Nos 10 meilleurs films de l’année 2019

Publié le par Louis Lepron,

© A24

Cette année, ces 10 films ont marqué les yeux de la rédaction.

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90’s

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90’s est passé quasi inaperçu cette année et cela relève du mystère. Tous les ingrédients sont pourtant là : Jonah Hill à la réalisation, du skate et les années 90 en toile de fond. Si l’on a adoré Jonah Hill chez Apatow puis chez Scorsese, la surprise à la découverte de 90’s n’en fut pas moins grande. Car au-delà d’ingrédients appétissants, la recette de ce premier film est plus que réussie.

Hill réalise ici un magnifique film d’apprentissage, qui oscille en permanence entre douceur et violence. Un peu à la Linklater, il filme ses personnages avec une grande tendresse et notamment son petit héros solaire, le prépubère Stevie, prêt à tous les coups (au sens littéral) pour acquérir une réputation auprès d’une bande de skateurs de Los Angeles.

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Le format, le grain de la pellicule (16 mm, format 4/3), la bande-son omniprésente : tout suscite nostalgie et mélancolie. Même Raekwon du Wu-Tang, présent sur la bande originale, aurait versé une larme. Avec 90’s, on assiste autant à l’éclosion d’un adolescent que d’un réalisateur prometteur.

Manon Marcillat

Give Me Liberty 

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Give Me Liberty. Le tout premier visionnage se produit lors de la Quinzaine des réalisateurs. Deux heures d’une plongée dans le quotidien d’un jeune, Vic, dont le boulot consiste à transporter des handicapés. On croise un homme en surpoids, une jeune femme en chaise roulante. Ce jour là, sa route va croiser celle de son grand-père, accompagné d’une flopée de personnes âgées originaires de la communauté russophone. Leur objectif du jour ? Se rendre à l’enterrement de Lilya.

Le spectateur, pris en otage dans un mini-bus traversé par toutes les histoires des individualités qui le composent, ne peut souffler dans la première moitié d’un film qui vrombit à toute allure, Vic essayant despéremment de rattraper le temps perdu une energie qu’on lui envie, et en même temps qu’on plaint. Le temps est précieux. 

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La virée se transforme en une magnifique photographie, à la fois tragique et comique, d’une ville de Milwaukee dans laquelle s’entremêlent autant les destins solitaires que les histoires solidaires de ses habitants, alors que Bon Iver et son “Holocene” résonne dans les enceintes du cinéma. Le sommet de Give Me Liberty se trouve dans la deuxième moitié : le rythme s’atténue, se repose dans ses moments les plus simples, les plus intimistes, comme pour mieux contempler et prendre du recul sur un tableau qu’on n’avait pas eu le temps de percevoir. Et c’est sublime. Le deuxième visionnage ? Ce sera dans quelques jours. L’heure est autre, l’émotion sera intacte. 

Louis Lepron

Joker

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On savait qu’on aurait droit à une vision d’auteur dans le cadre de la création d’un vilain, loin d’une machine à blockbuster. Et vu le statut de personnage le plus culte des comics (et la performance mémorable d’Heath Ledger), on n’arrêtera pas de répéter que l’exercice était périlleux, casse-gueule. Ajoutez à cela que l’auteur voulait raconter les origines du personnage, une première au cinéma.

Mais Todd Phillips nous a tous surpris, réussissant son pari haut la main : Joker est un grand film. De son scénario si malin à la performance dingue de Joaquin Phœnix en passant par la photographie, et le message qui en découle, le long-métrage a tout pour devenir un indispensable dans les années à venir. En tout cas, peu ont autant marqué les rétines et les esprits cette année.

Arthur Cios

Le Mans 66

On aurait tort de bouder ce grand moment de cinéma, pensant naïvement que c’est “un film de voitures” ; “un film de mecs” , “un film pour les fans de Turbo”. James Mangold forme là un duo efficace, engageant un Matt Damon à contre-emploi de Jason Bourne et un Christian Bale, qui m’a définitivement prouvé qu’il était le meilleur acteur que ce monde est en train de porter. Certes, sur le papier, Le Mans 66 est un film qui oppose Ford et Ferrari sur un circuit cultissime, mais c’est aussi un film plein de fougue, d’arrogance et de suspens.

Shelby, constructeur de bolide véroce, doit convaincre le big boss de Ford de laisser le pilote Ken Miles prendre le volant à bord de la voiture la plus performante du moment. Dans un style rétro, les vieilles voitures nous font un défilé de mode impeccable sur le goudron, jouant avec nos nerfs. Malgré ses 2h32, on redemande un tour de piste. C’était LA surprise de l’année qui a su porter haut les valeurs du cinéma : la mise en scène, la puissance des images et une histoire haletante.

Lucille Bion

Les Misérables

Divines, Bandes de Filles, Banlieusards… nombreux sont les films qui prétendent tirer le portrait de la banlieue. Peu sont ceux qui y parviennent de manière objective, soignant leur mise en scène autant que leur intrigue. Les Misérables, le premier film solo de Ladj Ly, est une claque, un moment intense de cinéma, qu’il a été délicieux et surprenant de découvrir à Cannes, qui optait cette année pour des films parfois décevants, signés par de grands noms.

