Christophe Davy, co-fondateur de Rock en Seine : “Le festival ne pourra pas grossir”

Publié le par Théo Chapuis,

Christophe Davy en plein boulot pendant Rock En Seine. (Crédits : Louis Lepron)

A voir aussi sur Konbini

Cette fois-ci, c’est une certitude : Rock En Seine est définitivement rentré dans la cour des grands festivals français et européens. Avec un nouveau record, 118.000 billets vendus sur trois jours, l’évènement musical qui a vu se côtoyer ce week-end Phoenix, Nine Inch Nails et les frères Kalkbrenner a assuré sa pérennité face à l’incertitude financière.

Publicité

Christophe Davy est co-fondateur de Rock En Seine. Blouson en jean et bottes de pluie rose, celui qui est aussi programmateur et producteur du festival est pendu au téléphone, mais gère sans stress la quantité de choses dont il a la charge.

Publicité

Pour ce vétéran des manifestations musicales de grandes envergures, la règle est simple : “Pour tous les festivals en France, il faut remplir 90% de la jauge afin qu’il soit rentable. Donc ce n’est jamais facile. Pour l’instant, ça s’est plutôt bien passé pour nous : jusqu’à l’année dernière, quand sur une année on perdait de l’argent, la suivante on en gagnait. Je schématise, mais on a parfois gagné deux ans de suite pour tout perdre l’année d’après. Reste qu’en gros, sur dix ans, le bilan c’est zéro”. Équilibre, donc.

L’équipe de programmation et de production du festival, il la complète avec ses deux compères, François Missonier et Salomon Hazo. Ont-ils trouvé la formule magique d’un festival qui fonctionne ? “Si je la connaissais, je ne vous la dirai pas”, plaisante à moitié Christophe Davy.

Publicité

En cause, de nombreux facteurs qui rentrent en ligne de compte, dont certains qui ne dépendent pas de l’organisation :

On peut faire des choix de programmation qui nous semblent bons et ne pas rencontrer le succès attendu : la programmation, c’est tout sauf une science exacte… Il y a aussi la météo et d’autres aléas qui nous empêchent de tout contrôler.

Derrière, il y a une certaine pression : “Si on faisait une programmation qui nous conduirait à remplir 50% de notre jauge public, nous serions responsables”.

Publicité

Des artistes complémentaires… mais pas en opposition

Le line-up de Rock En Seine est sans doute un véritable casse-tête. Entre Kendrick Lamar, Paul Kalkbrenner, System Of A Down, Major Lazer et Belle & Sebastian, quel est le dénominateur commun ? Selon Christophe Davy, il a un nom : le rock. Parce que “maintenant, le rock, ça veut dire plein de trucs. C’est une bonne chose de mélanger des artistes d’horizons différents s’il n’y a pas de contradiction.”

Il nous donne alors une petite leçon de l’équilibre musical façon RES : “System Of A Down, c’est un groupe rock, metal. Mais dans leur public, il y a aussi des gens qui ne sont pas spécialement des fans de metal. On se dit que ça peut se mélanger avec Bloody Beetroots qui est un truc d’electro rock… [ndr : les deux artistes ont joué sur la même scène à deux heures d’intervalle]. On aime aussi décaler avec, au hasard, Patrice : c’est un autre genre, un autre son, c’est plus festif, plus frais et… ça fonctionne. Pareil pour le public qui vient voir Kendrick Lamar : c’est aussi un public qui vient écouter du rock”.

Publicité

Et Christophe Davy de poursuivre :

On essaye de trouver des artistes qui vont être complémentaires, mais pas en opposition. Il y a donc des groupes qu’on ne pourrait pas faire parce qu’ils écraseraient le reste de la programmation. Et ce n’est pas l’idée de Rock En Seine. On a besoin de headliners pour remplir, mais on a surtout besoin de headliners qui vont drainer un public ouvert qui va s’intéresser aux groupes qu’on présente dans la journée. Voilà l’équilibre à trouver.

Publicité

“Tout le monde nous disait que ça ne marcherait jamais”

Si aujourd’hui Rock En Seine pèse 118.000 billets, il n’en a pas toujours été ainsi. Christophe Davy revient sur les débuts du festival, qui semblent aujourd’hui bien lointains : “L’idée de faire un festival de rock à Paris était un peu folle. Tout le monde nous disait que ça ne marcherait jamais parce qu’il y a déjà une grande offre de concerts à Paris. Nous mêmes, on n’était pas sûr. On a commencé en 2003, sur la pointe des pieds. C’était déjà sur ce site mais plus petit : une scène, huit groupes, une journée… En fait, c’était plutôt un gros concert. Mais ça s’appelait déjà Rock En Seine : on espérait que ça prendrait”.

La première édition fait 14 à 15.000 billets vendus et procure aux programmateurs l’envie de continuer. Christophe Davy remercie Beck et Massive Attack, les deux groupes et artistes de la première édition qui avaient accepté d’accompagner un festival qui venait de naître. Aujourd’hui, Rock en Seine c’est “quatre scènes, dix fois plus de groupes et dix fois plus de gens aussi”.

Lorsqu’on lui demande si le festival peut faire venir encore plus de monde, il répond par la négative : “Rock en Seine ne pourra pas grossir car le site nous en empêche. Niveau public, on est arrivé à notre maximum cette année. On pourrait caler encore deux à trois mille personnes de plus mais on est arrivé quasi à notre jauge maximale. 40.000 billets samedi et dimanche, 38.000 pour vendredi”.

Environ 60% de Franciliens et 10% d’étrangers

Bien que financé en grande partie par la région Île-de-France (entre autres), le festival se défend de tout chauvinisme : “Jusqu’à l’année dernière, les avant-scènes proposaient six groupes franciliens par édition – soit deux par jour. Cette année on a ouvert au-delà de l’IDF parce qu’on trouvait ça un peu con de se fermer aux groupes extra-franciliens. On essaye d’avoir des artistes d’horizons différents, d’ouvrir à d’autres”.

Et en terme de festivaliers ? “On est sur 60% du public qui est francilien,  30% d’extra-franciliens et environ 10% d’étrangers. Ces derniers ont beaucoup de propositions chez eux, notamment les Britanniques : Rock En Seine coïncide avec le festival de Reading. Ceux qui viennent ici sont désireux de retrouver un festival à taille humaine, sur un site plus cool, où on peut se reposer facilement et profiter d’un concert dans un certain cadre”.

Selon Christophe Davy, Rock En Seine ne sera donc jamais un concurrent direct des “gros” festivals européens tels Glastonbury ou encore Les Eurockéennes. Et c’est sans regret : “Les festivals gigantesques, ce n’est pas forcément la culture de la France. Sans compter la concurrence, à Paris, des groupes qui passent dans des stades. Un groupe qui pèse un stade, on ne peut pas le faire à Rock En Seine. C’est trop cher, ça ne rentre pas dans notre capacité… Ce serait un groupe qui écraserait le reste de notre programmation”.

Et de conclure :

Il faut savoir que plus de 50% des billets achetés sont des forfaits trois jours. C’est la base d’un festival réussi.

Rendez-vous donc en 2013 pour la 12ème édition de Rock en Seine.

On vous conseille également :