Cinq phrases choc entendues au lancement de la COP21

Cinq phrases choc entendues au lancement de la COP21

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Par Théo Chapuis

Publié le

“On parle d’une sixième extinction de masse” – Ségolène Royal

François Hollande et les intervenants de cette présentation le martèlent : c’est l’avenir du vivant qui est en jeu. Pour Laurent Fabius, qui quitte brièvement son rôle de ministre des affaires étrangères pour se faire tribun de la vie sur Terre au micro de la salle des fêtes, la réussite de la COP21 est “vitale”. Et pas que pour l’Homme – il le répétera d’ailleurs deux fois. Il n’est pas le seul puisque plusieurs intervenants nous le diront :

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Sauver la climat, c’est sauver l’avenir du vivant sur notre planète.

À l’aune des chiffres alarmants sur les réfugiés climatiques, le volet humain n’est pas bien difficile à comprendre. Mais si l’on rajoute les conclusions alarmistes des chercheurs de l’université de Stanford dévoilées cet été, c’est carrément vers la sixième extinction de masse de son Histoire que la planète Terre se dirige.
Dans un papier précédemment publié dans nos pages, on vous apprenait que dans un récent article pour l’université de Stanford, Paul Ehrlich, professeur de l’étude des populations, écrit noir sur blanc que “sans aucun doute, nous entrons actuellement dans la sixième grande extinction de masse. Nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.”
Et pour cause. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature, 41 % des espèces d’amphibiens, 25 % des espèces de mammifères et 13% des espèces d’oiseaux sont menacées. La faute à qui ? Au défrichement des terres, à l’introduction d’espèces invasives, aux émissions de dioxyde de carbone et aux toxines et autres pesticides. Contacté par Konbini UK, le docteur Mike Barett, directeur des sciences et de la politique de la branche britannique de la WWF, déclare :

Ces recherches font écho à celles du rapport “Planète vivante” de la WWF, qui souligne un déclin de 52% de la population des vertébrés depuis les 40 dernières années. Si cette tendance n’est pas inversée, nous serons témoins d’encore davantage d’extinctions.

“La majorité des réfugiés proviennent du réchauffement climatique” – François Hollande

Manuel Valls, mais aussi Anabella Rosemberg, du réseau mondial des syndicats l’ont répété : “Les premières victimes du dérèglement climatique, ce sont les plus pauvres”. Puis on a entendu les détails qui veulent notamment que “le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés proviennent du réchauffement climatique”. Oui, la COP21 est certes un enjeu écologique à long terme, mais l’humanité en subit le prix encore plus vite que la planète.
Si notre période particulièrement tragique en drames de l’immigration nous fait plutôt voir les populations déplacées par le spectre des guerres au Moyen-Orient et en Afrique, il est vrai que la grande majorité des réfugiés le sont pour des raisons climatiques : en 2013, selon le rapport de Global Estimates du Conseil norvégien pour les réfugiés, 22 millions de personnes ont dû abandonner leur domicile à la suite d’une catastrophe naturelle, soit trois fois plus que de personnes déplacées à cause d’un conflit armé.
Plus précisément, sur ces 22 millions de réfugiés climatiques, 31% ont été déplacés par la faute de désastres hydrologiques (inondations) et 69% à cause de catastrophes météorologiques (tempêtes, ouragans, typhons…). C’est l’Asie qui est de loin la plus touchée : le continent compte 19 millions de réfugiés ; c’est facile à comprendre quand on sait que le seul typhon Haiyan de novembre 2013 a provoqué le déplacement de 4,1 millions d’êtres humains. Les autres populations déplacées à cause du dérèglement climatique proviennent majoritairement de Chine, du Pakistan, d’Inde, du Sri Lanka, du Bangladesh, du Vietnam et du Cambodge.
Toutefois, l’Asie n’est pas seule et l’Afrique est également touchée : de fortes inondations ont conduit de grandes populations originaires du Tchad, du Soudan et Sud-Soudan, du Niger, du Kenya et du Mozambique à devoir être déplacées.

