Space X : en 2023, le premier touriste lunaire sera japonais (et emmènera des artistes)

Space X : en 2023, le premier touriste lunaire sera japonais (et emmènera des artistes)

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Par Thibault Prévost

Publié le

Milliardaire iconoclaste pour mécénat démesuré

“Enfin je peux vous le dire, j’ai choisi d’aller sur la Lune !” s’est exclamé l’entrepreneur en débarquant sur scène, avant de dévoiler les motivations de son projet à coups de slides PowerPoint. Agé de 42 ans, Maezawa a fondé en 1998 Start Today, la compagnie-mère de Zozotown, le site de vente de vêtements en ligne le plus populaire du Japon. Outre sa trajectoire d’entrepreneur à succès, le Japonais iconoclaste, ancien musicien, est également connu comme un avide collectionneur d’art, qui venait notamment de s’offrir un Basquiat de 1982, en juillet dernier, pour la somme record de 110 millions de dollars. Voilà pour le CV.
C’est, à l’en croire, cette passion pour l’art qui l’a poussé à acheter “toute la fusée BFR” et transformer l’aventure en un gigantesque projet de mécénat spatial. Nom de code du projet : #dearmoon (le site Internet a été mis en ligne peu après la présentation). L’idée : inviter des artistes venus de différentes disciplines – “peintres, sculpteurs, musiciens, architectes, créateurs de mode, réalisateurs” – dans l’espace et leur permettre de créer des œuvres en rapport avec leur voyage, pour “inspirer les rêveurs” restés sur Terre. Critères de sélection : “ceux qui me plaisent”, a simplement lâché le milliardaire aux visées borgiennes. Les heureux élus ne seront cependant pas annoncés avant plusieurs années, mais le jeu des pronostics peut déjà commencer.

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SpaceX, un historique de promesses non tenues

Voilà pour la partie du projet qui fait rêver – et, il faut bien l’avouer, Musk a encore une fois réussi à nous captiver en sortant un gros lapin de son chapeau à fusées. Cependant, le projet soulève encore énormément d’interrogations, tant sur le plan du financement que celui des contraintes techniques. Rappelons qu’en 2016, Musk avait déjà annoncé qu’il enverrait deux touristes autour de la Lune… au deuxième trimestre 2018. Et que cette annonce faisait suite à une autre prophétie ratée, en 2011, lorsque l’homme promettait déjà des touristes sélénites “dans les deux à trois ans”.
Interrogé sur le sort de ces deux premiers clients abandonnés, Musk a néanmoins laissé entendre qu’il s’agissait déjà de Yusaku Maezawa : à l’époque, la fusée Falcon Heavy prévue pour embarquer des touristes spatiaux ne laissait de place qu’à deux passagers, dans un habitacle comparable à “un SUV”, a précisé l’entrepreneur lors de la conférence de presse. Ce qui laisse, avouons-le, peu de place pour une semaine de voyage. La BFS, elle, devrait proposer un tout autre niveau de confort. Seul petit souci : pour le moment, la BFR (doit-on rappeler qu’elle est l’acronyme, au choix, de “Big Falcon Rocket” ou plus prosaïquement de “Big Fucking Rocket” ?) n’existe que dans de jolies simulations en 3D.
Si l’on s’en tient au nouveau design, déjà le troisième en deux ans, dévoilé par SpaceX il y a quatre jours pendant le teasing de l’annonce, le vaisseau BFS mesure 55 mètres de long pour environ 9 mètres de diamètre, et présente un volume de chargement de 1 000 m2. La dimension totale du vaisseau, accroché à son lanceur BFR, excède les 118 mètres de long. Un monstre. Pour le moment, cependant, rien de concret : seuls deux immenses cylindres, qui composent une partie du lanceur, existent dans les hangars de Hawthorne. Le reste, a éludé Musk, sera bientôt construit, même si SpaceX se concentre avant tout sur ses missions lucratives – livraisons de satellites en orbite, ravitaillement de l’ISS, et bientôt transport d’astronautes vers la station orbitale.

Ça coûte combien, d’aller dans l’espace?

Malgré ce que l’on imagine être une facture salée pour l’entrepreneur japonais – non, nous ne saurons pas (encore) combien ça lui coûte –, SpaceX a intérêt à vite trouver des fonds : selon Musk lui-même, le coût de construction de la fusée BFR se situera “entre 2 et 10 milliards de dollars, probablement autour de 5”. Ce qui inclut “2 à 3 ans de tests”, selon Musk, et au moins une mission non-habitée vers la Lune avant l’échéance de 2023. En février dernier, The Verge sortait la calculette pour estimer un coût de 175 millions de dollars par mission dans l’espace profond, montant pratiqué par Space Adventures, l’un des concurrents de SpaceX sur le futur marché de l’espace civil. À ceci près que l’ensemble BFR/BFS, une fois construit, est censé être réutilisable, ce qui réduit les coûts opérationnels au seul carburant.
Dans tous les cas, nous n’en sommes pas là, et des questions plus pressantes demeurent : comment les artistes vont-ils être sélectionnés, et comment l’équipage va-t-il être entraîné ? Y aura-t-il avec eux, ou non, des astronautes professionnels ? Quid d’une équipe scientifique ? La BFR/BFS est-elle tout simplement viable ? Premiers éléments de réponse en 2020, si Musk tient sa deadline, avec le premier vol orbital de la fusée dernière génération. Si elle vole et que l’équipage d’artistes va visiter la Lune, alors seulement, nous pourrons commencer à rêver de bases lunaires et de sauts interplanétaires avec station-service sur chaque planète, comme Musk le fait déjà à voix haute.