Comment réagiriez-vous si la fin du monde était proche ? Calmement, selon la science

Comment réagiriez-vous si la fin du monde était proche ? Calmement, selon la science

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Par Thibault Prévost

Publié le

Des chercheurs ont utilisé le jeu de rôle en ligne ArcheAge pour observer les réactions de 80 000 joueurs à la fin imminente de leur monde.

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Si on vous annonçait, disons demain, que le monde tel que nous le percevons allait bientôt disparaître, et qu’on poussait le vice jusqu’à vous donner une date précise, qu’est-ce que vous feriez, au juste ? Seriez-vous plutôt du genre à vous mettre en position du lotus pour accueillir avec sérénité l’idée de la fin de l’existence, à foncer chercher un prêt à la banque pour vivre une vie de débauche jusqu’à la date fatidique, où à renier brutalement toutes les normes morales pour vous mettre à piller, massacrer et violer tout autour de vous ? Si l’on en croit les travaux d’une équipe de chercheurs en informatique basée à l’université de Buffalo, aux États-Unis, tout devrait se passer dans un calme relatif.

Au fait, quel protocole expérimental utilise-t-on pour obtenir des données sociologiques sur la fin du monde ? En la simulant grâce à un jeu vidéo, tout simplement. C’est ainsi que les chercheurs ont utilisé le MMORPG ArcheAge, un jeu de rôle sorti en 2013 basé sur un univers de medieval fantasy et peuplé de près de 80 000 joueurs sur une période de onze semaines, tous informés du caractère éphémère du jeu. En tout, les chercheurs récolteront 275 millions d’actions uniques, résumées en 75 actions différentes, elles-mêmes regroupées en 11 catégories (combat, construction, fête, coopération, etc.).

Résultat : à mesure que le temps s’écoulait, rapprochant les joueurs de l’inéluctable fin, les observateurs ont constaté une augmentation des “comportements antisociaux” comme le meurtre, mais dans une proportion relativement faible de la population. De manière générale, les joueurs ont fait montre de comportements “prosociaux”, renforçant leurs relations existantes et en créant de nouvelles à mesure que l’échéance approchait. Le tout en méprisant souverainement la progression du jeu.

“Aussi proche que possible” d’une vraie fin du monde

“C’est comme s’asseoir à côté d’un étranger dans un avion”, explique Huy Kang Kim, l’un des auteurs de l’étude.“Vous allez peut-être rester silencieux pendant le vol mais à mesure que l’atterrissage approche, vous débuterez une conversation en sachant que la fin est proche.” De fait, dans ses derniers instants, ArcheAge était devenu un endroit calme, méditatif, où des groupes de joueurs en communion ayant abandonné toute velléité de quête appréciaient en silence la mélancolie d’un monde en lente agonie.

Si les chercheurs pointent rapidement LA limite de leur étude – le fait qu’ArcheAge soit un monde virtuel et que, par corollaire, sa destruction ne signifie pas la mort IRL, ce qui rend la perspective un tantinet plus confortable à appréhender -, ils insistent néanmoins sur le caractère inédit de leurs travaux et arguent que leurs données “représentent aussi proche que possible un véritable scénario de fin du monde”. La science ne s’y est pas trompée et fait de plus en plus appel aux jeux vidéo multijoueurs en ligne pour ses travaux, tel GTA V utilisé pour entraîner des logiciels équipant des voitures autonomes.

Enfin, ce type d’étude quantitative à large échelle permet, selon les chercheurs, d’offrir aux développeurs et game designers une meilleure compréhension des logiques comportementales des joueurs – pourquoi joue-t-on ? Pourquoi s’épanouit-on dans un univers ? Pourquoi décidons-nous de le quitter ? – et aux philosophes et sociologues de se pencher sur ce qui reste, mine de rien, une abyssale interrogation métaphysique : dans l’éventualité de la fin du monde, comment appréhender l’événement ?