Aux Pays-Bas, un jeu d’évasion basé sur l’histoire d’Anne Frank crée le malaise

Aux Pays-Bas, un jeu d’évasion basé sur l’histoire d’Anne Frank crée le malaise

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© Anne Frank Fond, Basel/Anne Frank Stichting, Amsterdam

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Par Thomas Andrei

Publié le

Une entreprise néerlandaise a imaginé un jeu d’évasion basé sur l’histoire d’Anne Frank. Selon sa présentation, les participants doivent résoudre des énigmes pour échapper aux Allemands. 

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L’histoire d’Anne Frank est sans doute l’un des récits les plus bouleversants de la vie sous l’occupation nazie. Son journal a été parcouru par des milliers de lecteurs partout dans le monde et a déclenché les larmes et la colère de la majorité d’entre eux, toutes générations confondues.

Mais, apparemment, certaines personnes considèrent que le délai de prescription des blagues sur l’Holocauste est largement dépassé, et une entreprise néerlandaise a inventé un jeu d’évasion basé sur les dernières années de l’adolescente, sans penser une seule seconde que leur projet pourrait froisser.

Cette initiative de mauvais goût a été lancée le week-end dernier par une entreprise néerlandaise, Escape Bunker. Située dans la ville de Valkenswaard, à 140 kilomètres d’Amsterdam, l’entreprise propose aux participants de les enfermer dans une pièce, puis de trouver des indices ou résoudre des énigmes pour pouvoir s’échapper.

Dans l’une des pièces appelée “le souterrain”, les participants peuvent se battre contre les Allemands, ce qui est déjà un peu étrange. Une autre pièce est faite pour ressembler à l’”annexe secrète” où Anne Frank et sa famille se sont cachés en juillet 1942 avant leur arrestation en août 1944.

Le site de l’entreprise présente l’expérience comme une attraction banale :

“Un jeu d’évasion, avec un personnage historique, pédagogique. Situé dans un vrai bunker de la seconde guerre mondiale ! Vous êtes enfermé dans l’une de nos pièces, où vous pouvez vous projeter au temps de la guerre.

Le but est d’échapper en moins de soixante minutes aux dangers de cet environnement effrayant. Mais ce n’est pas si simple. Le travail d’équipe, la créativité et une réflexion originale seront cruciaux.”

Une comparaison franchement limite

Pas délicate pour un sou, l’entreprise s’approprie sans gêne l’histoire d’Anne Frank pour en faire un jeu d’énigme grossier. La comparaison entre l’aventure ludique et les faits historiques est franchement limite.

“Nous vous faisons vivre une période sombre de notre histoire. C’est la Seconde Guerre mondiale, on est le 10 mai 1940, les troupes allemandes ont envahi les Pays-Bas, s’ensuivra une occupation de cinq ans. Que faites-vous alors ?

Choisissez-vous de vous cacher comme Anne Frank ou de vous battre contre les occupants ? Les deux pièces pour s’échapper, ‘la pièce secrète’ et ‘le souterrain’ sont imprévisibles, c’est un calvaire. Quel que soit votre choix, vous tomberez sur des obstacles insurmontables sous forme d’énigmes, de codes et de recherche d’objets. Attention, car vous ne savez pas ce que sera la prochaine décision des Allemands…

La famille d’Anne Frank n’avait pas le choix et a dû se cacher. Vous ne voulez pas vous faire arrêter par les Allemands, donc vous plongez sous la table. Mais les Allemands peuvent arriver à n’importe quel moment. Donc vous êtes confronté à différents défis et c’est à vous de trouver une solution pour vous en sortir.”

Bien sûr, Thijs Verberne, le gestionnaire d’Escape Bunker a déclaré qu’il ne voulait pas “offenser qui que ce soit” et a présenté son attraction comme une “expérience pédagogique”. Apprendre en s’amusant. Mais tout le monde ne le voit pas de cet œil.

“C’est faire preuve de très peu d’empathie pour les survivants de la Shoah”

Le journal néerlandais The Local rapporte notamment les propos de la fondation Anne-Frank, qui fustige un projet irrespectueux selon elle :

“C’est faire preuve de très peu d’empathie pour les survivants de la Shoah que d’utiliser une annexe comme décor pour un jeu d’évasion. On a l’impression que se cacher des nazis était un passe-temps excitant. Non seulement c’est historiquement incorrect – et ça l’est d’un point de vue pédagogique –, mais en plus c’est condescendant.”

Peu importe combien de temps s’est écoulé depuis qu’Anne Frank a perdu la vie dans le camp de concentration de Bergen-Belsen pendant l’hiver 1945 : il n’y a pas de quoi en rire. Pour le moment, l’entreprise n’a pas l’intention de fermer son attraction : seule la présentation du jeu devrait changer.

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois