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Je suis Français de culture musulmane et je suis triste et apeuré

Je suis Français de culture musulmane et je suis triste et apeuré

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Par Rachid Majdoub

Publié le

Je suis triste

Je suis Français, et le hasard a fait que je sois d’origine arabe, et de culture musulmane. Aujourd’hui, je suis triste.
Triste, de constater la réalité que nous subissons. Triste, au nom de la liberté. Parfois, je n’ai pas été d’accord avec la ligne éditoriale de Charlie Hebdo ; mais aujourd’hui, Je Suis Charlie. Il faut accepter la liberté de chacun. La liberté de partager un avis, ou la liberté d’être contre. Personne n’a le droit de mourir pour s’être exprimé.
Triste, de voir à quel point certains extrémistes salissent une religion qui ne prône en aucun cas, en aucuns termes, leurs convictions et leurs actes. Ces criminels ne représentent en rien une grande majorité d’arabes, une grande majorité de musulmans. Ils prétendent tenir entre leurs mains maculées de sang un Coran qui dit pourtant que tuer une seule personne revient à tuer l’humanité tout entière. Ces barbares ne sont pas l’islam ; ils sont le fardeau de l’islam.
Je suis triste, de devoir subir les conséquences de leurs agissements. Triste de voir la tournure prise par les événements. Triste, d’avoir à me justifier. Triste, d’avoir à me défendre pour un crime que je n’ai pas commis. Triste, d’observer des mentalités tomber dans le piège de l’amalgame. Quand un arabe devient un ennemi. Quand un musulman devient un terroriste.
Triste, d’essuyer certaines remarques, d’entendre quelques réflexions. Des mots, des regards, captés jusque sur une place symbolique, celle de la République à Paris, lors du rassemblement en hommage aux victimes. “De toute façon, que veux-tu faire avec ces gens de banlieue”, ces jeunes des quartiers, des cités.
Triste, de lire sur les réseaux sociaux que “c’est la faute aux arabes”, qu’il faut “lutter contre eux”, qu’il faut “ouvrir les yeux” et “ne pas se laisser faire” par une population qui n’a “rien à faire ici”. Qu’il “faut les renvoyer chez eux”. Eux, qui sont nés ici, en France. Eux, qui ont grandi ici, en France. Eux, qui ont étudié ici, en France. Eux, qui travaillent ici, en France. Eux, qui sont Français, peu importe leur couleur, peu importe leur croyance. Eux, qui chérissent la France.
Triste, de devoir se battre dans un pays auquel tu appartiens, qui t’a enfanté. Fatigué de devoir lutter.
Je suis triste, de voir des femmes, des hommes, des étudiants, des enfants sans problèmes et porteurs de valeurs de paix et d’amour… être stigmatisés à ce point. Triste, d’observer avec impuissance la manière dont notre société se déchire. Peu à peu divisée, sur fond de religion.
Triste, de voir certains partisans d’extrême droite remuer le couteau dans une plaie déjà délicate à panser. Blessé, face à leur volonté de creuser sans relâche un fossé qui n’a lieu d’être. Un fossé dans lequel il est interdit de tomber. Un fossé que nous devons franchir, ensemble, les uns vers les autres, aussi long soit le chemin pour le contourner.
Le rassemblement, la mixité, l’union sont nos forces, que l’on doit faire valoir dans notre quête de liberté.
Mais j’ai peur, peur d’être privé de cette liberté. Peur d’être étouffé dans une atmosphère qui devient péniblement respirable.

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J’ai peur

Je suis Français, d’origine arabe, et de culture musulmane. Aujourd’hui, j’ai peur.
Lors du rassemblement qui a vu près de 35 000 personnes se recueillir en ce mercredi 7 janvier 2015, une pancarte m’a marqué. Ses lettres, lumineuses, venaient éclairer la sombre page de l’histoire que nous vivons : “Not Afraid”. “Pas peur”. “Même pas peur”. Et pourtant, si, j’ai peur.
J’ai peur de l’avenir. Peur, que de tels actes de barbarie se reproduisent, que la haine se propage. J’ai peur d’Al Qaïda, de Daesh, de Boko Haram. Peur, que la situation ne se dégrade et que notre société atteigne un point de non-retour. Peur, d’affronter certains regards. De peur qu’ils ne renferment une crainte aussi grande que la mienne, pour des raisons différentes face auxquelles je préfère fermer les yeux.
Peur, que les arabes et musulmans de France, d’Europe et du monde soient rejetés, par une colère provoquée par des criminels qui trahissent la religion dont ils se réclament. Peur, lorsque je revois sans cesse ces termes, qui évoquent une crainte : “l’islamisation de la France”. Peur, de la progression de l’islamophobie. Peur des représailles, contre des actes que je n’ai pas perpétrés.
J’ai peur, quand j’entends parler Marine Le Pen. J’ai peur, face aux propos d’Éric Zemmour, de Finkielkraut. Peur, de la récupération politique. Peur, de 2017.
J’ai peur, face aux manifestations islamophobes en Allemagne qui se sont déroulées tout récemment, rassemblant plus de 18000 personnes à Dresde. J’ai peur d’y être confronté un jour. De me retrouver face à des centaines de personnes, et de devoir les affronter, de devoir me défendre, me justifier.
J’ai peur d’un jour perdre foi en l’humanité.
J’ai peur de demain.
Je suis triste, apeuré. Mais je reste debout. Car je me sens entouré, ici, chez nous. Au-delà des origines et des religions, nous sommes nombreux à être unis dans le même combat.
Et s’il y a bien une chose en laquelle je crois, c’est l’amour, qui sera toujours plus fort que la haine. N’est-ce pas, Luz ?