Pour obtenir un visa américain, il faudra bientôt laisser la douane scruter vos réseaux sociaux

Pour obtenir un visa américain, il faudra bientôt laisser la douane scruter vos réseaux sociaux

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Par Thibault Prévost

Publié le

Un projet de loi déposé par l’administration Trump va obliger tout étranger à communiquer ses comptes de réseaux sociaux avant toute demande de visa.

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Depuis le 20 décembre 2016, le traditionnel formulaire ESTA (Electronic System for Travel Authorization, ou “Système électronique d’autorisation de voyage”), clé de voûte de la procédure d’entrée sur le territoire américain pour les touristes issus de pays, comme la France, bénéficiant du programme d’exemption des démarches, a une catégorie “réseaux sociaux”, qui propose au demandeur d’indiquer, de manière totalement volontaire et optionnelle, ses identifiants de comptes de réseaux sociaux pour faciliter le travail des douaniers.

Une mise à jour autorisée par l’administration Obama qui avait alors hérissé le poil des associations de défense de la vie privée outre-Atlantique, qui y voyaient un nouveau dispositif de ciblage dans le grand arsenal du renseignement américain. Le 30 mars dernier, l’administration Trump, via le département d’État, a franchi une nouvelle étape dans la course à la surveillance en déposant un projet de loi, publié dans le Federal Register – l’équivalent local du Journal officiel – qui devrait prochainement rendre la procédure obligatoire pour tous, rapporte Bloomberg.

Pour le moment, le texte de loi va être soumis à une forme de référendum par le Département d’État, qui laissera les citoyens s’exprimer sur le sujet pendant 60 jours. Mais en clair, si ce texte de loi venait à être adopté, tous les étrangers demandant un visa américain devraient obligatoirement fournir aux services douaniers leurs noms d’utilisateur sur les différentes plateformes listées dans un menu déroulant, leurs numéros de téléphone des cinq dernières années et leurs adresses mails successives. Une boîte de texte spéciale devrait également être présente pour le voyageur zélé qui souhaiterait fournir de lui-même encore plus de données personnelles aux pouvoirs publics.

15 millions de visiteurs concernés chaque année

Si la procédure était jusque-là réservée principalement aux voyageurs ayant résidé dans des zones contrôlées par des organisations terroristes (environ 65 000 par an, selon le Washington Post), elle s’appliquerait désormais à 710 000 demandeurs de visa sous le statut de réfugié, et près de 15 millions de touristes par an, avance le ministère. Les seuls à être exemptés de la procédure, précise la source de Bloomberg, seraient “les demandeurs de certains visas diplomatiques”. Pour les pays exemptés de demande de visa traditionnel, le texte de loi ne statue par clairement, mais on peut imaginer qu’ils seront assujettis aux mêmes règles que les autres – après tout, pourquoi se priver ?

Dans tous les cas, comme en 2016, il y a de quoi sérieusement s’alarmer lorsque l’on tient un minimum à la notion de vie privée, car conditionner l’entrée sur un territoire national à l’examen des activités en ligne est un processus aussi dangereux que toxique : qu’est-ce qu’une “bonne” conduite en ligne ? Quels critères vont être retenus par les douaniers pour évaluer votre niveau de dangerosité ?

À première vue, difficile d’y voir autre chose que de l’appréciation arbitraire, derrière laquelle rode souvent le délit de faciès. En 2016, l’administration américaine vantait l’analyse des réseaux sociaux comme un moyen “d’identifier des menaces potentielles”. Reste maintenant à savoir si blinder ses paramètres de confidentialité pour se prémunir de la surveillance, comme nous vous le conseillions déjà en 2016, suffira à faire de nous des suspects.