Lost in the Swell, les aventures de trois surfeurs baroudeurs au Gabon

Lost in the Swell, les aventures de trois surfeurs baroudeurs au Gabon

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Par Naomi Clément

Publié le

Avec Lost in the Swell, Ewen, Ronan et Aurel, trois Bretons passionnés de surf, nous font partager leurs aventures faites de houles et de rencontres. La dernière en date ? Un trip de trois mois sur les plages méconnues du Gabon, qu’ils ont accepté de nous retracer.

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“Toujours plus loin” : voici, semble-t-il, la devise d’Ewen, Ronan et Aurel. Après une première expérience sur une île déserte indonésienne et une seconde à la conquête des îles Salomon, ces trois surfeurs originaires de Bretagne se sont aventurés sur les terres inexplorées du Gabon. L’idée ? Partir à la rencontre de la population locale, et apprivoiser des vagues jusqu’ici jamais surfées. “On s’est vite fait casser les genoux (et surtout nos rêves) par la ‘société de consommation’, nous confie Ronan. Du coup, ces expériences nous permettent de nous retrouver tous les trois, au moins pour quelques mois dans l’année, et de nous libérer de nos chaînes. L’idée première, c’est vraiment de recommencer à rêver ensemble.”

Bercés par des films comme The Endless Summer ou Forgotten Island of Santosha, ces trois amis d’enfance se sont récemment envolés à Libreville dans le but de dénicher des spots inconnus, avec pour seul moyen de locomotion leurs imposants fat bikes et leurs short boards. De ce trip aussi fatigant que réjouissant, nos Bretons sont revenus avec d’incroyables souvenirs qu’ils ont choisi de nous partager à travers Le Paradis perdu, l’une des quatre webséries qui composent aujourd’hui leur projet Lost in the Swell. Composée de dix épisodes, désormais disponibles sur YouTube, cette dernière nous plonge au cœur d’une odyssée fabuleuse passée à surfer des houles parfaites, philosopher avec des habitants chaleureux et flirter avec les baleines à bosse. Ronan, qui a filmé ce fascinant périple, nous raconte.

Konbini | Pourquoi avoir décidé de partir au Gabon ? Qu’est-ce qui vous a attirés dans ce pays ?

Ronan | C’est une combinaison de plusieurs facteurs. D’abord, la vague la plus longue et la plus incroyable du monde a récemment été découverte en Namibie, à 2 500 kilomètres au sud du Gabon. Les houles de l’Antarctique remontent et s’enroulent le long de la côte de l’Afrique de l’Ouest : d’abord en Afrique du Sud, puis en Namibie, en Angola, au Congo, et enfin au Gabon.

Ensuite, nous avons toujours été attirés par des destinations isolées, loin de la surpopulation et proches d’une nature abondante. On a d’abord pensé à la Namibie, mais ce pays est un énorme désert : avec nos trois jours d’autonomie en eau, on serait morts. Plus au nord, on sait que l’Angola et le Congo abritent également des vagues formidables, mais ce sont deux exemples d’États ravagés par l’exploitation du pétrole et des ressources naturelles.

Et puis, il y a le Gabon, vestige de la Françafrique. À partir de 2002, grâce à l’Américain Michael Fay, Omar Bongo [l’ancien président du Gabon, mort en 2009, ndlr] a créé 13 parcs nationaux, qui recouvrent plus de 10 % de la surface du pays ! Au Gabon, il reste encore des bouts intacts de la forêt primaire du bassin du Congo… C’est même le dernier endroit du monde où l’on trouve de la forêt primaire équatoriale et côtière, en bord de plage. Et puis la population y parle parfaitement français (parfois même mieux que nous), ce qui nous permet d’échanger, et de partager pleinement avec les habitants.

“Pour nous, la notion de voyage est intimement liée au surf”

Ça fait quoi de surfer des vagues qui étaient vierges jusqu’à votre arrivée ?

C’est un peu un rêve de surfeur. Pour nous, la notion de voyage est intimement liée au surf. On a été bercés par les films des pionniers du surf, qui sont partis à la découverte de spots, comme The Endless Summer, Morning of the Earth ou Forgotten Island of Santosha (qui raconte la découverte de la vague de Tamarin sur l’île Maurice en 1970 !).

Cependant, ça a tout de même été très compliqué de surfer ces nouvelles vagues, car personne n’est là pour donner son retour d’expérience. Du coup, avant de se mettre à l’eau, Ewen et Aurel se sont posés énormément de questions : où se mettre à l’eau ? Qu’en est-il du courant, de la marée, du vent, des rochers ? Que prendre comme repères visuels ?  C’est un exercice vraiment compliqué que de surfer une vague inconnue, un exercice qui demande de l’expérience, de la patience et un peu de chance aussi. […]

Mais il y a quand même eu des moments super sympas. Par exemple, la “grande tradition” colonialiste et impérialiste [sourire ironique] veut que nous ayons le droit de “nommer” le spot de surf découvert ! Du coup, on a bien rigolé en baptisant nos découvertes “la gauche de Bambi”, “le spot en bois”, “Mad Max Point”, “la gauche des crocos” ou encore “Tarzoon” !

“Se sentir tout petit face aux animaux”

Tout au long des dix épisodes, on vous voit évoluer dans l’environnement sauvage du Gabon, dans des conditions parfois assez extrêmes. Vous n’avez jamais pensé à abandonner ?

