rap n’est pas excepté ?

C’est accepté par beaucoup de gens, sauf que les gens qui ne l’acceptent pas ont beaucoup plus de paroles, de force et de pouvoir, que ceux qui l’acceptent et l’écoutent. C’est la minorité bruyante, mais je pense que la plupart des gens ont désormais accepté le rap. Par exemple, c’est cool de voir MHD chanter à l’Élysée, mais d’un autre côté on a refusé que Black M chante à Verdun. On y est presque en vrai. Mais tu sais, d’ici 15/20 ans, ce sera nous les darons.

Quelle est la différence entre le Dinos de “Namek” et le Dinos d’aujourd’hui ?

Il a grandi. C’est l’évolution.

T’es toujours autant sur ta planète ?

Ouais, je pense. J’espère que ça changera un jour, genre quand j’aurai des enfants.

On est dans une ère où la productivité est importante. Tu comptes accélérer la cadence à terme ?

Mais pourquoi la productivité est si importante ?

Internet, le streaming…

Voilà. Donc, je ne dis pas que je ne vais pas suivre, et je ne dis pas que je vais suivre. Je fais ce que j’ai à faire. Les mecs en question sont plus productifs, mais sont moins qualitatifs. Il faut trouver le juste milieu entre ces deux facteurs. Après, j’ai pas le temps de déplorer quoi que ce soit, je suis focus sur ma musique.

C’est quoi la suite pour Dinos maintenant ?

Mon deuxième album Taciturne, qui sortira en 2019.