Des Français ont réalisé une opération en réalité augmentée et c’est une première mondiale

Des Français ont réalisé une opération en réalité augmentée et c’est une première mondiale

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Qu’ils sont beaux ! Crédit : AP-HP via Youtube

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Votre mission si vous l’acceptez : poser une prothèse de l’épaule.

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La scène se déroule dans un bloc opératoire à l’hôpital Avicenne, en Seine-Saint-Denis. L’équipe médicale se prépare : une patiente octogénaire va se faire poser une prothèse à l’épaule. La routine ? Pas vraiment. Dans la salle, une partie des médecins porte des lunettes futuristes. On est pourtant dans un hôpital public français, bien loin d’un film de Luc Besson.

Le chef de troupe, le docteur Thomas Gregory, agite ses mains dans les airs. S’il n’avait pas son casque sur la tête, on le prendrait volontiers pour un fou. Ses mouvements de doigts lui permettent en fait d’interagir avec son casque et de tripoter en toute virtualité l’os de l’épaule en 3D de sa patiente : il zoome, dézoome, fait des rotations, simule la pose de la prothèse et vient même “calquer” ce bout d’os virtuel sur la vraie épaule de la patiente.

Il faut bien l’avouer, tout n’est pas fluide. Parfois, le chirurgien perd son bout d’os. Parfois, les rotations ne marchent pas bien et il faut s’y prendre à deux fois. Une fois même, le médecin s’agace un peu. Mais l’indulgence est de mise. Nous sommes le 5 décembre et pour la première fois dans l’histoire de la médecine, un chirurgien opère en réalité mixte. Ce qui explique les balbutiements.


(voici la vidéo de l’opération. Attention, des images assez crues de l’épaule de la patiente peuvent choquer les âmes “hématophobiques”).

Nous sommes dans un dispositif de réalité “mixte”, un mélange de réalité virtuelle et de réalité augmentée : le porteur du masque voit une représentation du monde réel sur lequel il peut superposer des objets virtuels, en 3D ou non. Ces objets peuvent interagir avec le décor, on peut donc les placer où l’on veut. Pratique pour opérer : cela permet de poser à l’endroit voulu un bout d’os invisible à l’œil nu.

Résultat : “L’opération était encore plus facile que d’habitude alors que l’anatomie de la patiente ne s’y présentait pas forcément“, affirme le docteur Thomas Gregory, une fois l’acte chirurgical terminé. En effet, la patiente avait une toute petite omoplate. La réalité mixte lui a donc permis d’adopter des gestes plus rapides et plus précis.

Le casque a démontré une seconde utilité pendant l’opération. En live, le chirurgien a pu communiquer en visioconférence, depuis son casque, avec des collègues situés un peu partout dans le monde. Ces spécialistes ont pu apporter quelques conseils utiles et observer en retour les pratiques de leur confrère.

Les bénéfices ne s’arrêtent pas là. Avant l’opération, le casque a permis au médecin de montrer au patient l’opération qu’il allait subir. Après l’opération, le médecin pourra visionner à nouveau le film de l’opération avec ses élèves et débriefer, un peu comme au foot.

Des casques de réalité, il n’y en a pas encore beaucoup. L’un des plus aboutis est celui de Microsoft, l’HoloLens (3 299 euros) que les chirurgiens ont adopté. Il s’agit d’une sorte de super ordinateur pesant 800 grammes que l’on enfile sur la tête. Il dispose de 4 caméras, d’une caméra infrarouge, le tout sans fils. Pour interagir, on lui donne des ordres avec la voix ou bien on fait des gestes avec les mains.

Quant aux données du patient, elles sont toutes sur le cloud. Résultat : cela décuple les capacités de calcul et cela permet aux algorithmes complexes comme ceux d’aujourd’hui de s’enflammer pleinement ! Cela permet aussi de travailler à partir des images brutes du patient (radios, IRM, etc.) sans compression.

Comment qualifier ce progrès ? “On passe de l’encyclopédie universelle à Google : on a accès à l’information en temps réel“, explique le docteur Thomas Gregory. Son discours ne laisse aucune place au doute : le monde médical vient de vivre une révolution numérique et ce qui s’est passé aujourd’hui inaugure la chirurgie de demain.