L’image du voile à travers l’art

L’image du voile à travers l’art

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Par Aline Cantos

Publié le

Le voile fascine et révolte, passionne et insurge. Tout naturellement, il a suivi le chemin de bon nombre d’éléments subversifs et est devenu une source d’inspiration récurrente pour les artistes de ces dernières années. 
Le support d’inspiration visuelle est vaste puisque le voile recouvre une multiplicité de déclinaisons. Hijab, Niqab, Hayek, Foulard et bien d’autres types de voiles sont utilisés tant dans la pratique de la religion musulmane que dans les cultures locales du Maghreb et du Moyen-Orient. Tous différents, marqués par des esthétiques particulières, ils laissent aux artistes nombre de possibilités artistiques.
Qu’ils soient prétexte à dénoncer la condition des femmes ou celle des musulmans dans les sociétés occidentales, les projets autour du voile foisonnent et rencontrent un accueil mitigé. Ils rencontrent bien souvent la critique, que ce soit par leur manque de réalisme, par les images qu’ils véhiculent ou par l’incompréhension générée par l’exposition des œuvres à un public de culture différente.

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Quand l’art devient politique

Déconstruire les stéréotypes

Le point de départ de mes recherches plastiques se sont articulées autour de l’affiliation féminine musulmane qui fait partie de mon identité culturelle d’origine.
Le débat médiatique de la fin des années 90 autour du port du voile à l’école ainsi que mes lectures, en particulier celles de G.G De Clérambault, m’ont conduite à repositionner l’iconographie de cette femme longtemps instrumentalisée par les orientalistes. Il était alors essentiel à mes yeux de redéfinir ce vêtement sociétal et religieux pour en déstigmatiser son sens.

Pourtant, si cette dernière n’est pas la seule a avoir pris pour objet ladite étoffe, d’autres artistes tendent parfois à assimiler le voile à un seul but d’oppression et de négation de l’identité des femmes. C’est le problème de certains artistes peu familiers du sujet en question qui peuvent parfois porter un avis biaisé sur l’étoffe.

Je ne pense pas qu’on puisse avoir un avis non-biaisé lorsqu’on est pas lié à la culture musulmane, confie Maya-Inès Touam, mais cela n’est évidement pas un problème. L’artiste musulman n’a pas plus de légitimité dans l’exploration des questions identitaires liées a cette culture, l’art ne doit pas s’autocensurer.

Voir au-delà des normes occidentales

Dans mon travail comme à travers la campagne “#DamnIlookgood”, nous cherchons à montrer qu’une étoffe n’en reste pas moins un tissu, un drapé qui orne la silhouette féminine. La part esthétique qu’attribue la femme à ce voile a été mise de côté et reprise à tort par les médias et la politique occidentale, explique Maya-Inès Touam.

Dans un contexte occidental assez peu favorable au port du voile, comme en atteste la loi française de 2010 interdisant le port de la burqa, les prises de position artistique sur le sujet prennent une dimension politique sans équivoque. Cependant, la dimension subversive du voile le rend attirant d’un point de vue marketing et les dérives ne se font pas attendre.

Les dérives de la subversion

Je pense effectivement que sexualiser à outrance ce voile peut offenser les musulmans, cette étoffe est avant tout liée à l’Islam, ce que l’on doit respecter.

L’art en pays de culture musulmane

Je conçois que l’art soit un moyen de bouleverser les codes surtout dans les contextes politiques et sociétaux de certains pays du Moyen-Orient où la sexualité de la femme reste encore un sujet sensible, mais je n’ai jamais été partisane de la provocation. Sexualiser le voile à mes yeux est un manque cruel de subtilité, confie Maya-Inès Touam à ce sujet.

Le voile, au delà de sa symbolique culturelle apparaît ainsi comme un support de création artistique à part entière. Tant par son esthétique que par son histoire, il inspire les artistes de la nouvelle génération, en bien comme en mal. L’étoffe est subversive et entretient la réflexion autour du symbole qu’elle représente. Cependant, si l’inspiration est au rendez-vous, les dérives marketing et économiques sont faciles. Si l’engagement de certains artistes sert le dialogue et l’ouverture, d’autres ont encore bien des travers qui portent atteinte aux croyants.