Il y a 40 ans, la Nasa brûlait involontairement une solide preuve de vie sur Mars

Il y a 40 ans, la Nasa brûlait involontairement une solide preuve de vie sur Mars

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Le module Viking, en 1976. Crédit: Nasa

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Par Thibault Prévost

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En 1976, les robots d’exploration Viking auraient déjà dû découvrir des composés organiques dans le sol martien. S’ils ne les avaient pas accidentellement brûlés.

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Le 7 juin dernier, l’agence spatiale américaine annonçait au monde entier une nouvelle fondamentale dans notre compréhension de la vie extraterrestre : le sol martien contient bien, et en grande quantité, les complexes molécules organiques nécessaires à la vie sur Terre. Vieilles de trois milliards d’années et nichées dans la roche de surface sédimentaire de la planète rouge, ces molécules de carbone et d’hydrogène représentent le meilleur indice dont nous disposons actuellement (avec la détection de variations dans les niveaux de méthane de l’atmosphère, souvent dus à une activité microbienne) pour déduire l’existence de vie sur la planète rouge. Et à peu de chose près, nous aurions pu le savoir depuis près de quarante ans.

Le 10 juillet, c’est New Scientist qui rappelait la Nasa à ses erreurs de jeunesse en expliquant comment, en 1976, l’agence spatiale américaine est totalement passée à côté de la découverte des composés organiques de Mars en… les brûlant par inadvertance. À l’époque, les recherches menées par les astrophysiciens de l’agence montrent que Mars subit des averses régulières de micrométéorites riches en composés carbonés, ce qui signifie que le sol martien devrait être couvert de ces composés. Mais lorsque les modules Viking atterrissent sur le sol martien à quelques jours d’intervalle, à l’été 1976, ils ne trouvent absolument rien. À l’époque, la communauté scientifique reste sans voix, se souvient New Scientist.

Le perchlorate, élément perturbateur

Pendant des décennies, Mars continue heureusement d’intéresser la communauté scientifique, mais la question de la vie martienne se fait discrète et les programmes se concentrent sur des expériences géologiques plutôt que biologiques. Jusqu’en 2008 et au lancement du module martien Phoenix, chargé d’explorer les régions du Pôle Nord de la planète. Il y découvre un étrange sel, nommé perchlorate, que l’on trouve également sur Terre. Problème : chez nous, la substance est suffisamment inflammable pour être utilisée dans les feux d’artifice et les carburants de fusée. Or, en 1976, les laboratoires embarqués sur les modules Viking menaient leurs analyses du sol martien en… le chauffant.

Résultat : en 2010, à la lueur des nouvelles découvertes de Phoenix, un chercheur mexicain, Rafael Navarro-Gonzalez, publie dans la revue Journal of Geophysical Research-Planets une reconstitution de l’expérience de Viking, réalisée dans le désert chilien (considéré comme l’un des environnements terrestres les plus similaires au sol martien). En prenant en compte le perchlorate (qui avait à l’époque été considéré comme une contamination des instruments de mesure), le chercheur trouve deux composés organiques, le chlorométhane et le dichlorométhane… soit les mêmes résultats que ceux de 1976.

Mais la preuve est encore insuffisante. Il faudra les dernières découvertes de Curiosity – notamment du chlorobenzène, un composé produit par la combustion de molécules carbonées avec du perchlorate – pour laver définitivement l’honneur de Viking : non, le module n’a pas servi à rien, il avait même très probablement découvert les précieuses preuves quarante ans avant son illustre successeur. À l’époque, nous n’avions tout simplement pas les moyens de le savoir. Mieux : avec les découvertes de Curiosity, les données de Viking signifient que ces composés organiques existent au moins à deux endroits de la planète. Quarante ans après, le premier colon martien continue de faire avancer la science.