Sur l’île de Palawan, derrière la carte postale, un combat à mort pour sauver l’environnement

Sur l’île de Palawan, derrière la carte postale, un combat à mort pour sauver l’environnement

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Par Jeanne Pouget

Publié le

Pour lutter contre la déforestation qui ravage cette célèbre île des Philippines, une milice écologiste indépendante traque les bûcherons pratiquant l’abattage illégal des arbres. Ces militants risquent quotidiennement leur vie.

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Palawan, aux Philippines, est réputée pour être l’une des plus belles îles au monde. Une image d’Épinal, faite de lagons aux eaux turquoise et de reliefs karstiques, qui cache une réalité bien plus sinistre : celle du combat de l’ombre que mènent des militants écologistes pour préserver l’un des derniers bastions environnementaux de leur pays.

La milice indépendante non armée PNNI (pour Palawan NGO Network Inc.) se bat quotidiennement et sans relâche contre les trafiquants illégaux de bois. Mais au détour d’une jungle luxuriante qui abrite une biosphère exceptionnelle, la bataille pour préserver l’environnement se fait dans le sang : douze membres du PNNI ont été assassinés dans l’horreur et l’indifférence depuis 2001.

“Le gouvernement ne fait pas son travail”

Face à l’inaction des politiciens et à la corruption qui gangrène les Philippines, le PNNI s’est formé en 1991, notamment afin de mener des patrouilles en partenariat avec les communautés locales. Ne croyant pas au militantisme de bureau, les membres du PNNI préfèrent se confronter directement aux bûcherons illégaux, qu’ils pourchassent et neutralisent par leurs propres moyens – quitte à créer la polémique.

“On veut balayer l’idée que rien ne peut être fait contre la grande criminalité environnementale”, a expliqué fin septembre à l’AFP Bobby Chan, le fondateur du groupe et avocat spécialisé dans la défense de l’environnement. “Cela devrait être le boulot du gouvernement mais il ne fait pas son travail. Si on n’est pas là, qui le fera ?”, déplore Bobby Chan. Depuis plus de 25 ans, le PNNI aurait ainsi confisqué près de 700 tronçonneuses, mais aussi des foreuses, des équipements de pêche au cyanure et des armes.

Les yeux arrachés, la langue et les testicules coupés

Cette milice, jusqu’alors restée dans l’ombre, attire l’attention de l’opinion publique internationale depuis l’assassinat du capitaine Ruben Arzaga, en septembre dernier. Ce père de cinq enfants, âgé alors de 49 ans, s’est fait tuer d’une balle dans la tête par des bûcherons, à proximité de leur exploitation illégale.

“Si on ne met pas fin à ces activités illégales, je crois qu’avant que ma fille ne grandisse et n’ait sa propre famille, tous les grands arbres auront disparu”, déclarait l’homme quelques mois avant sa mort, dans des images notamment relayées par Brut.

Comme lui, douze membres du PNNI ont été assassinés depuis 2001 dans des conditions extrêmement violentes, qui laissent clairement transparaître la détermination des bûcherons illégaux. Ce fut le cas pour Roger Majim, un membre de l’organisation, dont le corps a été retrouvé sur une plage en 2004 :

“Les bûcherons avaient placé ses tongs sur la tombe. Il présentait environ 16 blessures par couteau. Ses yeux avaient été arrachés. Sa langue avait été coupée. Ses testicules avaient été tranchés et mis dans sa bouche”, témoigne Bobby Chan, qui reconnaît être très affecté par ce déferlement de violence (même s’il ne perd pas sa détermination.

Les militants du PNNI ne sont pas les seuls à trouver la mort dans ce combat pour protéger les dernières forêts des Philippines : selon l’ONG Global Witness, un écologiste est tué tous les 12 jours dans l’archipel (28 ont perdu la vie en 2016).

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