Harcèlement scolaire : le documentaire poignant à (re)voir

Harcèlement scolaire : le documentaire poignant à (re)voir

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Par Fanny Hubert

Publié le

“Tu ferais mieux de te suicider”

Ce documentaire, réalisé par Andrea Rawlins Gaston et Laurent Follea, permet de donner la parole à six victimes âgées de 15 à 23 ans. Et leurs témoignages sont poignants. Charlène raconte qu’elle a été harcelée de ses 11 ans à ses 14 ans. Elle explique entre autres que des élèves “venaient [lui] jeter du pain, du riz“. Des garçons sont même allés jusqu’à lui verser du fromage fondu dans les cheveux. Émeline subissait des insultes quotidiennes, “tu sers à rien“, “t’es trop moche“, “tu ferais mieux de te suicider“.
Parce qu’il est homosexuel, Lucas devait supporter les attaques de ses bourreaux au collège. On lui assène des mots très violents comme “t’aurais dû crever à la naissance” ou “fils de satan“. Mais il y a aussi les attaques physiques que toutes les victimes qui témoignent ont subi. C’est le cas de Jacky, qui est devenu un souffre-douleur à cause de son bégaiement.
Jonathan, lui, a été racketté pendant cinq ans parce qu’il était “enrobé” et Agathe a subi un harcèlement permanent à cause d’une rumeur infondée qui la faisait passer pour une prostituée. Et les attaques ne se passaient pas seulement dans le cadre de l’école mais continuaient sur les réseaux sociaux qui permettent de déferler sa haine très facilement.
Les élèves ne sont pas les seuls à témoigner puisque trois parents ainsi que ceux des victimes s’expriment également sur le sujet. Virginie et Raphaël ont perdu leur enfant Matéo, qui s’est pendu parce qu’il ne pouvait plus supporter les brimades et les coups incessants. Marion, la fille de Nora, a elle aussi mis fin à ses jours à cause de ses tortionnaires alors qu’elle n’avait que 13 ans. C’est avec la lettre qu’elle a laissée que Nora comprend pourquoi sa fille a commis un acte si extrême.

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Un sujet encore tabou et une école qui ne prend pas ses responsabilités

Si ce documentaire est plus que nécessaire, c’est parce qu’en France le harcèlement scolaire toucherait 10% d’élèves, soit 1 200 000 personnes. Encore plus effrayant, 61% d’entre eux auraient des pensées suicidaires. Malgré ces chiffres beaucoup trop importants, le sujet reste encore tabou et il a fallu attendre 2011 pour que notre pays y consacre une campagne de sensibilisation.
D’autres pays avaient déjà perçu l’ampleur du problème, comme la Norvège qui dès 1983 s’en préoccupe. La Grande-Bretagne lance un pack anti-harcèlement distribué dans toutes les écoles à partir de 1994. En Australie, les écoles adoptent dès les années 90 la méthode d’Anatol Pikas, un professeur qui estime que les sanctions contre les agresseurs ne sont pas bénéfiques et qu’il faut que la solution vienne d’eux. Nous sommes donc très en retard.
On apprend aussi à travers ces témoignages que l’école est loin de prendre ses responsabilités. Charlène revient sur une des agressions qu’elle a subies. Alors qu’elle était à terre après avoir essuyé des coups très violents de la part de deux filles, le principal du collège est sorti de son bureau et n’a rien fait :

Le principal m’a regardée, au sol, a regardé les filles, et il est reparti. Les deux filles se sont mises à rire et m’ont dit : “Tu vois, même le principal n’en a rien à foutre de ta gueule”

Virginie raconte qu’elle avait l’impression de passer pour une “emmerdeuse” à force d’alerter le collège de ce que son fils subissait. Selon le principal, la seule solution était de changer Matéo d’établissement, ce n’était pas aux harceleurs de partir. Nora explique que l’école ne daignait plus répondre à ses coups de fil. La mère de Lucas est allée voir le proviseur mais il n’a pas agi. Elle a même dû alerter la presse locale pour qu’on laisse son fils tranquille.

Ne pas se taire pour lutter

Alors quand l’école, qui est censée protéger les enfants, ne fait rien, comment peut-on agir ? Le gouvernement a lancé un site ainsi que deux numéros verts pour libérer la parole et alerter sur les dangers du phénomène. Une page Facebook a été mise en place et le hashstag #NAH (pour Non au harcèlement) est apparu sur Twitter. La ministre de l’Éducation Nationale, Najat Vallaud-Belkacem, s’est exprimée dans une lettre et compte mettre la lutte contre le harcèlement et le cyber-harcèlement scolaire au premier plan :

Nous allons accentuer nos efforts dans le premier degré en mettant en place un parcours de formation continue pour accompagner les enseignants et mieux les armer pour prévenir les situations de harcèlement. Nous allons également mettre à disposition des élèves, des familles et des personnels, des ressources qui faciliteront l’accès des victimes à un soutien efficace et de proximité.
Enfin, nous allons développer un numéro à 4 chiffres qui rendra plus facile l’accompagnement des familles et nous allons mobiliser l’ensemble de nos partenaires sur un sujet qui dépasse largement les murs de l’école.

La parole est donc la première étape essentielle mais les élèves ont bien souvent trop peur des représailles pour s’exprimer. Les parents ont un grand rôle à jouer en tentant de savoir ce qui préoccupe leurs enfants et l’école doit plus que jamais s’emparer du problème pour qu’enfin les choses puissent changer.
Disponible pendant un mois, le documentaire est à revoir juste ici.