“L’Afrique, le continent le plus touché par le réchauffement” – Ségolène Royal

Ségolène Royal, en sa qualité de ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, avait forcément plus que sa voix au chapitre des tables rondes qui se sont succédées ce matin-là. Parmi ses déclarations, la ministre a, elle aussi, insisté sur le lourd tribut qu’allait devoir payer le continent africain, déclarant qu’il serait “le continent le plus touché par le réchauffement climatique”.


Cela fait en effet de nombreuses années que les experts tirent la sonnette d’alarme des conséquences du dérèglement du climat sur ce continent : un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) de 2007 reprenait une étude du GIEC et expliquait déjà que “des événements extrêmes, comme les inondations et les sécheresses, surviennent désormais plus souvent et avec une gravité croissante”.
Le rapport poursuit en détaillant : l’Afrique devrait souffrir dans les domaines-clé de l’agriculture, l’alimentation et l’eau – des secteurs parmi les plus vulnérables. À savoir que d’après l’ONU, en Afrique subsaharienne, plus de 80 pour cent de la population est tributaire de la biomasse traditionnelle pour cuisiner. Baisse des rendements agricoles, saisons de végétation brèves, modification du régime des précipitations sont également au menu des prévisions. Ces tristes prévisions rendront l’accès à l’eau très difficile.
Le site de l’ONU Afrique Renouveau prédit des conséquences d’autant plus dramatiques qu’elles s’accompagnent de données chiffrées : d’ici 2050, il suffira d’une augmentation d’environ 1,2 à 1,9 °C pour accroître d’entre 25 et 95% le nombre d’Africains sous-alimentés (+ 25% en Afrique centrale, + 50% en Afrique de l’Est, + 85% en Afrique australe et + 95% en Afrique de l’Ouest).
Le site de l’Organisation des Nations unies annonce même une situation qui sera “catastrophique pour les enfants” si leur alimentation s’en retrouve à ce point altérée :

La Commission économique pour l’Afrique (CEA) estime que le retard de croissance infantile provoqué chez les enfants par la malnutrition pourrait priver les pays africains de 2 à 16% de leur produit intérieur brut.

Ce n’est pas tout. Le réchauffement climatique en Afrique devrait également être aggravé par les facteurs non climatiques que sont la pauvreté endémique, la faim, la forte prévalence des maladies, les conflits chroniques, les faibles niveaux de développement et la capacité adaptative limitée. Or, la population en Afrique devrait atteindre deux milliards dans moins de 37 ans et, dans 86 ans, trois naissances sur quatre se produiront sur le continent. Berceau de l’humanité, le continent devrait effectivement payer très cher le dérèglement climatique si rien n’est fait pour l’endiguer.
Paradoxe : le continent produit les émissions de gaz à effet de serre les plus faibles du globe. Comme l’écrivait Raoul Mbog dans Le Monde, “selon le Global Carbon Project, la Chine et les États-Unis ont représenté, en 2013, 42 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Avec moins d’une tonne de CO2 par habitant, l’Afrique est le continent qui émet le moins de dioxyde de carbone”.

“Le septième continent de plastique” – Ségolène Royal

Tout au cours de la conférence, plusieurs allusions seront également faites à propos de cette gigantesque étendue de déchets qui dérive dans les eaux du Pacifique nord. On ne sait plus exactement qui l’a prononcé, mais c’est probablement Ségolène Royal qui évoquait alors ce qu’on a nommé “le septième continent de plastique”.
Oui, cette chose existe. Et oui, c’est une honte pour l’humanité : de la taille d’un tiers des États-Unis ou de six fois la France (soit près de 4 millions de kilomètres carrés), ce rassemblement est le résultat du rejet de 270 000 tonnes de plastique par an dans les océans – environ 10% de la production annuelle de plastique mondiale.
On imagine déjà bouteilles, sacs, morceaux épars et ordures en tout genre surnageant en un amas bien solide à la surface du large. Pourtant, ce n’est pas exactement à ça qu’il ressemble : François Galgani, océanographe et chercheur spécialiste des déchets à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), expliquait au Monde quel est le vrai portrait de ce “septième continent” :

Il s’agit plutôt d’une multitude de micro-plastiques, d’un diamètre inférieur à 5 mm, en suspension à la surface ou jusqu’à 30 mètres de profondeur, difficiles à voir de loin. Mais quand on puise dans l’eau, on en remonte une quantité impressionnante.

