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La Norvège entre en guerre contre la censure bête et méchante de Facebook

La Norvège entre en guerre contre la censure bête et méchante de Facebook

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Par Théo Chapuis

Publié le

Heurtée par la politique de censure rigide de Facebook, la Première ministre norvégienne, Erna Solberg, considère que le réseau social pratique le révisionnisme historique. Elle soutient un quotidien national et un écrivain.

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Facebook et la censure, épisode 1 485 : “Facebook contre la Norvège”. Vous avez forcément déjà vu cette photographie de Nick Ut, connue sous le nom de “La Fillette au napalm” (1972). Icône de la photo de guerre, macabre symbole de la guerre du Viêt-Nam, elle représente comme peu d’autres l’absurdité de la guerre – et est au moins aussi célèbre que, par exemple, Mort d’un soldat républicain de Robert Capa.

Mais Facebook n’en a cure que cette photo soit historique. Comme Pixels le relate, lorsque l’écrivain et journaliste norvégien Tom Egeland a partagé la fameuse photo sur sa page Facebook il y a quelques semaines, la police de la censure du réseau social a dû sévir. La sentence : retrait de la photo et blocage de l’accès à son compte pendant 24 heures, d’après le quotidien Aftenposten. Motif : brûlée au napalm ou pas, la fillette est toute nue. Bigre.

La rédaction d’Aftenposten semble avoir voulu tenter l’expérience à son tour. Mercredi 7 septembre, il lui est arrivé ce qui devait arriver : Facebook signale au quotidien que la photo de Nick Ut s’apparente à du “contenu sensible” et lui demande de “retirer ou pixéliser” le cliché. Ce que le journal ne fera évidemment pas. Peine perdue : d’après Espen Egil Hansen, rédacteur en chef du quotidien, il aura fallu moins d’une journée pour que le réseau social retire la photo.

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Espen Egil Hansen a pris la parole dans une lettre ouverte adressée à Mark Zuckerberg annoncée en une du quotidien. Il s’y dit “fâché, déçu, et même effrayé” de cette censure : “Vous créez des règles qui ne font pas la distinction entre la pédopornographie et les photographies de guerre célèbres”. Plus largement, il fustige l’attitude prude de Facebook, qui passe outre la responsabilité des médias de choisir ou non de diffuser des contenus :

“Ce droit et ce devoir, que tous les journalistes du monde doivent exercer, ne devraient pas être sapés par un algorithme codé dans votre bureau californien.”

Facebook “édite notre histoire commune”

Le vendredi 9 septembre, l’affaire a pris une tournure inattendue. En soutien au quotidien de son pays, la Première ministre Erna Solberg a décidé à son tour de publier sur son mur La Fillette au napalm. Devinez quoi ? Elle est devenue quelques heures plus tard le premier chef de gouvernement censuré par le réseau social. Elle a alors exprimé dans un post rédigé en norvégien et un anglais son indignation. En faisant cela, elle considère que Facebook se rend coupable de révisionnisme historique :

“Ce que Facebook fait en retirant ce genre d’images [comme La Fillette au napalm, ndlr], quelles que soient ses intentions, c’est d’éditer notre histoire commune. […]

Je veux que mes enfants et leurs camarades grandissent dans une société où l’Histoire est apprise telle qu’elle est. Où ils peuvent apprendre des événements historiques et des erreurs du passé.

Aujourd’hui, les photographies sont d’une si grande importance pour marquer les esprits que si vous éditez les événements où les individus [sur ces images], vous changez le cours de l’histoire et la réalité.”

Sous son post, une demi-douzaine de photos historiques, telles que L’Homme de Tiananmen ou L’Exécution de Saïgon… à ceci près qu’elle a posé un bandeau noir sur l’homme qui barre la route aux chars et un autre sur le visage du partisan exécuté sommairement. Une manière de montrer que si l’on cache le sujet de la photo, sa substance disparaît.

La censure au pied de la lettre

La politique de censure impitoyable de Facebook est légendaire. Qu’il s’agisse des sexes, mais également des tétons, des tétons de statues, des statues de sirènes, des corps de forte corpulence ou encore des trailers de films. Le réseau social applique sa règle de façon bête et méchante et n’a pas l’intention de s’arrêter.

Nous ne saurons donc trop vous conseiller, si vous souhaitez vous aussi en faire l’expérience, de partager sur Facebook quelques œuvres de l’histoire de l’art de votre choix : un bon vieux Géricault, un p’tit Modigliani ou encore un Egon Schiele.