Le médicament antidiabétique qui retarde votre vieillesse

Le médicament antidiabétique qui retarde votre vieillesse

photo de profil

Par Arthur Cios

Publié le

Plus qu’un simple antidiabétique

Plusieurs recherches ont déjà été faites sur les effets de ce médicament, reconnu par tous comme essentiel pour les diabétiques, même par l’Organisation Mondiale de la Santé. En 2013 est sortie cette étude sur les conséquences du Glucophage sur les souris, et les chercheurs avaient trouvé d’autres effets :

À voir aussi sur Konbini

Le traitement avec la Metformin [nom anglais du médicament antidiabétique, ndlr] imite certains des avantages de la restriction calorique, comme l’amélioration de la performance physique, la sensibilité accrue de l’insuline […].
Nos résultats indiquent que ces actions peuvent contribuer aux effets bénéfiques de la Metformin sur l’état de santé et sur la durée de vie. Ces résultats sont en accord avec les données épidémiologiques actuelles et soulèvent les possibilités d’intervention fondées sur la Metformin à favoriser un vieillissement en bonne santé.

On retrouve les mêmes conclusions chez les recherches effectuées quelques mois plus tôt sur des vers nématodes. Plus encore, de nombreux essais ont montré les effets positifs du médicament sur les cancers des poumons ou de la prostate. Comment explique-t-on cela ? Il faut savoir que le principal rôle du médicament est de baisser le niveau de glucose dans le sang, en augmentant la sensibilité de ce dernier aux effets de l’insuline – le principal syndrome du diabète de type 2 est le manque d’efficacité de l’insuline, hormone créée par le pancréas qui régule le glucose dans le sang.

Mais la corrélation entre son effet principal et les résultats observés en laboratoire n’est pas évidente. Le docteur Nir Barzilai nous a envoyé un long document expliquant le processus plutôt complexe. On y apprend notamment que baisser le niveau de glucose provoque donc une restriction en calories dans le sang, ce qui “représente l’intervention la plus robuste en ce qui concerne aussi bien la qualité que la durée de vie des mammifères.

D’autres médicaments ont provoqué ce genre d’effet, mais comme l’explique le docteur chez nos confrères de Motherboard, “l’avantage du Metformin, c’est qu’il est d’usage en traitement contre le diabète depuis 60 ans. Nous savons tout ce dont nous avons besoin, même sur les effets secondaires, et nous savons que ce médicament est sans danger.

C’est ainsi que depuis des années, les études se multiplient, vantant cette sorte de solution miracle. Solution que Barzilai pense également efficace pour les êtres humains. Toujours chez Motherboard, il s’exprime ainsi :

Nos études nous font penser pour l’instant que Metformin fera effet sur les humains. Nous avons plus d’informations que n’importe quelles études portant sur le médicament. […] Nous devons préparer le chemin. Nous ne pensons pas que Metformin sera le meilleur médicament [pour repousser les effets de la vieillesse, ndlr], mais qu’il sera le premier. D’autres traitements seront développés dans le futur, mais rien de tout cela ne pourra se produire sans l’accord de la FDA [Food and Drug Administration, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, ndlr].

La vieillesse comme maladie, et un bon paquet d’argent en jeu

Seul problème, pour que cette institution valide la chose, il faudrait qu’il s’agisse d’un traitement contre une maladie, et de fait, que vieillir soit une maladie. Un poil tiré par les cheveux. C’est principalement sur cette issue que bataille Barzilai et son équipe avec la FDA, qui se sont rencontrés le 24 juin dernier, concernant le projet TAME.

Le TAME (Targeting Ageing with Metformin) est une étude, un futur essai clinique pour observer les effets du médicament sur le corps humain. Si les discussions entre les deux aboutissent à une concrétisation du projet, on verra une trentaine de spécialistes partagés dans quinze centres autour des États-Unis, voire à l’international, diriger l’opération.

Pendant cinq à sept ans, 3 000 personnes, entre 70 et 80 ans, touchées par une pathologie due à leur âge (cancer, problèmes cardiaques, etc.) devraient prendre quotidiennement le médicament (ou le placebo pour d’autres). Les chercheurs espèrent voir des progrès sur 30% des personnes traitées au Metformin, et surtout de voir une nette distinction avec le groupe qui prendra des placebo.

On évalue son coût à 50 millions de dollars, ce qui peut sembler énorme vu comme ceci, surtout qu’il s’agit d’un médicament générique peu couteux. Mais l’opération est sponsorisée par la Fédération Américaine de la Recherche sur la Vieillesse, tout en sachant que les chercheurs croient aux futurs dons privés. S’adressant à la planète entière et ses quelque sept milliards d’habitants (et de potentiel futurs clients), Barzilai risque de ne pas avoir trop à attendre avant d’avoir les fonds.

Dans une tribune postée le 24 juin pour Le Plus de L’Obs, le médecin Sauveur Boukris souligne l’importance de l’argent dans ce débat, et l’absurdité de juger la vieillesse comme une maladie. Chez Motherboard toujours, Barzilai prend effectivement des pincettes quant aux termes utilisés et refuse de parler de “maladie” que l’on peut “soigner” :

Pour nous scientifiques, vieillir est quelque chose qui se produit et qui doit être respecté. Cela fait partie de notre humanité. […] Nous ne partons pas vraiment vers “un délai de vieillissement”. Ce que nous essayons de faire à travers cette recherche est d’augmenter la durée dans laquelle nous sommes en bonne santé, pas notre durée de vie, même si les deux sont inextricablement liés. Cela ne doit pas être vu comme une “fontaine de jeunesse”.

Si la FDA doit donner sa réponse dans les semaines à venir, il y a très peu de chances pour qu’elle exprime un refus. “Je pense qu’à partir de là, la FDA comprend que ce projet est important, et que s’il fonctionne, il aura un grand impact” précise-t-il.