Sans cessez-le-feu à Gaza, l’artiste Ruth Patir ne viendra pas représenter Israël à la biennale de Venise

Sans cessez-le-feu à Gaza, l’artiste Ruth Patir ne viendra pas représenter Israël à la biennale de Venise

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© Kimi Lee via Unsplash

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Par Lise Lanot

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Les actions plus fortes que les mots.

“L’artiste et les curatrices du pavillon israélien ouvriront l’exposition quand un cessez-le-feu et un accord de relâche des otages seront trouvés”, peut-on lire devant les portes closes de l’exposition de Ruth Patir, artiste choisie pour représenter l’État d’Israël à l’occasion de la 60e édition de la biennale de Venise. Dès le 24 octobre 2023, Ruth Patir et les conservatrices de son exposition, Tamar Margalit et Mira Lapidot, partageaient auprès d’Artnews leur sidération face à la situation : “Les attaques terribles du 7 octobre perpétrées par le Hamas, qui ont brisé les vies de tant de nos proches, ami·e·s et connaissances, nous ont laissées complètement bouleversées et terrifiées. Notre deuil immense est exacerbé par notre inquiétude immense concernant la crise humanitaire grandissante à Gaza et les morts tragiques là-bas, ainsi que tout ce qui est à venir”.

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À quatre jours de l’ouverture publique de la biennale et alors que débutent les journées dédiées à la presse, Ruth Patir, Tamar Margalit et Mira Lapidot ont décidé d’agir concrètement. “[L’artiste] reconnaît que la biennale, qui ouvre samedi, est une énorme opportunité pour une jeune artiste comme elle, mais que la situation à Gaza ‘est bien plus importante [qu’elle]”, et elle s’est dit que fermer le pavillon était la seule action qu’elle pouvait entreprendre”, rapporte le New York TimesDepuis le mois d’octobre, Ruth Patir participe à des manifestations à Tel-Aviv pour demander le relâchement des otages et la démission du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

“Pas de pavillon du génocide à la biennale”

Depuis l’annonce, en février dernier, de la programmation de cet événement d’art contemporain qui invite des pays du monde entier à exposer un projet artistique, la présence du pavillon israélien polarise tensions et débats. À date, 23 761 personnes ont d’ailleurs signé une lettre ouverte (traduite en français) appelant à “l’exclusion de l’État d’Israël de la biennale de Venise” : “Donner une plateforme à de l’art qui représente un État engagé dans des atrocités continues contre les Palestinien·ne·s de Gaza est inacceptable. Pas de pavillon du génocide à la biennale de Venise”.

Les signataires dénoncent la façon dont “la biennale est demeurée silencieuse concernant les atrocités de l’État d’Israël contre les Palestiniens” et évoquent un “double standard”, sachant que la Palestine n’a jamais eu droit à son pavillon, puisque le pays n’est “pas considéré comme un État à Rome”, rappelle Artnews. “En 2002, le curateur Francesco Bonami avait proposé l’ajout d’un pavillon palestinien, proposition qui lui avait été refusée et valu d’être accusé d’antisémitisme par la presse italienne.”

L’exposition collective du Palestine Museum US, “Foreigners in Their Homeland” (“Des étranger·ère·s sur leur terre natale”), qui présente “23 artistes palestinien·ne·s (dont certain·e·s venant de Gaza)” invité·e·s à “mettre en lumière la vie sous l’occupation”, et l’exposition solo de la peintre gazaouie Malak Mattar, “The Horse Fell Off the Poem”, n’ont ainsi pas eu le droit d’officiellement participer à la biennale et sont organisées en parallèle du prestigieux événement.

Avant l’État d’Israël, la Russie

En 2022, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’artiste et les curateur·rice·s en charge du pavillon russe avaient annoncé leur retrait de la 59e édition de la biennale. La biennale avait alors “exprimé toute sa solidarité pour cet acte noble et courageux” et affirmait soutenir “les motivations ayant mené à cette décision, qui résument de façon dramatique la tragédie qui déchire toute la population ukrainienne”. “La biennale demeure un endroit où les peuples se rencontrent grâce à l’art et la culture, et condamne ceux qui utilisent la violence et empêchent le dialogue et la paix”, défendait alors l’organisation.

“La condamnation publique par la biennale de ‘l’agression militaire inacceptable de la Russie’ incluait une affirmation selon laquelle elle rejetait ‘toute forme de collaboration avec ceux qui ont perpétré ou soutenu un acte d’agression aussi grave’ et refusait ‘d’accepter la présence à quelconque de ses événements de délégations officielles, d’institutions ou de personnes liées de quelque manière que ce soit au gouvernement russe’. En novembre, il a été rapporté que plus de civil·e·s palestinien·ne·s avaient été tué·e·s en un mois en Palestine qu’en deux ans en Ukraine”, écrivaient les signataires de la lettre ouverte de Artists Against Apartheid. La biennale n’a pour le moment pas réagi à l’annonce de Ruth Patir.

La biennale de Venise aura lieu du 20 avril au 24 novembre 2024.