Faute de moyens, les millennials préfèrent investir dans les voyages plutôt que dans un appart’

Faute de moyens, les millennials préfèrent investir dans les voyages plutôt que dans un appart’

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Film Carnets de voyage, Walter Salles, 2004.

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Par Jeanne Pouget

Publié le

À défaut d’avoir les moyens d’investir dans l’achat d’un bien immobilier, les millennials préfèrent dépenser leur argent pour découvrir le monde, expliquent les experts.

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Ah, le monde merveilleux des “backpackers” comme on dit dans le jargon. Ces jeunes (et parfois moins jeunes) toujours entre deux avions, à écumer les auberges de jeunesse à travers le monde. De préférence entre l’Europe, l’Asie du sud-est et l’Amérique latine… À force de voir leurs photos, vous avez l’impression d’être déjà allé vous-même cent fois au Pérou ou au Vietnam.

Gosses de riches ? Paniers percés ? Insouciants de leur avenir ? Non. Selon les experts de l’industrie du tourisme, cette tendance s’explique tout simplement par la difficulté (voire l’impossibilité) des millennials à investir dans la pierre comme le faisaient leurs parents à leur époque grâce à leurs économies.

Augmentation des prix des loyers, gentrification des grandes et moyennes villes, inflation du secteur de l’immobilier, difficultés pour obtenir un prêt à la banque… À quoi bon économiser toute sa vie pour ne même pas pouvoir investir dans un logement de taille décente et correctement situé ? Alors, les jeunes préfèrent dépenser leur argent en voyageant. Parce que le voyage leur rapporte aussi beaucoup, d’une autre manière.

Vivre au présent plutôt que de miser sur le futur

“Je pense que l’urgence d’acheter une maison est devenue obsolète. […] Les jeunes préfèrent plutôt vivre le moment présent – nous voyons plein de millennials qui investissent dans des expériences plutôt que dans la brique”, note Donna Jeavons, directrice des ventes et du marketing chez Contiki, une agence de voyages spécialisée dans les 18-35 ans au quotidien britannique The Independant.

En fait les millennials seraient trop pauvres pour acheter mais suffisamment riches pour voyager. Alors ils préfèrent investir dans le présent et dans des expériences de vie plutôt que dans un futur stable et hors de portée financière.

“L’acquisition d’un bien immobilier étant inaccessible à beaucoup de jeunes gens, cet argent est investi dans davantage d’expériences de voyage et de meilleure qualité”, corrobore Chris Townson, directeur de U by Uniworld, une autre figure de l’industrie touristique orientée vers les jeunes voyageurs, dans les colonnes du quotidien.

Par conséquent, le tourisme chez la tranche d’âge 18-35 ans serait en plein boom. Selon Chris Townson, ses clients peuvent facilement dépenser 100 euros pour entrer dans un club huppé en bord de mer. Une autre façon de dépenser son argent, et une autre façon de gérer les priorités dans sa vie en fonction de ses moyens mais aussi de nouveaux modes de vie caractéristiques d’une génération.

Une autre façon de dépenser son argent

Le schéma classique de la maison, du chien et des enfants serait ainsi repoussé à plus tard. L’envie de prendre le large étant devenue la priorité quand on est jeune plutôt que celle de fonder une famille et de s’installer :

“Le voyage est devenu une nécessité chez les millennials. S’ils souhaitent aussi acheter une maison, ils ne le feront pas aux dépens du voyage. Les gens attendent plus tard pour se poser, acheter un bien immobilier, se marier, avoir des enfants alors ils misent sur le voyage tant qu’ils sont jeunes. Ils mettent de l’argent de côté pour ça et intègrent ce budget à leur vie”, analyse Brian Young, le directeur de G Adventures, un autre tour-opérateur qui s’est penchée sur la question des jeunes et du voyage.

Alors, notre génération avide de voyages et d’avocado toast ne serait-elle pas un peu capricieuse et hors des réalités ? Pas nécessairement pour les experts de l’industrie touristique. Déjà, parce que voyager est devenu beaucoup plus abordable qu’avant. Ce qui était inaccessible financièrement pour nos parents, en termes de destinations lointaines et exotiques, serait en contrepartie (et à défaut des biens immobiliers) beaucoup plus abordable pour nous.

Ensuite, les jeunes sont de plus en plus encouragés à voyager avant, pendant et après leurs études pour s’ouvrir l’esprit, mieux comprendre le monde, faire l’expérience de la différence mais aussi mieux connaître leurs propres envies. Le voyage devient ainsi une part de la construction sociale des jeunes individus. Et mieux vaut réaliser à vingt ans que l’on veut être artiste, journaliste ou géographe qu’à quarante-cinq, une fois établi dans une tout autre voie choisie un peu au hasard à la sortie du baccalauréat.

Perdre du temps, c’est aussi parfois gagner du temps… Et ce qui pouvait être pris à une autre époque pour de l’errance est désormais beaucoup plus acceptable et ancré dans les mentalités. Et de toute façon, l’argent avec lequel les jeunes voyagent est le fruit de leurs économies, libre donc à chacun de le dépenser à sa façon :

“Je pense que les jeunes sont beaucoup plus économes qu’on ne veut bien le dire. Ils cherchent à voyager et font des économies en même temps, même si c’est une plus petite somme. Ils choisissent juste de dépenser leurs économies d’une différente manière que les générations précédentes, dans le voyage et l’aventure, au lieu de prendre le chemin plus traditionnel de l’investissement dans un bien immobilier”, conclut Donna Jeavons.

Génération différente, situation économique différente, et envies différentes. Le boom du voyage chez les jeunes n’a pas fini de se développer. Alors, vous êtes plutôt appart’ ou voyage ?