Erika Lust réalise un porno oral à la sauce vampire pour déstigmatiser les règles

Publié le par Lydia Morrish,

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Pour Halloween, la réalisatrice de porno féministe en vogue s’attaque à l’omerta qui entoure le sexe pendant les règles.

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Les règles, c’est un des trucs les plus dégoûtants qui soient. Ceux qui ne les ont pas les trouvent pires qu’une crotte flottante quand la chasse d’eau a mal été tirée. Même celles qui les ont admettent qu’elles ne trouvent pas ça méga-ragoûtant.

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Le truc, c’est qu’aussi lugubres et sales que le monde les dépeint, les règles ne méritent pas cette réputation. Oui, bien sûr, c’est toujours mieux de ne pas avoir à se retrouver nez à nez avec du sang, sous quelque forme que ce soit. Mais cela ne justifie pas un tel tabou.

À cause de cette stigmatisation, les règles ne sont quasiment jamais représentées dans le porno. Objet de fantasme pour une minorité, les règles correspondent généralement au moment où l’essentiel des couples va éviter les cunnilingus.

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Erika Lust, la réalisatrice indépendante récompensée pour ses films pour adultes féministes, en a eu assez de cette opposition absurde entre menstruations et sexe. Poursuivant sa mission de représenter la sexualité féminine sous toutes ses formes, elle met en scène dans son dernier porno, diffusé juste avant Halloween, un vampire assoiffé de sang et une jeune femme pour qui saigner ne met pas fin au désir.

Dans Can Vampires Smell My Period? (Les Vampires peuvent-ils sentir mes règles ?), la performeuse Misha Cross se fait plaisir en solo jusqu’à l’arrivée du prince joué par Parker Marx. Surgissant du monde des ombres, il pénètre dans sa chambre par la fenêtre et la nuit va se transformer en une puissante partie de sexe menstruel.

L’éclairage flatteur et la réalisation intimiste, fidèles au style d’Erika Lust, associés à un décor un peu flippant, dépeignent le sexe menstruel sous un nouveau jour, comme un objet de convoitise. Après tout, le cycle des femmes fait partie de la reproduction, la raison première de copuler pour notre espèce.

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Avec la réalisatrice, Konbini a parlé de sexe, des vampires et de cette époque dingue où les règles n’étaient pas taboues.

Konbini | Quand tu as décidé de faire ce porno, comment pensais-tu que les gens allaient réagir ?

Erika Lust | La menstruation est un phénomène aussi naturel que manger, boire ou dormir, et c’est quelque chose de beau. Pourtant, le tabou qui les entoure les associe à un sentiment de honte. Selon moi, c’est simplement enraciné dans la tradition de contrôle sur les corps des femmes de nos sociétés.

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Honnêtement, je me fous des critiques. Dans le monde occidental nous basons toujours nos vies sur les stéréotypes genrés, pas seulement les femmes, les hommes aussi. Nous devons tous nous battre pour assumer certains de nos choix. Le sexe oral pendant les règles en est juste un exemple.

“Vous seriez surpris du nombre d’hommes qui non seulement aiment le sexe pendant les règles, mais que cela fascine”

Mon travail est de m’emparer de nos corps et de représenter la sexualité féminine pour briser ces tabous. Le cinéma alternatif pour adultes essaye d’offrir de la diversité et de représenter toutes les franges de la société. La moitié de la population mondiale à ses règles, il est temps de s’y faire. C’est notre réalité mensuelle.

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Et puis, il y a des gens qui s’éclatent en pratiquant le sexe menstruel. Vous seriez surpris du nombre d’hommes qui non seulement aiment le sexe pendant les règles, mais que cela fascine. C’est juste une préférence personnelle, et c’est le cas pour les femmes aussi. Certaines sont très excitées quand d’autres souffrent et sont trop épuisées pour avoir des relations sexuelles pendant leurs règles.

Donc les règles peuvent être sexy ?

En ce qui me concerne, oui. Mais ça va au-delà de ça. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles le sujet des règles doit être abordé. C’est l’une des problématiques sur les droits humains les plus ignorées partout dans le monde.

C’est un problème social, politique et de santé publique qui affecte des millions de femmes. Je pense vraiment qu’il n’y aura pas de parité tant qu’on ne délivrera pas les menstruations de l’omerta qui les entoure, et ça passe par des avancées dans les politiques publiques.

(GIF via Tumblr)
(via Tumblr)

Alors comment rendre sexy quelque chose qui révulse autant de gens ?

Je ne peux pas nier que le plus gros tabou autour des règles est le sexe. D’ailleurs, la pornographie de ce genre est inexistante. En général, en Occident au moins, on l’associe seulement à une pratique fétichiste.

C’est censuré dans les médias, les gens n’en parlent pas en public, pourtant ce n’est pas sale, c’est tellement beau ! C’est grâce aux menstruations qu’on peut créer la vie, mais à un moment de notre histoire, il a été décidé que les règles sont impures et tous les mythes ridicules sont apparus. L’humanité n’a pas toujours pensé comme ça, cela dit. Dans les cultures matriarcales anciennes, c’était un signe de pouvoir, d’honneur, un moment où les femmes se régénéraient, c’était considéré comme un événement cosmique !

J’ai en partie voulu faire ce film pour abattre certains murs de pensées et montrer aux gens que les menstruations sont non seulement naturelles mais aussi sexy, c’est un bon début.

Un jour, j’ai reçu un message d’une fan de vampires qui demandait : “Est-ce que les vampires peuvent sentir quand les femmes ont leurs règles ? Et si c’est le cas, est ce que ça les affame ou… les excite ?” J’ai tellement ri quand j’ai lu sa question parce que je me l’étais aussi posée un soir en regardant True Blood !

Depuis le début du XXe siècle, on a vu les mythes autour des vampires se développer, mais originellement ils avaient tous en commun une sexualité sombre et sous-jacente, irrésistible. Ils sont intimement liés à l’érotisme. Leur jeunesse, leur beauté éternelle et leur instinct primaire de sucer le sang y sont pour quelque chose. Je savais que ce mythe était idéal pour explorer la pratique sexuelle la plus taboue qui soit…

Le film Can Vampires Smell my Period? est disponible à la demande jusqu’au 31 octobre pour tous les abonnés de la newsletter d’Erika Lust. La bande-annonce est à regarder sur Vimeo.

Traduit de l’anglais par Sophie Janinet

(via GIPHY)
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