Depuis quinze ans, on reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais on a aussi à cœur de spotter les talents émergents dont les médias ne parlent pas encore.
À voir aussi sur Konbini
En 2024, après une première édition des Talents of tomorrow, on repart en quête de la relève. La rédaction de Konbini vous propose une série de portraits sur les étoiles de demain, qui vont exploser cette année. Des personnalités jeunes et francophones qu’on vous invite à suivre et soutenir dès maintenant.
© @worldwidezem/Konbini
Portrait. Dans l’Hexagone, être un manga français n’est pas chose aisée. Les lecteurs ne jurent majoritairement que par les pirates, ninjas et autres exorcistes, et seuls quelques rêveurs et sorciers parviennent à sortir leur épingle du jeu. Heureusement, un auteur fait son entrée très bruyante dans le game. Si le titre de l’œuvre vous paraît bien calme, rappelez-vous du nom de celui qui tient le crayon : Yoann Vornière.
Biberonné à Dragon Ball, Yoann se destine au métier de mangaka dès l’enfance. Pourtant, ses parents sont militaires, et personne ne dessine vraiment dans sa famille, à part son père, un peu. Mais Yoann dessine quand même. Il est doué pour ça. Alors il continue, en cours et chez lui. Il adore aussi raconter des histoires à ses trois petits frères, le soir avant qu’ils s’endorment. Lui, le grand frère, commence sans le savoir à tracer de la pointe de sa mine son propre destin, à suivre sa route marquée par un esprit shônen. L’esprit shônen, c’est la force de toujours croire en sa réussite malgré les obstacles et les échecs. C’est la force de ne jamais abandonner, de toujours se relever et de poursuivre sa quête quoi qu’il arrive. C’est la force, tout simplement.
“Je suis autodidacte, j’ai appris avec les livres de dessins et de scénarios. Internet m’a aussi aidé, ainsi que mes rencontres avec différents auteurs”
Pas très scolaire, Yoann n’a pas le bac. Mais il s’en fout, ce n’est pas ça qui l’arrête. Son chemin vers le manga, il le fait en solo. Il apprend avec des livres de dessins, des livres de scénarios, ainsi que lors d’un stage de 3e dans un atelier d’auteurs de BD avec un certain Tony Valente, futur papa de Radiant. C’est lui qui finira de le convaincre que réussir dans le manga est possible. Dès ses 16 ans, Yoann enchaîne ainsi les projets. Il monte des dossiers pour les éditeurs, en envoie à la pelle… et encaisse les refus. Mais il ne lâche rien. Avec Jim Bishop, ils parviennent en 2017 à sortir Jill & Sherlock chez Ankama. Sur ce projet, Yoann porte le nom de Yo-One. La BD rencontre un certain succès, mais Yoann n’oublie pas son rêve de devenir mangaka.
© @worldwidezem/Konbini
“J’ai bossé 4 mois non-stop sur l’univers et mon dessin afin de créer un manga qui allait être différent des autres”
L’idée de Silence naît lorsque Yoann participe au concours Tezuka, en 2020. Pour sa 100e édition, le concours japonais s’ouvre aux artistes internationaux. Le concours Tezuka, ce n’est pas rien – c’est un peu le Tenkaichi Budokai de Dragon Ball, il permet de percer dans le milieu, de devenir quelqu’un. Yoann y présente 50 pages de son œuvre, qui ne s’appelle pas encore Silence. Hélas, il ne remporte pas le premier prix. Mais encore une fois, il s’en fout car ce qu’il y gagne, c’est d’excellents retours de son entourage.
Alors, pendant quatre mois, il peaufine son univers, ses personnages, son dessin, va piocher dans ses inspirations comme My Hero Academia ou Les Sauroctones, puis présente son dossier aux éditeurs. Réponse quelque temps après : la maison d’édition Kana souhaite travailler avec lui. En France, on ne travaille pas de la même manière qu’au Japon, il n’existe pas de magazine hebdomadaire ou mensuel présentant le dernier chapitre sorti. En France, l’auteur a plusieurs mois pour travailler sur son manga. C’est là que Yoann va atteindre le paroxysme de son talent. En 9 mois et sans assistant, il conclut le premier tome de Silence, qui sort en septembre 2023.
© Kana
“Je voulais des personnages féminins forts. Je trouve qu’au Japon ce n’est pas assez mis en avant dans les shônen, ou alors de manière très clichée”
Dans Silence, Yoann met en scène un héros qui lui ressemble, Lame. Tout comme lui, Lame est l’aîné des siens. Tout comme lui aussi, Lame est porteur d’une énergie positive qu’il insuffle dans les histoires qu’il raconte aux enfants du village afin d’enjoliver une réalité postapocalyptique sombre et dangereuse. Yoann tient à cette double dramaturgie et l’exécute à merveille.
Silence n’est pas un récit introspectif, mais un récit d’aventure. Et dans une démarche de s’éloigner des codes des shônen japonais, souvent trop clichés dans la représentation des femmes, Yoann ajoute dans son univers des personnages féminins forts. Ainsi naît Lune, et quelques cases lui suffisent pour montrer son indépendance, sa froideur et sa personnalité complexe. Une belle promesse pour les prochains tomes.
Pour ajouter une french touch à son œuvre, Yoann oublie les mythologies japonaises, grecques ou égyptiennes pour embrasser le folklore français. Pendant le confinement, il découvre les légendes qui ont marqué l’Hexagone et décide de l’incorporer dans Silence. Pour lui, ça change du Japon, et au final, un sanglier de feu fait aussi peur qu’un dragon ou un serpent géant.
© @worldwidezem/Konbini
“Personne ne connaît le folklore français, moi le premier. Alors j’ai trouvé ça cool de me pencher dessus”
Le 26 janvier 2024 sort le tome 2 de Silence. Pour le reste, l’année de Yoann sera 100% dirigée vers Silence. Il espère sortir un tome 3 rapidement, voire un tome 4. Plus rien ne semble l’arrêter : l’esprit shônen est en lui. Pour conclure ce portrait, j’ai demandé à Yoann quel conseil il donnerait à une personne qui souhaite se lancer dans le manga en France. Voici sa réponse, mature et vraie :
“Il y a un conseil qui paraît con, mais il faut faire des pages. Il ne faut pas avoir peur de ne pas faire un chef-d’œuvre du premier coup. Il faut se casser la gueule pour apprendre à marcher, donc il faut faire des pages et se dire qu’on n’a pas encore les compétences pour faire un truc quali’ et éditable. Il faut passer par là, il n’y a pas de raccourci. Des projets que j’ai envoyés à des éditeurs, j’en fais depuis que j’ai 16 ans. Il faut apprendre à faire des projets, présenter des histoires et des univers.
Après il y a une différence entre ‘vouloir faire du manga’ et ‘vouloir vivre du manga’. Pour les premiers, je conseille de ne pas se poser trop de questions, de kiffer et de faire. Par contre pour en vivre, il ne faut pas négliger la question de l’industrie qu’il y a derrière le manga. Il faut respecter ses règles et ne pas faire n’importe quoi.”
Les recos de Yoann Vornière
- Une BD : Blast de Manu Larcenet.
- Une autre BD : Les Sauroctones d’Erwann Surcouf.
- Un comic : Ultramega de James Harren.
- Un film : La vie est belle (1997) de Roberto Benigni.
- Une série : Six Feet Under d’Alan Ball.
Vous pouvez suivre Yoann Vornière sur Instagram.