Mohamed Bekada : un tour de France à pied pour sauver le patrimoine

Mohamed Bekada : un tour de France à pied pour sauver le patrimoine

photo de profil

Par Thibault Prévost

Publié le

“À Paris, on a l’impression que tout est identique, qu’on va toujours finir par trouver une rue et un Monoprix”

À voir aussi sur Konbini

K | Comment est-ce qu’on se prépare à faire le tour de France à pied et comment fait-on pour tenir l’effort physique?
M.B | J’avais un budget d’environ 15 000 euros, dont 10 000 passés dans le matériel. Il faut prévoir les indispensables, la tente, le jerrican, la trousse de soin, la batterie pour recharger les appareils électriques… En tout, je marchais avec 60 à 75 kilos de matériel, en marchant 30 à 35 kilomètres par jour.
J’avais aussi une équipe qui me rejoignait pour des points de ravitaillement et deux personnes prêtes à me rejoindre en cas de pépin. Pour arriver à tenir, je me suis entraîné pendant deux ans en faisant des stages de survie, un entraînement régulier et des formations individuelles.
K | Ce voyage a-t-il changé ta vision de toi, en tant que Parisien notamment ?
M.B | Il y a clairement une culture parisienne. Quand je suis parti, j’avais des panneaux solaires, un filtre à eau… et j’ai été dans des endroits où si tu n’as pas ça, t’es mort! À Paris, on a l’impression que tout est identique, qu’on va toujours finir par trouver une rue et un Monoprix. Je suis à pied, donc cinq kilomètres c’est une heure. Parfois, tu as 30, 35 kilomètres sans rien autour et tu as des animaux sauvages, un climat rude… Je conçois que les gens puissent croire qu’il y a des grandes villes partout, mais  c’est faux.
Par exemple, j’avais un couteau pour me défendre et sans ça, je ne serais pas revenu. Je me suis fait attaquer par des animaux sauvages. La charrette rendait les chiens fous. Même un Yorkshire voulait me bouffer. À Paris, on a l’impression d’être en sécurité tout le temps mais dès que tu sors un peu des villes, tu retournes au Moyen Âge : les animaux sauvages, la nature et toi.
K | Qu’est-ce que tu dirais pour encourager d’autres gens à découvrir le pays, comme tu as pu le faire ?
M.B | J’encourage les gens à faire ça non seulement pour des causes, mais aussi pour se soigner. À un certain moment, lors d’un long voyage, on ne réfléchit plus de la même façon. Je pense que l’on est tous malades, que j’étais guéri quand je suis revenu et que j’ai été re-contaminé depuis.
À mon retour, je ne supportais plus d’aller dans les magasins, je m’y sentais très mal. Je me demandais “qu’est-ce que je fous là ? J’ai pas froid, pas faim et j’ai pas mal, alors pourquoi rentrer chez Zara acheter un jean ?” Puis cette consommation te reprend et tu reviens dans le moule. Quand je suis revenu à Paris, je me suis dit qu’on était dans un cocon.