Russie : des musiciens s’inquiètent de l’invasion de la “pop patriotique”

Russie : des musiciens s’inquiètent de l’invasion de la “pop patriotique”

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Par Théo Chapuis

Publié le

Galas au Kremlin et concerts en Crimée

Or, l’influence du Kremlin dans les médias russes n’est plus à prouver. Le Guardian note que si le gouvernement contrôle la majorité des chaînes de télévision d’influence, c’est la première fois qu’il s’immisce dans le milieu des radios musicales. En juillet, le vice-ministre des communications Alexei Volin abondait déjà en ce sens, évoquant bel et bien le souhait de la formation d’une “holding de musique avec une direction patriotique”.
Pendant ce temps-là, Kiselyov expliquait dans les colonnes de Kommersant qu’au moins quatre stations de Russkaya Media Group diffusent majoritairement de la musique occidentale, or “Nous voulons qu’elles passent de la musique russe”, martelait-il. Un point de vue un peu gonflé pour le musicien Grigory Leps, qui tient à rappeler que le vaisseau amiral de ces stations, Russkoye Radio, a été conçu pour ne diffuser que de la musique russophone.
Aussi, le patron de Russkaya Media Group défend la programmation de ses ondes en soulignant que des chanteurs populaires se sont souvent produits lors d’événements patriotiques, jouant notamment en Crimée annexée et dans des zones de l’Ukraine contrôlées par les séparatistes pro-russes – malgré la menace de sanctions. “Pouvez-vous dire que c’est non-patriotique ?”, fait-il mine de se demander.
Certes, il sera difficile d’accuser les signataires de cette lettre ouverte de ne pas aimer d’amour leur pays : parmi eux, la chanteuse d’opéra Anna Netrebko, qui n’a pas hésité à poser l’an passé avec le drapeau de la “Nouvelle Russie” auto-proclamée avec un leader séparatiste dans le Donbass (est de l’Ukraine).

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Elle n’est pas seule à faire partie de ces artistes qui se sont drapés du patriotisme par le passé : Grigory Leps est apparu lors de nombreux événements de soutien à Vladimir Poutine et se trouve même “blacklisté” par les États-Unis, accusé d’accointances avec la mafia locale. Iosif Kobzon, surnommé le “Sinatra russe”, a également signé la lettre alors qu’il a été sanctionné par l’UE pour avoir joué en soutien des rebelles à Donetsk.

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Dans la lettre, les artistes ajoutent que si le nom de Poutine a été cité au cours des transactions commerciales pour acheter le conglomérat de radios, c’est uniquement pour la force menaçante de son évocation, afin d’intimider les propriétaires et de les obliger à vendre.

Vers la détente ?

Le Guardian, encore lui, publiait ce matin un autre article sur la musique russe. Celui-ci n’allait pas vraiment dans le sens d’un besoin de concentrer davantage de musique russophone et “patriotique” sur les ondes : celui-ci démontre au contraire que de très nombreux musiciens russes, notamment de hip-hop et de R’n’B, s’inspirent du passé soviétique dans leur image et/ou leur musique pour mélanger la culture et l’Histoire de leur pays natal aux astreintes de la musique populaire de 2015. Le rappeur Timati s’explique :

Dans le hip-hop américain, ils utilisent de vieux samples de classiques indémodables comme James Brown, Aretha Franklin, Nina Simone, des trucs des années 60, 70 et 80, en commençant par Frank Sinatra. Je me suis dit, pourquoi ne pas faire la même chose ? On fait du hip-hop et du R’n’B en Russie, dans la langue russe. Pourquoi ne pas utiliser des samples russes ?