Pas vraiment… Parce qu’on n’avait pas le choix ! Une fois engagé sur la plage, tu as l’océan Atlantique d’un côté, et de l’autre, de longues lagunes qui longent la plage et une jungle impénétrable ! C’était hors de question de faire demi-tour : il fallait aller de l’avant et remonter vers le nord, dans l’espoir de trouver de la civilisation !

Les animaux sauvages ont également été très présents. Il y a notamment cette scène incroyable en stand up paddle, où vous surfez aux côtés de baleines à bosse. Ça fait quoi, de se retrouver nez à nez avec ces mammifères géants ?

C’est génial de se sentir tout petit face à ces animaux. Mais c’est assez vite stressant, car nous sommes chez eux, sur leur territoire, et cette fois, c’est à nous d’adopter leurs codes et leurs comportements. Avec les baleines à bosses, en pleine parade amoureuse, Ewen et Aurel ont tout misé sur la chance, leur karma. Plus ils étaient proches, plus on ressentait la grandeur, la puissance de ces mammifères. […]

Quelle a été votre meilleure rencontre humaine ?

C’est vrai qu’on a rencontré pas mal de monde, que ce soient les Pygmées (les premiers habitants de la forêt) ou les forçats chinois (les derniers exploitants de la forêt, qui passent la tondeuse sur la forêt primaire). De manière générale, les Gabonais ont un petit côté breton : au premier regard, le contact est un peu froid… Mais une fois la conversation engagée, on peut aller loin dans le partage, dans l’amitié. On peut vite se faire inviter à manger et à dormir chez une famille. La rencontre exceptionnelle, qui a vraiment façonné notre trip, c’est celle avec l’écogarde Aniced Kinga, avec lequel on a passé deux semaines, 24 heures sur 24. En plus de nous avoir appris comment survivre sur les plages gabonaises, il a philosophé avec nous au coin du feu durant de très longues heures !

C’est vrai qu’il vous a été d’une grande aide au début de votre aventure. Avez-vous eu de ses nouvelles depuis ?

Oui, mais seulement hier ! À la fin de notre périple, il est parti en mission à la frontière avec le Congo. Il n’avait pas de réseau, on n’a même pas pu se dire au revoir. Mais la 3G abordable vient d’arriver dans son village (Mayumba) et, depuis hier, il est sur Facebook ! Si Ali Bongo ne coupe pas à nouveau les réseaux sociaux (comme pendant qu’on était sur place, à cause des élections), on devrait pouvoir échanger, c’est cool !

Si vous deviez choisir le moment le plus mémorable de votre voyage, lequel serait-ce ?

Je choisirais la traversée du parc national de Loango. C’est le parc le plus ancien et emblématique du Gabon, la concentration d’espèces animales y est hallucinante. Se retrouver seuls au monde dans ce dernier bout de paradis “intact”, c’était dingue (et flippant aussi) ! Du coup, on avançait les yeux exorbités, hallucinés d’avoir la chance de vivre ça, d’observer autant de vie. Buffles, éléphants, hippopotames, potamochères, crocodiles du Nil, gorilles, chimpanzés, léopards… Il y a de tout, et en très grande concentration ! La plupart des bêtes portent l’adjectif “Goliath” après leur nom, car elles sont plus grosses qu’ailleurs dans le monde !

Cependant on a vite déchanté quand on a vu que tous ces animaux vivent dans nos merdes : les plages sont jonchées de déchets en plastique, de toutes les tailles… Et l’exploitation pétrolière provoque beaucoup de marées noires : en mer, sur la plage, mais aussi en forêt.

“J’ai été témoin du pillage de la planète”

À chacune de vos aventures, l’écologie est un enjeu primordial. Cette websérie est-elle aussi  un moyen de sensibiliser les gens à la cause environnementale ?

Dans nos vies, l’écologie représente un enjeu primordial. Nous sommes convaincus que ne pas mettre aujourd’hui la “cause environnementale” au-dessus de toute autre préoccupation est une erreur grave ! Mais ce n’est pas pour autant que l’on veut faire la morale ou infliger notre point de vue aux personnes qui nous regardent… D’autant que nous sommes loin d’être légitimes ou irréprochables !

Personnellement, je suis revenu sidéré et assez déprimé de ce voyage, car j’ai été témoin du pillage de la planète pendant trois mois. Mais après notre tournée d’avant-première (qui a réuni 4 500 personnes en dix dates), les gens sortaient des salles avec la banane, en nous disant des choses du genre : “C’est super positif !” ou “Ça donne envie de voyager, de se bouger !” Et ça, ça nous a refaits moralement ! C’est trop cool, si cela permet de remettre un peu de joie dans l’écologie !

C’est quoi la prochaine étape pour vous ?

Il faut bien comprendre qu’on ne gagne pas d’argent avec nos aventures. On fournit gratuitement, chacun à notre façon, un travail de plus d’un an sur chaque projet. On apprend différents métiers, différentes compétences… C’est super intéressant et enrichissant ! Mais on a surtout l’impression d’être les propres stagiaires de notre association ! Les sponsors et le crowdfunding payent le matériel, la logistique, le trip, les droits musicaux et Facebook… mais on ne monétise mêmes pas nos vidéos YouTube. Donc l’urgence pour nous trois, pour l’instant, c’est de faire une saison et de travailler pour survivre en France ! Mais vu l’enthousiasme autour de nos films, on va sûrement repartir, et on espère le faire le plus vite possible ! Mais où ? Comment ? C’est trop tôt pour le dire !

Retrouvez les aventures de Ronan, Ewen et Aurel sur Lost in the Swell.