Ladj Ly, formé dans les rangs de Kourtajmé, fait l’état des lieux des relations tendues entre les flics de la BAC et les habitants des cités, sans prendre partie pour l’un des deux camps qui se livrent une bataille effrénée. Sa caméra, utilisée comme une arme, dénonce l’ignorance des politiques. Alliant ainsi divertissement et documentaire — le film s’inspirant d’une bavure policière — Les Misérables représente une certaine forme de cinéma, devenue rare. Celle qui pousse à réfléchir, à illustrer des problématiques sociétales. Il était impensable qu’un autre film représente la France aux Oscars en 2019.

Lucille Bion

Midsommar

En un film, Ari Aster est, tout comme un certain Jordan Peele, devenu un nom indispensable du cinéma d’horreur contemporain. Un fait assez rare pour être souligné. Hérédité est un film crasseux, qui a marqué les esprits de beaucoup. Dire qu’on attendait son projet suivant était un doux euphémisme. Tout comme avancer qu’il est réussi.

Tous ne seront pas d’accord avec ce postulat, mais nous avons trouvé Midsommar plus fort encore. Son imagerie est encore plus belle, son propos encore plus pertinent, la proposition encore plus audacieuse. Car pour un film d’horreur en 2019, le réaliser en plein jour, ne pas se servir de jump scare, c’est osé. Tout se joue sur l’ambiance dingue qu’apporte le scénariste/réalisateur, le jeu d’acteurs particulièrement glaçant (Florence Pugh délivre une performance unique en son genre) et une mise en scène implacable (l’introduction du film est impressionnante de maîtrise).

Arthur Cios

Parasite

Une Palme d’or et bientôt un Oscar pour Parasite ? On l’espère. En 2019, le monde du cinéma, et même le public, aura formulé un grand “oui” au talent de Bong Joon-ho, consacrant l’immense travail cinématographique fourni au cours de la décennie par le réalisateur sud-coréen, du génial Memories of Murder au puissant Snowpiercer. Une consécration méritée.

Comme dans l’adaptation du Transperceneige, Bong Joon-ho s’amuse avec la géographie de son décor, une magnifique demeure dans laquelle se déroule la majorité de son scénario. Loin d’être socialement neutre, ce terrain de jeu huppé voit deux familles sud-coréennes aux antipodes se confronter, à travers leurs pratiques, leurs conditions de vie, leurs envies.

Et le cinéaste est sans pitié avec ses personnages, tant les manigances des uns et des autres révèlent beaucoup de leurs pulsions les plus basses. Parfaitement emballé (de la photo à la mise en scène en passant par le montage), Parasite se voit comme la vengeance se mange : froidement, avec supplément ironie. 

Louis Lepron

Si Beale Street pouvait parler

Trois ans après Moonlight, Barry Jenkins a posé ses caméras à New York, plus précisément à Harlem. Face à ses lumières, un jeune couple au début des années 70 qui voit son chemin ardent être refroidi par une fausse accusation de viol. Sorti au tout début de l’année en France, Si Beale Street pouvait parler n’a pas connu un succès qu’il aurait mérité au box office, avec un peu plus de 100.000 entrées dans l’Hexagone. Et pourtant. 

Et pourtant l’histoire, presque commune si on la lit, est ici magnifiquement mise en scène. Barry Jenkins illustre toutes les émotions de ses personnages d’une manière feutrée, presque en sourdine : la violence, l’amour, la complicité, la frustration, sont doucement évoqués, jamais galvaudés. Les voix sont basses, les comportements apaisés et les regards tendres. Tout y est sensuel, alors que rien n’est juste. Et la musique de Nicholas Britell vient enfoncer une lame émotionnelle déjà appuyée auprès de notre poitrine. Sublime.

Louis Lepron

Tu mérites un amour

Voici un autre premier film du cru 2019 qui impressionne par sa maturité. Si le scénario est d’une simplicité déconcertante, (Lila, parisienne, tente de se remettre d’une rupture douloureuse), il touche également à l’universel en nous racontant le terrassement que peut susciter un chagrin d’amour. Le film tient son nom d’un poème de Frida Khalo qui constitue d’ailleurs le climax émotionnel du film.

Dans Tu mérites un amour, Hafsia Herzi, la muse de Kechiche, brille autant derrière que devant la caméra. Car d’autres ont cette année tenté de dresser le portrait amoureux d’une génération et de son rapport complexe au sexe et aux sentiments mais se sont pris les pieds dans le tapis (Klapisch et son Deux moi pour ne pas le citer). Ici, on rit aux vannes de son meilleur pote (incroyable Djanis Bouzyani qui crève l’écran) et on pleure comme si son chagrin était le nôtre.

Manon Marcillat

Vice

Le combo Adam McKay + un biopic politique + Christian Bale suffisait pour nous faire saliver, surtout après la sortie de la très bonne surprise The Big Short. Pour rappel, on parle de l’homme qu’on connaissait surtout pour des comédies type Anchorman ou Very Bad Cops.

Mais non seulement Vice est dans la parfaite lignée de son précédent long-métrage, mais le propos est savemment mesuré. Tout est d’une certaine justesse, l’écriture et surtout le jeu de Christian Bale, Amy Adams, Steve Carrell ou encore Sam Rockwell.

Le rythme et la mise en scène de ce récit permet de connaître le parcours assez dingue de Dick Cheney, celui qu’on prenait pour l’homme de l’ombre pendant tant d’années, et de réaliser les horreurs qu’il a pu commettre quand il était le vice-président de George W. Bush. Une véritable leçon, autant sur le fond que sur la forme.

Arthur Cios