Pour mieux comprendre, voilà trois petites minutes d’explication en vidéo par Isabelle Taupier-Letage, scientifique en mission au plus près de la nappe de plastique.

Pas de doute, cet amas est un fléau : les substances toxiques générées détraquent l’écosystème ; sans compter les oiseaux, poissons et autres organismes marins qui ingèrent des morceaux et se provoquent ainsi des maladies et des blessures. Pour couronner le tout, le plastique ne se dégrade naturellement qu’en plusieurs centaines d’années et la lumière du soleil ne fait qu’empirer les choses en fractionnant le plastique sans le faire disparaître.
Selon une étude récente de l’université de Californie à San Diego, la concentration de microplastiques a été multipliée par cent au cours des quarante dernières années dans le gyre subtropical du Pacifique nord. Mais il y en a d’autres dans tous les océans : dans le Pacifique sud, l’Atlantique sud et nord et l’Océan indien.

“La déforestation représente un quart de la superficie de la France par an” – Gilles Boeuf

Lors de sa table ronde avec Laurent Fabius et Nicolas Hulot, la ministre de l’écologie, de l’énergie et du développement durable n’a pas alerté son audience que sur le piètre état des océans. En parallèle, le biologiste Gilles Boeuf, présent lors de la conférence, a également tenu à avertir de la “disparition progressive” de la forêt.
Et là, le bilan est heureusement plus mitigé. Quoi qu’il en soit, Gilles Boeuf et Greenpeace sont d’accord : c’est “chaque année l’équivalent d’un quart de la superficie de la France qui part en fumée à cause de la déforestation”. Constat confirmé par le rapport sur “l’évaluation des ressources forestières mondiales 2015”, dévoilé, lundi 7 septembre, à Durban, en Afrique du Sud. Or, même si les proportions de bois coupé chaque année donnent le tournis, de timides progrès apparaissent.
D’après José Graziano da Silva, directeur général de la FAO et auteur du rapport, il faut toutefois remarquer “une tendance très encourageante au chapitre du ralentissement du rythme de la déforestation et des émissions carbone provenant des forêts, et à l’augmentation des capacités en matière de gestion durable des forêts”. Relevons d’ailleurs qu’entre 2010 et 2015, la superficie des forêts (naturelles et plantées) a régressé chaque année de 0,08 %, contre 0,18 % entre 1990 et 2000. Ce qui fait dire au directeur général de la FAO que “le taux de perte nette des forêts a chuté de plus de 50%”.
Mais vous savez ce que c’est : il ne faut pas vendre la peau du bûcheron avant de l’avoir tué. Greenpeace rappelle que nous sommes encore loin de protéger efficacement nos étendues forestières car selon l’ONG, toutes les deux secondes, “l’équivalent d’un terrain de football se volatilise là-bas au Brésil, en Indonésie ou dans le bassin du Congo […] et la destruction des forêts tropicales est responsable à 1/5 des émissions mondiales de gaz à effet de serre”. 80% de la déforestation est causée par l’agriculture.
Les efforts dans ce domaine sont à consolider. Et la France, pour une fois, donne l’exemple : l’Hexagone a gagné 113 000 hectares par an depuis 2010. Si les forêts d’Amazonie et d’Afrique continueront à rétrécir, la FAO prévoit que d’ici l’horizon 2030, elles progressent partout ailleurs dans le globe. En tout cas, à la COP 21, il y aura du boulot.
La COP 21, c’est du 30 novembre au 11 décembre. Son site internet dédié est par ici.