Les pop stars japonaises sont enfin autorisées à avoir des relations amoureuses

Les pop stars japonaises sont enfin autorisées à avoir des relations amoureuses

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Par Thibault Prévost

Publié le

Au Japon, les pop stars étaient légalement interdites de relations avec le sexe opposé, pour ne pas briser les fantasmes virginaux de leurs fans.

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Le Japon est un pays fascinant. Au pays du Soleil-Levant, la scène radiophonique et musicale est dominée par de pétillants girls bands de J-Pop, formés selon une formule aussi élémentaire que standardisés : des filles relativement jeunes et maquillées pour le paraître encore plus, des tenues et des clips acidulés, des minijupes d’écolière… Le résultat est à mi-chemin entre la pudeur et la polissonnerie.

Et ça marche : les membres des girls bands les plus connus, comme Ganglion (oui, “ganglion”) ou AKB48, sont de véritables icônes vénérées par des hordes de fans transis et incarnent à elles seules l’un des piliers de la culture Otaku.

Pour encourager cette déification et entretenir chez les fans le rêve d’une union impossible avec leurs virginales idoles, l’industrie musicale japonaise – d’un cynisme sans bornes – oblige contractuellement les artistes, hommes comme femmes, à rester célibataires, sous peine d’importantes amendes. Du moins jusqu’il y a peu. Mais, après une décision de justice rendue par le tribunal de Tokyo le 18 janvier, la jurisprudence a changé : en 2016, les pop stars japonaises ont le droit de sortir avec leurs fans.

77 000 euros d’amende pour délit de relation amoureuse

Relatée par le quotidien nippon Asahi Shimbun puis, chez nous, par Slate, l’affaire impliquait une chanteuse de 23 ans, à qui sa société de production, restée anonyme après le verdict, réclamait la somme faramineuse de 9,9 millions de yens (environ 77 000 euros) pour avoir eu l’outrecuidance de s’enticher de l’un de ses admirateurs – rompant du même coup la clause de chasteté inscrite dans son contrat de travail.

À l’issue du procès, le juge Katsuya Hara a argué que “pouvoir sortir avec un membre du sexe opposé fait partie du droit à la poursuite du bonheur” et que “même en tenant compte du contexte  particulier aux groupes d’idoles, ce genre d’interdiction était excessif.” C’est peut-être évident pour vous, mais pour elles ça veut dire beaucoup.

La chanteuse, qui avait entamé sa relation en 2013, avait quitté son groupe dans la foulée et annulé sa participation à un concert, ce qui a permis au tribunal de lui donner raison. Les juges ont en effet estimé que la société de production ne pouvait légitimement pas réclamer une compensation à son artiste dès lors que celle-ci n’avait pas rendu publique sa relation dans le but de lui nuire.

La décision retourne donc la jurisprudence en vigueur, pourtant confirmée en septembre 2015 par un autre procès, qui avait contraint une chanteuse de 17 ans à dédommager ses producteurs à hauteur de 5 000 euros après avoir malencontreusement rencontré quelqu’un, narrait encore l’Asahi Shimbun.

Mais la sanction la plus dure que les chanteuses brisant cette règle du “no dating” affrontent, c’est bien l’humiliation publique dont les conséquences peuvent s’avérer terribles pour leurs carrières d’idoles.

En 2013, rapporte The Verge, l’une des membres du girls band AKB48, Minami Minegishi, alors âgée de 20 ans, avait été prise en flagrant délit de relation de couple par un tabloïd nippon. Avant même la parution de l’article, la jeune chanteuse apparaissait sur YouTube, en larmes, les cheveux rasés à la va-vite, et faisait acte de contrition pendant huit longues et pénibles secondes – qui rappelleront à n’importe quel Européen le gênant folklore de la Libération.

Aujourd’hui, avec cette première victoire judiciaire, les jeunes chanteuses japonaises ont simplement, rappelons-le, gagné le droit d’aimer sans avoir à subir de conséquences pour cela. Il reste encore du chemin à faire.