Docu : chez les Torajas indonésiens, les morts sont (presque) des vivants comme les autres

Docu : chez les Torajas indonésiens, les morts sont (presque) des vivants comme les autres

photo de profil

Par Théo Chapuis

Publié le

Le National Geographic nous emmène chez les Torajas en Indonésie, un peuple dont le rapport à la mort et aux défunts est aux antipodes du nôtre.

À voir aussi sur Konbini

C’est un mini-documentaire captivant que National Geographic a tourné sur l’île de Célèbes, en Indonésie, comme un défi à notre propre rapport à la mort. Là-bas, à 12 000 kilomètres de la France, le peuple des Torajas pratique un rite funéraire bien particulier. Pendant un temps, les morts restent dans la maison des vivants et partagent la vie avec eux. On apporte aux défunts de l’eau et de la nourriture, ils sont conviés aux prières, on leur laisse de la lumière, on les touche, on les caresse, on s’adresse à eux comme s’ils étaient encore capables d’entendre et de répondre. Pour ce peuple d’environ 650 000 habitants, tant que le corps reste au foyer, il est considéré comme un to makula’, un malade.

“Nous n’avons pas peur des corps sans vie, car notre amour pour nos ancêtres est bien plus grande que notre peur”, explique un Toraja au début de la vidéo. Pour les conserver, les corps sont momifiés avec du formol, leur donnant cet aspect rigide qui empêche tout processus de putréfaction. D’après le magazine, ce n’est pas que les Torajas repoussent la mort, au contraire : c’est seulement qu’elle fait intimement partie du quotidien des vivants.

“Je ne peux pas accepter de l’enterrer si vite”

D’après Yacob Kakke, expert de la culture de ce groupe ethnique interrogé dans le documentaire, les plus pauvres ne peuvent conserver le corps que quelques semaines tandis que “ceux issus de la classe moyenne peuvent parfois garder le corps plusieurs mois”.

Les plus riches, eux, peuvent garder leurs morts auprès d’eux “quelques années”. Le délai entre la mort effective du corps et les funérailles s’explique par plusieurs facteurs : cacher le corps après le décès, comme nos coutumes occidentales nous l’imposent, est à des lieues de la conception du trépas des Torajas. Dans l’article qui accompagne le mini-documentaire, Nat Geo cite une femme endeuillée :

“Ma mère est morte soudainement, nous ne sommes pas prêts à la laisser partir tout de suite, explique en pleurant Yohana Palangda, je ne peux pas accepter de l’enterrer si vite.”

Sa mère a continué à recevoir des invités dans une pièce à l’étage de la maison pendant plus d’un an.

Premières et secondes funérailles

Les funérailles sont souvent retardées afin que les membres de la famille les plus lointains puissent se rendre sur le lieu des adieux. Ce sont des moments très importants qui rythment le quotidien de ce peuple, soudant les familles entre elles. “Les funérailles sont un mariage, une bar-mitsvah et une réunion de famille en même temps”, écrit Amanda Bennett, de National Geographic.

Par ailleurs, les familles attendent de pouvoir rassembler assez de buffles pour les sacrifier lors de l’office. Les bêtes sont chargées d’emmener les morts paisiblement dans l’après-vie, telles des véhicules de l’âme sans lesquels l’accès à l’au-delà n’est pas permis.

Même une fois inhumés, les défunts des Torajas sont ressortis de leurs enveloppes funéraires pour être exhumés après quelques années, lors de la période dite de ma’nene’, en août. Pendant ces “secondes funérailles”, on soigne leur apparence, on change leurs habits et on les réapprovisionne même en snacks et cigarettes. Ainsi, les membres de toute la famille peuvent rendre hommage à leurs ancêtres, même ceux qu’ils n’ont pas connus.