“Made in Japan”, l’expo qui parle du graphisme japonais

Publié le par Coline Vernay,

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Au Japon, tout est design ! La création graphique japonaise est considérée comme un art… Cette année, le “mois du graphisme” d’Échirolles permet à travers ses expositions de mieux l’approcher, d’en saisir la particularité, et de prendre un grand bol d’inspiration ! 

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Né en 1990, le “mois du graphisme” d’Échirolles propose tous les 2 ans des expositions pointues. Cette année est un peu particulière, car elle a vu l’ouverture des portes du Centre du graphisme, un espace permanent juste à côté de Grenoble, qui promet des expositions quasi sans interruptions. Jusqu’au 31 mars, on peut y observer le travail de graphistes contemporains japonais. Les autres expositions liées à l’événement sont installées dans différents lieux à proximité, et se terminent fin janvier. Alors, lorsque vous serez sur la route des stations de ski, pensez à faire un crochet par le Japon !

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Le graphisme, un art à part entière au Japon

Si le mot ‘artiste’ n’existe pas en japonais, c’est qu’il n’est pas fait, comme en occident, de différences entre artiste et artisan.” En guise d’introduction, rien de tel que cette citation extraite du catalogue de l’exposition. Les nuances du langage sont porteuses de sens : pour un Japonais, pas de différence entre art et artisanat, graphiste = artiste. Directement issu de l’art de l’estampe et de la calligraphie, le graphisme est l’une des composantes de la société japonaise. 

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Les voyageurs étrangers au Japon sont souvent étonnés du soin apporté à certains détails. Tickets de métro, menus des restaurants, bouches d’égout… tout est support d’un travail graphique. Dans l’exposition “made in Japan”, on découvre aussi bien des affiches, que des packagings, des magazines. On réalise aussi très rapidement que l’on ne peut catégoriser un seul “style japonais”. Les inspirations sont multiples, les styles peuvent même parfois s’opposer. Vous connaissez sûrement le style manga et le “kawaii” (mignon), peut-être le concept esthétique “wabi-sabi” (“wabi” pour la sobriété, “sabi” pour le temps qui passe et laisse sa marque sur les choses), ou encore le “mono no aware” (l’empathie envers les choses, la sensibilité pour l’ephémère).

Une photo publiée par alex_dlnny (@alex_dlnny) le

Du magazine au packaging

Le mois du graphisme installe sa sélection “made in Japan” dans différents lieux : 8 espaces, 8 ambiances ! Aux moulins de Villancourt, ce sont les magazines qui sont à l’honneur. Avec un focus sur IDEA, revue fondée en 1953, qui est toujours une référence internationale. Les magazines japonais sont à l’image des quartiers de Tokyo : raffinés, populaires, branchés ou alternatifs. C’est étrange comme, même si on est incapable de déchiffrer le moindre idéogramme, on a une furieuse envie de tous les feuilleter, et on rêve de les collectionner.

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Au musée Géo-Charles ainsi qu’au musée dauphinois, la place est faite aux affiches de grands maîtres. Au centre du graphisme, des affiches côtoient des packagings, livrets, pochettes d’album… réalisés par les talents de la nouvelle génération.

Une photo publiée par Véronique Marrier (@veroniqueparis) le

Un regard occidental assumé sur le Japon

Un graphiste utilise des codes visuels emprunts de sa culture, du pays dans lequel il travaille”, explique Isabelle Monier, chargée de communication du centre du graphisme. Comme tout travail graphique est fortement lié à un environnement, il était important pour le commissaire de l’exposition Michel Bouvet de contextualiser les œuvres présentées. L’équipe a réalisé des entretiens avec différents acteurs japonais (Nobumitsu Oseko, U.G. Sato, Kenya Hara, Hiroaki Nagai, Kiyonori Muroga, Kazumasa Nagai…), qui sont retranscrits dans le catalogue.

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Pour Kenya Hara par exemple, il s’agit par sa pratique de « rendre visible quelque chose qui n’est pas accessible à tout le monde mais qui est essentiel ». Toutes les œuvres présentées dans l’espace d’expositions sont accompagnées de la biographie de leurs créateurs. Plus qu’une simple accumulation de visuels, c’est tout un éco-système qu’on découvre. Au cœur de celui-ci, l’association JAGDA créée en 1978 regroupe 3000 graphistes aujourd’hui. Lors de l’inauguration, plusieurs artistes étaient présents à Échirolles, parfois étonnés par la sélection. “Les Japonais sont très curieux de savoir ce que les occidentaux pensent d’eux. Car c’est un point de vue décalé par rapport au leur”, explique l’historien Pierre-François Souyri. Quant à l’historien Diego Zaccaria, il parle “d’une singularité à l’épreuve de l’internationalisation des goûts et des modes ».

Trois graphistes japonais à connaître

U.G. Sato

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  • Fonde la “design farm” en 1975
  • Ses réalisations phares : des affiches engagées (contre les essais nucléaires, alertant contre le réchauffement climatique…)
  • Référence et inspirations : le graphiste français Raymond Savignac, Escher, Magritte, la poésie…
  • Son style ? Ludique, et engagé ! Il est aussi connu pour ses pièces intégrant humour et graphisme.

“Par mes affiches, j’ai voulu exprimer mon engagement dans la société. Par contre, j’ai eu peur de ne pas avoir de travail. Mais tout simplement, mon désir enfantin de dessiner ce dont j’ai envie est plus fort que tout », explique-t-il dans ce catalogue d’exposition.

Mitsuo Katsui

  • Ses réalisations phares : des affiches pour Issey Miyake, Morisawa & Company (entreprise de typographie), Mainichi Schinbunsha…
  • Références et inspirations : Pierre Bonnard, Claude Monet, Georges Seurat, Delaunay…
  • Son style : il travaille la couleur comme une vibration lumineuse. Son affinité avec les nouvelles technologies en font un précurseur, l’innovation est sensible dans son travail.
  • Il a été directeur artistique de l’expo universelle d’Osaka (1970), de l’International Ocean Exposition d’Okinawa (1975), de l’exposition des sciences de Tsukuba (1985).

Kazumasa Nagai

  • Ses réalisations phares : des affiches pour JAGDA, pour des musées d’art moderne, GQ Publishing, Kawakichi Co. Ltd., Swarovski Japan, pour sa propre entreprise Nagai studio…
  • Références et inspirations : la nature, les contes et légendes japonais, le mouvement Bauhaus, Cassandre, Yusaku Kamekura (grand maître du graphisme), l’animisme…
  • Son style : géométrique et poétique, peuplé d’animaux magiques.
  • Il est actuellement conseiller exécutif principal du Nippon design center, et co-directeur de JAGDA.

Kazumasa Nagai voulait être sculpteur, mais il a dû arrêter sa formation initiale pour des raisons de santé. Il n’a donc jamais “appris à dessiner” de manière conventionnelle. “Je ne tente pas de dessiner parfaitement les animaux. J’essaie plutôt de symboliser le pouvoir de chaque animal”, explique-t-il aux commissaires de l’exposition.