En images : la vision dégradante de la femme dans les paroles de reggaeton

En images : la vision dégradante de la femme dans les paroles de reggaeton

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

Nous ne prétendons pas aller à l’encontre du reggaeton, ce que l’on veut c’est qu’il y ait une prise de conscience, pour que les réactions aient pour conséquence une revalorisation de la femme dans ce genre de musique, et qu’on ne la voit plus comme un objet sexuel sinon comme un être pensant, intelligent et précieux.

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En la cocina, voy a darte tabla…
Dans la cuisine, je vais te donner un pain…
L’expression “darte tabla” signifie également en argot “te pénétrer”.

Pa’ que se lo gozen, Pa’ que se lo rozen
Pour qu’on lui donne du plaisir, Pour qu’on la frôle
Le verbe “rozar” signifie également “tripoter” en espagnol.

A ella le gusta que le den duro y se la coman
Elle aime quand c’est dur et quand on la mange
“Dar duro” signifie également avoir une relation sexuelle violente, on pourrait traduire en français par “elle aime qu’on la tabasse”.

Si fueras un clavo y yo un martillo, quiera clavarte
Si tu étais un clou et moi un marteau, j’aimerais te clouer
“Clavar” signifie également avoir des relations sexuelles. 

Avec son slogan “Usa la razón, que la música no degrade tu condición” (Utilise la raison pour que la musique ne dégrade pas ta condition), la campagne est clairement à destination des femmes qui continuent à danser et écouter du reggaeton sans faire attention aux paroles.

Comment peux-tu demander qu’on te respecte et en boîte démonter ton squelette en dansant sur une musique malade qui sans même te toucher, pelote ton corps.

Cependant, John Fredy Melo a confié au Diario16, que la campagne visait également la gente masculine.

Il faut valoriser l’esprit, l’intellect, le coeur et l’âme de la femme. C’est seulemment comme ça qu’on pourra arrêter en second lieu de laisser place aux appréciations physiques et aux stéréotypes sociaux dont elles sont victimes, que ce soit à cause de la mode ou des tendances que nous vend la télévision. Les hommes peuvent tomber amoureux avec des paroles, sans qu’il n’y ait de violence verbale.

Et sur les réseaux sociaux, ils ont d’ailleurs été plusieurs à se sentir concernés :

La campagne Usa la razon est forte mais montre une réalité dérangeante.

On peut ainsi dire qu’avec cette campagne, ils ont clairement réalisé leur objectif, qui était d’interpeller les médias de tout le continent et même au-delà de l’Atlantique, et surtout faire réagir ceux qui écoutent ce genre musical, les faire se rendre compte à quel point les paroles peuvent dénigrer les femmes, et même promouvoir une forme de violence envers elles.
De plus, avec près de 20 000 likes sur leur page Facebook et quelque 700 abonnés à leur compte Twitter, la campagne a été virale depuis sa création en avril 2014.  Et si beaucoup la soutiennent, certains trouvent l’initiative trop choc.

Maintenant vous allez retourner tout le monde contre le reggaeton ? Vous exagérez trop, dans le metal, on parle de violer des femmes. Renseignez-vous !

Au même titre que les paroles de “UOENO” de Rick Ross ou encore “VCR” de Tyler, The Creator, la liste des chansons faisant l’apologie du viol, du machisme ou de la misogynie est bien longue.

Depuis le début, le reggaeton est “une allusion transparente au pénis”

Si ces quatre images interpellent, le sexisme existe pratiquement depuis les débuts du reggaeton. En effet, ces rythmes d’un métissage entre musiques portoricaines, hip-hop new-yorkais, son cubain ou encore reggae jamaïcain, ont pratiquement toujours été accompagnés de paroles relevant de l’euphémisme, d’images plus ou moins délicates et osées, toujours en allusion à la sexualité. Et ça s’empire lorsqu’à la fin des années 1990 et au début des années 2000, le reggaeton s’exporte et devient vraiment populaire.
Des paroles comme “Quieres que te lleve a Singapur, ven y prueba mi yogurt” (“Tu veux que je t’emmène à Singapour, viens goûter mon yaourt”, la référence paraît claire) ou dans la chanson Gasolina qui a rendu célèbre Daddy Yankee :

Mi gata no para de janguiar porque a ella le gusta la gasolina (dame mas gasolina!).
Ma chatte (comprendre ma meuf) n’arrête pas de baiser parce qu’elle aime l’essence (donne-moi plus d’essence)

Avec une voix féminine sur le “dame mas gazolina“, on comprend que la “meuf” veut du sperme de l’essence. C’est sur ce langage souvent parlé, virant vers le vulgaire et l’argot, avec souvent un champ lexical peu développé (les mêmes phrases ou mots se répètent tout au long de la chanson, tout comme la musique), que se base le reggaeton.
Et quand des chanteurs comme Toby Toon disent dans leurs clips “Si elle se comporte mal, fouette la ! Elle kiffe être punie, si je m’occupe bien d’elle, elle me dit que je suis stupide“, on comprend pourquoi la campagne a émergé. Comme si finalement, les femmes aimaient cette violence qui fait fantasmer certains hommes et que véhiculent de tels propos.

Mais selon El Pais, dans un article écrit en 2005, époque où ce genre musical est devenu très à la mode en Espagne :

Il ne faut pas y trouver une interprétation sado ni une incitation à la violence contre les femmes : il s’agit d’une allusion transparente au pénis et à l’envie d’avoir des rapports sexuels avec un partenaire consentant.

Consentante, la femme l’est peut-être à travers la danse, où c’est souvent elle qui dirige, d’une manière provocatrice assumée. Et même si on n’est pas vraiment convaincus, il reste que le reggaeton, bien qu’il s’essouffle un peu, continue de faire bouger les corps sur les dancefloors du monde entier (même en France).
La campagne n’entamera probablement pas la popularité du reggaeton et peu s’arrêteront à l’extrême misogynie des paroles. Mais peut-être qu’elle suscitera une petite prise de conscience et surtout un nouveau souffle créatif dans l’écriture de leurs morceaux.