En Russie, deux femmes s’embrassent devant un élu homophobe

En Russie, deux femmes s’embrassent devant un élu homophobe

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Par Aline Cantos

Publié le

Samedi 31 janvier 2015, le fervent anti-gays russe Vitaly Milonov prend l’avion. Un couple de femmes s’envole en même temps pour St. Petersbourg. Le voyage sera placé sous le signe du militantisme.
La résistance aux lois anti-propagande homosexuelle russes se fait sentir dans le milieu queer russe. Le membre de l’assemblée législative du pays, Vitaly Milonov, en a fait les frais. Alors que le personnage est l’un des plus grands acteurs de la lutte anti-homosexualité du pays, ce dernier s’est retrouvé face au baiser de deux femmes présentes lors du vol Moscou-St. Petersbourg du samedi 31 janvier 2015.
Les deux femmes se sont empressées de poster les clichés de leur action improvisée dans l’avion sur les réseaux sociaux. Facebook, Instagram, les posts n’ont pas tardé à faire le tour du monde et réveiller les médias de la planète entière.

Кто там на заднем фоне??? МИЛОНОВ! а нам похер! Мы летим в любимый клуб "Инфинити"

Une photo publiée par моябесконечность (@infinitykseniya) le


C’était vraiment Milonov, il était assis dans la rangée de derrière. Pendant tout le vol de Moscou à Saint Pétersbourg, il ne nous a rien dit. On a fait ces photos devant lui, il s’est caché derrière sa tablette quand on l’a fait. On est toutes super contentes. Lui certainement beaucoup moins, mais on s’en fout” disent-elles sur leur page VKontakte selon le site Meduza qui a fait la traduction du russe à l’anglais. 

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Un acte militant

La société russe semble cependant moins emballée par l’action des jeunes femmes. Très pudique, la population semble réfractaire à toute marque d’affection de manière générale même si le rejet s’accentue quand il s’agit de couples de même sexe. Selon Marina Demina, activiste russe pro-LGBT contactée par Konbini, “les filles n’ont rien fait de mal, mais c’était une provocation. Après c’est une question d’éducation. Je ne pense même pas que les hétéros fassent ça en public ici. Cela relève du domaine privé“. 

Ce qui serait une simple marque d’affection dans des pays plus ouverts sur le sujet se transforme en Russie en véritable acte militant. L’élu dont l’homophobie ne fait aucun doute a en effet participé à la mise en place d’une loi anti-propagande homosexuelle dans son pays, visant plus globalement l’homosexualité dans son ensemble.
Marina Demina, regrette une politique très hostile envers les homosexuels toujours considérés comme des citoyens de second rang.

Dans la théorie, notre pays est supposé être tolérant, mais en pratique, pas du tout. Les droits des gays sont limités, ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone et souffrent d’une totale négligence. Le maximum que l’on leur autorise dans ce pays, c’est une parade, et encore, cette dernière est soumise à bon nombre de permis et d’autorisations.

Ce ne sont certainement pas les élus qui faciliteront les choses. Avec un passé d’homophobe confirmé, Vitaly Milonov est la preuve vivante de l’hostilité des politiques.

Des élus complices de l’homophobie

“Dans la conscience de la société, c’est encore considéré comme une maladie”

Avec une population opposée à 54% à l’homosexualité, la Russie compte bon nombre de partisans de cette loi dont la promulgation ne fait que renforcer l’image de Vladimir Poutine en tant que défenseur des valeurs qu’il appelle “traditionnelles“. Le pays apparaît clairement hostile à toute population non hétérosexuelle. Marina Demina confirme.

Dans notre pays, la majorité des gens a accueilli positivement ces lois anti-LGBT parce que la mentalité du peuple russe n’est pas encore à même de mettre les LGBT et les personnes “normales” sur un pied d’égalité. Dans la conscience de la société, c’est encore considéré comme une maladie.
On doit parler plus du sujet, adopter des politiques sociales, introduire de l’information. Les gens doivent avant tout comprendre que ce n’est pas une maladie, que les gays sont des personnes comme tout le monde. Mais pour changer la perspective globale de la société russe, cela prend du temps, plus qu’un an. L’engagement pour la cause doit se faire sur une base régulière.

La population apparaît aussi réticente à accepter l’homosexualité que ses gouvernants. Les lois anti-LGBT se multiplient avec l’approbation tacite d’un peuple dont la mentalité peine encore à dépasser les valeurs traditionnelles.

La Gay Pride interdite pour 100 ans

D’ailleurs, la récente interdiction de conduire appliquée aux travesti(e)s et transexuel(le)s vient confirmer l’effectivité de ces politiques très réfractaire aux comportements dits alternatifs.
Cependant, les populations LGBT sont de plus en plus nombreuses à réagir, parfois au péril de leur liberté et de leurs comptes en banque. Le cas de ces deux femmes, s’embrassant en face de Milonov, n’est pas isolé. On pense notamment aux Gay Pride organisées à Moscou malgré l’interdiction du gouvernement pour le siècle à venir.
Condamnées les années précédentes par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour son opposition à l’organisation de Gay Pride, le tribunal de la capitale Russe a tout de même voté l’interdiction en 2012. Les activistes n’hésitent pas à saisir à nouveau la Cour Européenne. C’est ce que confirme le fondateur de GayRussia, Nikolai Alekseev en affirmant son intention d’y faire appel en cas de confirmation de l’interdiction par le Presidium moscovite.
Pourtant, les interdictions n’ont de cesse de se multiplier sous couvert de raisons bancales et inexistantes factuellement. Raisons de sécurité, d’ordre public, tout est bon pour empêcher les populations LGBT de prendre possession des rues. Les militants qui s’y aventurent ne tardent d’ailleurs jamais à être arrêtés. Le concours des autorités n’aide pas dans la défense des droits LGBT. Encore en 2014, des militantes ont été arrêtées à Moscou.

“C’est une persécution”

Les populations LGBT en Russie sont cachées ou menacées. Si ce n’est pas toujours physique, c’est sous forme d’exclusion socio-professionnelle.

Je ne dirais pas que la vie des gays est directement en danger. Mais c’est parce que nous sommes habitués au fait de les voir cacher leur identité et ne jamais affirmer ouvertement leur orientation sexuelle.
C’est peut-être en partie parce que les souvenirs encore récents du passé soviétique du pays influencent encore l’attitude des gens. Si un gay révèle son orientation, il prend des risques dans beaucoup de parties de sa vie : se voir refuser un travail, voir ses proches lui tourner le dos. C’est une persécution, avoue Marina.

Malgré une décriminalisation de l’homosexualité vieille de deux décennies, la Russie semble toujours trouver le moyen d’interférer dans la vie des populations LGBT. Leur quotidien s’en voit perpétuellement menacé et toutes les sanctions européennes et internationales ne semblent rien y changer.