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Hymen et virginité féminine : analyse d’une construction sociale rétrograde mais tenace

Hymen et virginité féminine : analyse d’une construction sociale rétrograde mais tenace

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Par Léa Marie

Publié le

Depuis des lustres, on nous enseigne que l’hymen est une fine membrane qui se brise lors du premier rapport sexuel. Une croyance sans réel fondement scientifique et qui relève, pour certains sexologues et gynécologues, d’une pure construction sociale autour de la virginité féminine.

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(Détail de @artlindacatarina)

L’hymen ne serait-il qu’un mythe ? Défini comme une fine membrane recouvrant partiellement l’ouverture du vagin, ce petit bout de peau est présenté comme un gage de virginité féminine. Au point que dans certaines sociétés, la présence d’un hymen intact est fondamentale chez les futures épouses. Celui-ci se déchirerait donc lors du premier rapport sexuel avec pénétration, entraînant par là même un léger saignement qui signerait officiellement la perte de la virginité. Un postulat qui relève, en réalité, d’une croyance populaire vieille comme le monde. De quoi remettre en cause le concept même de virginité. Explications.

L’hymen : une réalité biologique complexe

“On ne peut pas se servir [de l’hymen] pour évaluer la virginité”, explique la sexologue Geneviève Labelle, pour qui le concept même d’hymen est “faux”. Définir la virginité par rapport à l’hymen n’aurait donc pas de fondement biologique ? Non, la perforation de cette membrane − qu’elle préfère par ailleurs qualifier de repli de muqueuses disposées en couronne autour du vagin − ne dit rien (ou presque) sur la virginité d’une jeune femme. Il s’agirait donc d’un critère erroné.

Le terme ne correspondrait même pas, physiologiquement parlant, à une réalité tangible observable de la même manière chez toutes les femmes. Car, contrairement aux idées reçues, toutes les femmes n’ont pas forcément d’hymen. Et surtout, celui-ci ne se déchire pas obligatoirement au cours du premier rapport sexuel. Loin de là. Ainsi, et ce n’est pas nouveau, il est courant que de jeunes filles se “perforent” l’hymen durant des activités sportives, en gymnastique ou en équitation par exemple. Tandis que chez d’autres femmes, l’hymen résiste au premier rapport sexuel, voire aux suivants.

En outre, la taille du trou au centre de l’hymen varie, indépendamment du fait que le vagin ait été pénétré ou non. Dans certains cas, la pénétration régulière du vagin ne fait que rendre l’hymen plus souple. “L’hymen ne se ‘brise’ pas la première fois que vous avez un rapport sexuel”, explique Rose Olson, chercheuse à l’origine d’une étude sur les “tests de virginité”, publiée dans la revue Reproductive Health. Elle explique :

“Un examen de l’hymen ne peut pas prouver qu’une personne a eu un rapport sexuel vaginal et n’indique rien concernant son passé sexuel. Aucun hymen n’est identique. Même les médecins les plus chevronnés ne peuvent pas faire de distinction entre un hymen ‘vierge’ et un hymen ‘non-vierge’.”

Quant au saignement associé à la perforation de l’hymen lors du premier rapport sexuel, il ne provient en réalité pas toujours de la rupture de cette membrane. Bien souvent, il est tout simplement causé par le manque de lubrification du vagin.

La virginité féminine : une construction sociale

Comment s’explique alors la solidité de cette croyance ? Pour Geneviève Labelle, l’hymen (et donc la virginité féminine) est une construction sociale reflétant les mœurs des sociétés patriarcales. À titre de comparaison, la virginité masculine est loin de recevoir la même attention. Moins sommés de réserver leur première fois à “l’heureuse élue”, les jeunes hommes ne subissent pas la pression sociale qui s’exerce sur les femmes : pour ces dernières, la virginité s’apparente en effet à un symbole de “pureté”.

La sémantique en dit long : le verbe “déflorer”, terme désuet qui signifie “faire perdre à une jeune fille sa virginité”, provient du latin deflorare, c’est-à-dire “flétrir”, “ôter la fraîcheur de”. Autrement dit, la virginité d’une femme est, telle une fleur, un bien à cueillir ; après quoi, cette même femme est “fanée”.

L’expression “perdre sa virginité” est également lourde de sens. Elle évoque une dépossession par essence involontaire, et non un acte délibéré réalisé par une personne maîtresse de son corps. L’importance accordée à la virginité féminine retranscrit ainsi les rapports de domination hommes-femmes, comme le regrette Geneviève Labelle :

“On est encore dans cette idée-là […], que l’homme va briser l’hymen de la femme et donc ‘conquérir le territoire’, alors qu’on gagnerait à voir le contraire, à voir que la femme n’appartient pas à un homme. C’est une relation qui est réciproque.”

En 2017 encore, des femmes décident ou se voient contraintes de dépenser plusieurs milliers d’euros pour une hyménoplastie (une intervention chirurgicale permettant de retrouver un hymen intact) en vue de leur mariage. Le phénomène serait d’ailleurs en train de prendre de l’ampleur, et pas uniquement dans les pays où les traditions religieuses occupent une place prépondérante. Dans les pays occidentaux aussi − y compris en France −, l’opération n’est pas rare, et prend parfois un aspect plus “spirituel” : en 2010, l’Américaine Paris Hilton avait par exemple révélé son intention de “recouvrer sa virginité” pour son mariage avec Doug Reinhardt. Un exemple parmi tant d’autres du conditionnement culturel qui pèse sur les femmes en la matière. Et dont nous gagnerions tous et toutes à nous débarrasser.