On a parlé du futur avec Eric Allison, responsable des voitures volantes chez Uber

On a parlé du futur avec Eric Allison, responsable des voitures volantes chez Uber

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

À l’occasion du salon VivaTech à Paris, nous nous sommes entretenus avec Eric Allison, nouveau responsable d’Uber Elevate.

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L’entreprise Uber reste très mystérieuse sur les détails et les avancées de ses recherches en cours. Après avoir rencontré Eric Allison, le responsable du projet “Elevate” d’Uber et ancien chef de l’entreprise Zee Aero, qui conçoit également des voitures volantes, on a un peu mieux compris pourquoi la société californienne y croit dur comme fer.

Konbini | Pouvez-vous vous présenter ?

Eric Allison | Je suis Eric Allison, responsable du projet “Elevate” d’Uber ayant pour but de développer un réseau de véhicules aériens* qui transporteront les gens comme le font les véhicules terrestres aujourd’hui. Je suis arrivé chez Uber il y a deux mois. Avant ça, j’ai passé huit ans chez Zee Aero, une entreprise qui travaille également sur les voitures volantes.

J’ai une formation initiale dans les domaines de l’aéronautique et de l’astronautique. Plus précisément, j’ai travaillé sur les ultrasons, mais avec une application inhabituelle dans ma discipline : j’ai conçu du matériel médical endoscopique que l’on peut diriger à distance grâce aux ultrasons.

Sans être spécialiste, je vous confirme que ça paraît assez atypique…

Oui. Comme le fait de travailler sur des voitures volantes. Ça n’est pas conventionnel.

Parlons-en, justement. Pourquoi Uber Elevate ?

Je crois que nous cherchons avant tout à résoudre la problématique fondamentale des embouteillages, d’une manière totalement différente des approches existantes. Nous croyons que ça ne sera possible qu’avec le développement de la circulation en “trois dimensions”. Évidemment, cela permettra aussi aux gens de se déplacer plus rapidement.

Combien de personnes dirigez-vous ?

Nous ne souhaitons pas communiquer de chiffres exacts là-dessus. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a une toute petite équipe au cœur du projet qui collabore, en interne, avec de nombreuses autres équipes. Nous avons aussi beaucoup de partenariats à l’extérieur. Ils sont cruciaux pour résoudre les problèmes que nous rencontrons.

Quelles deadlines vous êtes-vous fixés ?

En 2020, nous voulons faire les premières démonstrations de vols. En 2023, nous espérons lancer les premiers vols commerciaux. Les démonstrations débuteront dans trois villes : Dallas, Los Angeles et une troisième ville à dimension internationale qui n’a pas encore été choisie. Nous avons lancé un appel à candidatures avec une liste de critères à respecter.

Beaucoup de villes ont candidaté ?

Oui, on nous a manifesté beaucoup d’intérêt, dans le monde entier.

Je tente le coup, mais je sais que vous ne me répondrez pas : est-ce que Paris, ville qui teste en ce moment les SeaBubbles sur la Seine et qui a cru très tôt dans la voiture électrique en libre-service, s’est montrée intéressée ?

[Il reste silencieux.]

Où en êtes-vous dans le projet “Elevate” ?

Nous avons “activé” l’industrie et trouvé des partenaires. J’en veux pour preuve le succès de notre seconde édition du “Uber Elevate Summit“, qui s’est tenu il y a deux semaines et qui a réuni plus de 1 000 professionnels du secteur. Nous voulons réunir tout ce monde-là pour rassembler nos forces. Mais pour le moment, je dirais que nous en sommes aux fondations.

Je ne voudrais pas casser l’ambiance mais, vous savez, beaucoup de personnes doutent déjà de la faisabilité des voitures autonomes terrestres à quatre roues. Vous êtes donc confiant à 100 % dans l’arrivée des véhicules volants ?

J’en suis convaincu à 100 %. Nos délais sont ambitieux, mais nous pouvons y arriver.

Il n’y a même pas un faible petit pourcentage de doute en vous ?

Cela fait longtemps que je travaille dans l’aérospatial. Il n’y a pas de magie, et nous n’allons pas réinventer la science. Il s’agit juste d’ingénierie de très haut niveau. Mais l’expérience pour l’utilisateur sera magique. Un trajet pourra durer 15 minutes au lieu de deux heures, le tout à des prix défiant toute concurrence.

Est-ce que vous considérez les entreprises positionnées sur le même créneau comme des concurrentes ?

Nous sommes ouverts aux partenariats avec qui veut… Une compagnie seule n’arrivera pas à bout de ça, la problématique est trop énorme.

Vous venez d’annoncer que vous alliez créer à Paris un laboratoire de R&D sur les voitures volantes et investir 20 millions d’euros sur cinq ans. Pourquoi nous, les Français ?

Paris est un véritable “hub” de l’innovation et vous avez des gens incroyablement doués, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. Nous avons pensé qu’il serait judicieux d’être en synergie avec l’un des chantiers du président Macron.

Combien de gens allez-vous embaucher à Paris ?

Suffisamment pour que le boulot soit fait ! Nous pensons ouvrir le centre à l’automne prochain.

Voilà qui risque d’attirer encore plus la colère des taxis parisiens…

Encore une fois, nous sommes prêts à collaborer avec qui veut, surtout avec les villes où les systèmes de transports sont fortement enracinés. Il y a beaucoup de trafic à Paris. Il y a beaucoup de partenariats à envisager.

Pour finir, est-ce qu’il y a des ouvrages de science-fiction, livresques ou cinématographiques, qui vous inspirent ou vous ont marqué ?

Enfant, j’ai effectivement lu beaucoup de science-fiction. En ce moment, je suis en train de lire la série de romans des Three-Body de Liu Cixin. C’est l’œuvre de science-fiction la plus connue en Chine.

Et les véhicules volants dans les films de science-fiction ?

Sur un plan technique, les films ne m’ont pas vraiment inspiré. Mais ils peuvent faire office de sources d’inspiration pour faire quelque chose qui rendrait le monde meilleur.

Donc le Cinquième élément de Luc Besson est à côté de la plaque ?

C’est un film cool, mais pas du tout réaliste. Je crois que je préfère les films de science-fiction réalistes. Par exemple, Seul sur Mars repose davantage sur la science que l’on connaît et la manière de penser des ingénieurs. La réalité sera probablement différente de ce que la science-fiction nous annonce.

Mais les visions du futur que nous transmet la science-fiction en inspirent beaucoup d’entre nous. La science-fiction permet d’enflammer l’imagination pour envisager un futur différent de ce que l’on voit maintenant. Imaginer permet de passer à la construction. Et la construction sera peut-être différente de ce que l’on avait imaginé.

***

*Techniquement, on les appelle VTOL pour Vertical Take-off and Landing aircraft