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À Paris, ouverture de la première “salle de shoot”

À Paris, ouverture de la première “salle de shoot”

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Photo d’illustration (© Cristian C/CC)

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Par Théo Chapuis

Publié le

La première salle de consommation à moindre risque, ou “salle de shoot”, va ouvrir cette semaine à Paris. Rappel des enjeux.

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Après des années à l’attendre, la capitale connaît mardi 11 octobre l’inauguration de sa première salle de consommation à moindre risque (SCMR), qui ouvrira officiellement ses portes au public vendredi 14 octobre. Elle est située au 4 rue Ambroise-Paré, dans le 10e arrondissement, non loin de la gare du Nord, quartier célèbre pour être le plus grand foyer de toxicomanes à Paris.

Rappel : une SCMR est un lieu où les individus majeurs dépendants à des substances (notamment injectées par voie intraveineuse) peuvent consommer en toute sécurité et prendre doucement le chemin de l’accompagnement vers le sevrage : mineurs interdits, matériel stérile fourni, surveillance de la quantité injectée…

Comme l’explique Gaïa, l’association qui sera en charge de la gestion du lieu, son objectif principal est le suivant :

“Réduire la mortalité, la morbidité, l’exclusion sociale et les troubles à l’ordre public liés à la consommation de drogues en espace urbain.”

Le lieu, surnommé “salle de shoot” par ses détracteurs, est sis dans un bâtiment de l’hôpital Lariboisière et est doté d’une entrée que Le Monde juge “discrète et autonome”. Cette salle est la première de ce type en France et précède l’ouverture d’infrastructures similaires “d’ici la fin du mois” à Strasbourg comme l’indique Marisol Touraine, ministre de la Santé, et plus tard à Bordeaux. L’implantation de la SCMR à Paris avait été actée fin mai 2015 pour une expérimentation de six ans et intégrée à la loi Santé.

Comment ça marche ?

Quelques chiffres : la première SCMR française est ouverte de 13 h 30 à 20 h 30 chaque jour et occupe 450 mètres carrés dans l’enceinte de l’hôpital Lariboisière. La structure comprend un accueil, une salle d’attente et une salle de consommation. Chaque jour, elle sera en mesure d’accueillir une centaine de consommateurs encadrés par des médecins, des infirmiers et des assistants sociaux.

Ce matin, Anne Hidalgo, maire de Paris, et Marisol Touraine se sont rendues à son inauguration. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, elles ont communiqué autour de leur visite pour faire valoir les bénéfices du lieu. Dans Libération, Marisol Touraine parle de la SCMR comme un lieu “où l’on ne juge pas, où l’on n’exclut pas” :

“Cette salle va permettre de réduire les risques d’infection et d’overdose. C’est une étape importante pour la santé publique et pour la prévention qui se concrétise aujourd’hui. Cette ouverture fera date dans la politique de prévention des risques.”

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Les SCMR suscitent souvent l’incompréhension dans l’opinion, et sont vues parfois comme des lieux qui donnent un “permis de se droguer”. Or la France est loin d’être un pays pionnier en la matière, et les villes étrangères qui ont fait confiance à ces lieux ont enregistré des progrès en matière de santé et d’hygiène publique. L’Hexagone rejoint en Europe la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège et les Pays-Bas.

À lire -> Les “salles de shoot” en sept questions

En 2010, une expertise de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a conduit à la conclusion que les SCMR étaient des structures efficaces à de nombreux niveaux : à Vancouver, on a constaté que les demandes de sevrage ont augmenté de 30 % ; à Genève, le nombre de contaminations au VIH a diminué de 80 % et les surdoses de 50 % ; une étude australienne régulièrement mise à jour constate que de tels lieux n’encouragent ni le trafic de drogue autour du lieu, ni la délinquance.

Clivage politique

Reste que, malgré tout, le sujet continue de faire débat, victime du clivage gauche-droite sur la question. Le conseil régional d’Île-de-France, à majorité Les Républicains, a retiré sa subvention à la SCMR. La ville de Paris, à gauche, a décidé de compenser cette perte financière.

Les éléments de langage des détracteurs du lieu, qui emploient les mots “salle de shoot”, “droguatorium” ou “piquerie”, lui ont en tout cas déjà fait bien du mal avant son ouverture. Le terme de salle de consommation à moindre risque n’existe pratiquement pas dans le langage courant :

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Comme relève La Tribune de Genève, Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la primaire de la droite et députée Les Républicains, a expliqué pourquoi elle s’y oppose : “Dans la salle de shoot, il n’y a pas de thérapies. Ce qui est proposé, c’est d’avoir une amélioration sanitaire”, estime-t-elle, mais “pas d’accompagnement pour pouvoir s’en sortir”.

Une chose est sûre, ce test grandeur nature indiquera probablement la suite à donner dans la politique de lutte contre les addictions en France, et ce pour les années à venir.