Un Flickr qui humilie les SDF tenu par… des policiers new-yorkais

Un Flickr qui humilie les SDF tenu par… des policiers new-yorkais

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Par Thibault Prévost

Publié le

Lorsque vous vous déplacez dans la ville, utilisez vos téléphones pour photographier les sans-abris allongés dans nos rues (…) et tout ce qui peut représenter une atteinte à la qualité de vie.

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Problème: les agents de police n’ont pas le droit de photographier des SDF pendant leurs heures de travail, comme le rappelle le Washington Post. Les agents doivent donc le faire “sur le chemin entre leur domicile et leur lieu de travail”. Voire encourager leur famille à le faire, selon Mullins. Plus on est de fous…

Bill de Blasio contre le NYPD

L’initiative, qui semble particulièrement gratuite au premier abord, ne l’est pas (totalement) : pour Ed Mullins, c’est simplement une manière de critiquer la politique de Bill de Blasio, le maire démocrate de New York élu en 2013. C’est également le reflet d’une relation de plus en plus tendue entre la police new-yorkaise et sa mairie, dont elle juge les politiques sécuritaires trop laxistes. En fin d’année 2014, durant son discours à la cérémonie de remise de diplômes de la police, De Blasio était même hué par une partie des spectateurs.
Pour Ed Mullins, cet album est une réponse à “deux ans de politiques ratées” qui ont conduit à “plus de sans-abris dans les rues (et) une augmentation de 10% des homicides”. “Nous, les Gentils, sommes tenus de protéger nos concitoyens. Nos élus ne sont-ils pas tenus de faire pareil ?” a-t-il ajouté, cité par le New York Post… qui, au vu de sa dernière une et du ton de l’article (le mot “clochard” est encore dans l’URL de l’article), semble avoir choisi le camp de l’uniforme. L’opinion publique, celle des réseaux sociaux du moins, reste indécise : alors qu’une partie critique ouvertement le caractère discriminatoire de l’initiative, une autre reconnaît que la question du mal-logement new-yorkais doit être traitée au plus vite.

New York City, 75 000 sans-abris

Dans les faits, la métropole américaine a beau, selon la légende, ne jamais dormir, ses habitants le font. Et une partie non négligeable d’entre eux le fait dans la rue. Les chiffres donnent raison à Ed Mullins : entre 2013 et 2015, la ville a vu le nombre de sans-abris s’accroître, passant de 63 000 à 75 000, malgré les promesses de campagne de Bill de Blasio. Selon un sondage paru la semaine dernière et relayé par le New York Times, 53% des new-yorkais ont reconnu voir plus de sans-abris qu’avant dans leur ville.
Le 5 août dernier, le maire annonçait un plan d’envergure pour combattre le mal-logement, avec 22 millions de dollars alloués pour la prise en charge des personnes présentant des troubles du comportement dans les refuges pour sans-abris. Un projet qui suivait de près un autre plan, de 100 millions de dollars, visant à aider les sans-abris à accéder à des appartements. Une initiative qui tombe au bon moment, le Département de la Justice américaine venant de déclarer anticonstitutionnelles les lois locales interdisant de dormir sur des bancs, au nom du droit inaliénable au sommeil lorsqu’il n’existe aucune autre solution. Une décision qui va modifier en profondeur toutes les politiques de lutte contre les sans-abris aux États-Unis.
Mais le véritable point de tension entre l’administration de Blasio et le NYPD réside dans la politique de lutte contre la délinquance, dite de la “broken window”, qui consiste à pénaliser lourdement les petits délits pour éviter le sentiment d’impunité qui conduit aux gros. Une stratégie, entretenue par la mairie, qui fait débat, surtout depuis Ferguson, car elle fournirait un prétexte légal aux abus de violence policière. Si Bill de Blasio a appelé à réfomer cette politique, pour Ed Mullins, pas question de revenir dessus, au nom de la sacro-sainte “qualité de vie” apparemment menacée par les SDF. Pourtant ce matin, l’album Flickr qui prétendait la défendre à coups de photos et de légendes crues a été entièrement effacé du site.