Hommage à Milos Forman, le grand cinéaste épris de liberté

Hommage à Milos Forman, le grand cinéaste épris de liberté

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Par Marie Jaso

Publié le

Le 13 avril, le réalisateur a rejoint le panthéon du septième art.

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Une vague d’émotion s’est abattue sur le monde du cinéma le vendredi 13 avril, à l’annonce du décès du légendaire cinéaste Milos Forman, des suites d’une maladie, à l’âge de 86 ans.

“Il est décédé paisiblement, entouré de sa famille et de ses proches”, a déclaré sa veuve Martina auprès de l’agence de presse tchèque CTK.

Multi-récompensé, le réalisateur américain d’origine tchèque – également scénariste, acteur et professeur de cinéma à la prestigieuse université de Columbia – a marqué de sa filmographie soignée un septième art aujourd’hui endeuillé. Perfectionniste et engagé, cet habitué des biopics et amoureux de la folie a dressé au fil de ses œuvres intemporelles les portraits de personnages charismatiques et haut en couleur, au premier plan comme au second.

Le cinéma comme arme de résistance

Né le 18 février 1932 à Čáslav (près de Prague) dans l’ancienne Tchécoslovaquie, Miloš Forman connaît dès l’enfance une tragédie qui le laisse orphelin : pendant la Seconde Guerre mondiale, ses deux parents par les nazis. Ce drame familial a suscité en lui une admiration sans borne pour la rébellion, qui deviendra le fil rouge de son œuvre.

Après des études à la Famu, l’école de cinéma de Prague, Miloš Forman fait ses premiers pas dans le septième art dès 1963 avec L’As de pique. Il affirme sa stature de réalisateur avec Les Amours d’une blonde (1965), film majeur de la Nouvelle Vague tchèque, lancée au début des années 1960 par des étudiants en révolte contre le régime communiste qui règne sur le pays depuis 1948. Au feu, les pompiers (1967) fut ainsi considéré comme une satire du gouvernement d’Antonín Novotný, et fut donc rapidement censuré.

En déplacement à Paris pendant la répression du Printemps de Prague, en 1968, il décide de quitter définitivement son pays natal pour les États-Unis, où ses premières réalisations bénéficient déjà de l’attention du milieu. Il sera naturalisé américain en 1977.

L’amour de l’extravagance

Après son installation à New York, sa carrière ne tarde pas à décoller : après Taking Off en 1971 (récompensé du Grand Prix du Jury à Cannes), Forman signe l’une des plus belles œuvres de sa carrière avec Vol au-dessus d’un nid de coucou, en 1975. Ode touchante aux marginaux portée par la performance magistrale d’un Jack Nicholson aux portes de la folie, le film lui vaudra un Bafta, un Golden Globe et l’oscar du meilleur réalisateur en 1976 (en plus de quatre autres oscars : meilleur film, meilleur acteur pour Jack Nicholson, meilleure actrice pour Louise Fletcher et meilleur scénario adapté), ainsi qu’une nomination au César du meilleur film étranger l’année suivante.

Après l’adaptation de la comédie musicale Hair (nommée au César du meilleur film étranger en 1980) et Ragtime (qui suit les revendications d’un homme noir dans une Amérique rongée par le racisme), il retrouve Prague en 1983 pour le tournage du sublime Amadeus, biopic sur Mozart, ici incarné par un Tom Hulce habité par l’hystérie de son rôle.

Le long-métrage dépeint brillamment la jalousie viscérale du compositeur Antonio Salieri pour le génie de son jeune rival. Auréolé de pas moins de quarante prix, dont huit oscars et un César du meilleur film étranger en 1985, Amadeus est l’une de ses œuvres majeures.

Ses films suivants furent Valmont (1989) – adaptation libre des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos pour laquelle il se voit nommé au César du meilleur réalisateur en 1990 – et Larry Flynt (1996), un portrait du fondateur du magazine pornographique Hustler.

Sans le savoir, le réalisateur se lance ensuite en 1999 dans ce qui deviendra une véritable épopée : Man on the Moon. Pour cet hommage au comique américain Andy Kaufman, Forman doit concilier avec la personnalité excentrique de Jim Carrey, décidé (à des fins artistiques) à incarner son personnage jusque dans les coulisses du long-métrage, où il provoque inlassablement l’équipe du film.

Alors poussé dans ses derniers retranchements, le stoïque Milos Forman se révèle réceptif au processus créatif de son acteur principal. Une patience à toute épreuve récompensée par un Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin, et mise en exergue dans le fascinant documentaire Jim et Andy (2017), réalisé par Chris Smith.

Il termine sa brillante carrière longue de près de cinquante ans avec Les Fantômes de Goya (2006) et en rendant hommage à ses racines avec Dobře placená procházka (2009).

On aurait aimé qu’il soit éternel. Au moins, son héritage le sera.