Avec Acute Arts, Marina Abramovitc et Jeff Koons s’essaient à la réalité virtuelle

Avec Acute Arts, Marina Abramovitc et Jeff Koons s’essaient à la réalité virtuelle

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Par Thibault Prévost

Publié le

Les artistes contemporains ont décidé de s’associer pour créer la plateforme Acute Arts, une galerie numérique qui explore la réalité virtuelle.

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Trois titans de l’art contemporain assis à la grande table de la réalité virtuelle : voilà le deal que propose Acute Arts, le projet de galerie d’art numérique qui réunit sous la même bannière Marina Abramovitc, Jeff Koons et Olafur Eliasson, trois pontes – on laissera le débat sur leur légitimité de côté, si vous le voulez bien – de l’art contemporain, visiblement décidés à sauter le pas de la virtualité. La semaine dernière, à l’occasion de la conférence Brilliant Minds, à Stockholm, les trois créateurs ont présenté leurs œuvres respectives, chacune utilisant la réalité virtuelle pour explorer de nouveaux territoires artistiques… et encourager les jeunes artistes numériques à rejoindre les rangs d’Acute Arts, qui ouvrira officiellement à l’automne prochain, nous apprend Dazed & Confused.
Koons, qui a déjà touché à la VR le temps d’une collaboration avec Louis Vuitton, a ainsi présenté Phyrne, du nom d’une célèbre courtisane de l’Antiquité grecque qui fut jugée pour impiété. Dans sa création, les visiteurs sont présentés à la courtisane, dont la peau a la teinte d’un métal réfléchissant, dans un décor pastoral. Ils seront ensuite guidés par elle tout en observant leur propre reflet. Une réflexion, indique Koons, sur le sens du corps et de l’identité dans la réalité virtuelle, alors que la majorité des jeux et expériences immersives contemporaines vous privent d’enveloppe charnelle pour résoudre des soucis de gameplay.

Deux réflexions sur le climat

Marina Abramovitc – dont les multiples collaborations iconoclastes et l’utilisation obsessionnelle du corps en tant qu’outil ne sont plus à rappeler – s’est concentrée sur la crise climatique, bien réelle, que traverse notre monde. Dans Rising, l’artiste serbe vous place face à son avatar virtuel, prisonnier d’un aquarium qui se remplit, lentement mais inexorablement. Pendant que vous hésitez sur la marche à suivre, l’artiste prend les devants et vous emmène visiter les glaciers et les pôles tranquillement occupés à fondre. Un choix simple s’impose ensuite à vous : soit vous sauvez Abramovitc de la noyade en vous engageant solennellement à lutter contre le réchauffement, soit vous êtes condamné à la regarder crever sous vos yeux. Fidèle à sa méthode, l’artiste vous chope par le colbac, sans vous laisser le temps de réfléchir, pour provoquer une réaction épidermique… et sincère.
Quant à l’Islando-Danois Olafur Eliasson, qui nous avait jusque-là habitués à des installations solaires monumentales qui jouaient avec les éléments naturels (quand il ne trimbale pas de gigantesques blocs de glace de l’Arctique jusque sur la place du Panthéon), le passage à la virtualité lui permet, avec Rainbow, de mettre en place une œuvre collaborative grâce aux contrôleurs fournis avec les casques de réalité virtuelle. Le public est placé dans une salle virtuelle, masquée d’un rideau de pluie, dans laquelle se cache un arc-en-ciel… qui n’apparaîtra qu’à condition d’être placé dans une position très précise. Et c’est là que ça se corse : seule la collaboration entre les chasseurs d’arcs-en-ciel permettra de le découvrir. Une réflexion sur l’aspect social de la réalité virtuelle, dont les observateurs fustigent parfois l’isolement qu’elle suppose.
Trois installations en réalité virtuelle et opérées par trois pontes de l’art contemporain, qui interrogent, chacune à leur façon, notre rapport au monde réel et ses déboires, à l’heure où il est parfois plus simple de s’oublier dans les néons affriolants de ces nouveaux univers plutôt que de contempler la poubelle surchauffée qu’est devenue notre planète. Chacune à leur façon, ces trois œuvres font mouche, au point qu’on aurait presque envie – c’est paradoxal — d’arracher le casque de ses yeux. Et si c’était ça, finalement, le but d’Acute Arts ? Utiliser la VR pour mieux nous renvoyer à nos pénates terrestres ?