Eugénie Bastié, une jeune réac’ dans le vent en access prime time sur France 2

Eugénie Bastié, une jeune réac’ dans le vent en access prime time sur France 2

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Eugénie Bastié sur le plateau de Ce Soir ou Jamais (© France 2)

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Par Théo Chapuis

Publié le

L’arrivée de la journaliste réactionnaire Eugénie Bastié dans une émission de France 2, chaîne du service public, a suscité de vives réactions.

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Lundi 5 septembre à 17 h 45, Thomas Thouroude a lancé le nouveau talk-show politique de France 2 : Actuality. Ou plutôt ActTualiTy, tel que l’écrit la chaîne. Ce rendez-vous présenté par l’ex de Canal+ est destiné à “éclairer les téléspectateurs sur l’actualité” afin de “la rendre plus accessible”.

Parmi les chroniqueurs, pardon, les “éclaireurs”, France 2 promet “des chefs d’entreprises, des journalistes, des historiens”. Et annonce l’intervention de personnalités comme l’ancien PDG d’Universal France Pascal Nègre, l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert… ou encore la journaliste Eugénie Bastié, jeune recrue du Figaro et de Causeur. Piqué au vif par l’embauche d’une personnalité qu’il nomme “la it girl de l’extrême droite”, le site Brain a publié un article au vitriol contre la journaliste et la chaîne qui l’embauche. Voilà pourquoi.

Jeune, chrétienne et réac’

À 24 ans, Eugénie Bastié personnifie le renouveau de la presse engagée à droite – voire à encore plus à droite. Immigration, identité, féminisme… la jeune femme originaire de Toulouse a un avis sur à peu près tous les sujets de société, surtout les plus épineux. En septembre 2015, elle se fait connaître du grand public en répliquant violemment à Jacques Attali dans un fameux échange sur le plateau de Ce soir (ou jamais !), sur France 3. Le sujet du jour : les migrants.

“Le vieux monde est de retour, monsieur Attali”, lance Eugénie Bastié au vénérable conseiller politique, ce à quoi celui-ci réplique : “la réaction est de retour.” Loin de sourciller, la jeune journaliste acquiesce. Instant de télévision fort symbolique.

Outre le Figaro et Causeur où elle est officiellement simple journaliste, Eugénie Bastié occupe le poste de rédacteur en chef de la revue Limite, qui se définit comme “la revue de la jeune génération chrétienne, écologiste, antilibérale et bioconservatrice [qui] promeut une écologie intégrale, c’est-à-dire une écologie environnementale, sociale, et humaine”. 

Planet.fr résume ses combats : “critique du libéralisme, de la gauche libertaire, du féminisme, soutien de la Manif pour tous contre le mariage homosexuel” ; pour Libération, qui lui a consacré un portrait en mai, Eugénie Bastié tient un “discours décliniste”, est adepte d’une “idéologie naphtaline” et “décrit le monde en pamphlétaire, pas en analyste”. Bim.

Mais ce qui gêne davantage le quotidien, c’est sa position ambivalente sur le féminisme, qu’elle exprime dans son ouvrage Adieu mademoiselle, la défaite des femmes. Libé décrit le livre comme “un gloubi-boulga pernicieux où elle mitraille tous les combats des féministes depuis quarante ans : le droit à l’IVG, la lutte contre les inégalités salariales, la parité”. Chez Causeur, le magazine conservateur d’Elisabeth Lévy, on défend sa consœur bec et ongles, elle dont le seul tort est de prôner “une pensée non-binaire”.

“Ça me gêne par rapport à Philippe de Villiers”

Non-binaire, vraiment ? Pourtant Eugénie Bastié fait tout pour qu’on la range parmi ces journalistes qui s’acoquinent avec ceux qu’elle devrait juger avec impartialité : les politiciens.

Lors d’un portrait autour de sa personne tourné par Le Supplément de Canal+ cette saison, elle refuse les caméras de la chaîne lors de la cérémonie du retour de l’anneau de Jeanne d’Arc au Puy du Fou. Justification ? “Ça me gêne par rapport à Philippe de Villiers, je sais qu’il n’aime pas trop Canal+, je ne voulais pas lui imposer votre présence”, explique-t-elle. Elle n’aurait peut-être pas eu cette tendresse pour d’autres hommes ou femmes politiques.

Délivrer ses opinions ne lui fait pas peur et c’est même tout ce qui paraît lui importer : dans le même portrait de Canal+, elle assène : “Informer les gens pour informer les gens, ça n’a pas d’intérêt.” On lui prête aussi la phrase suivante :

“Je considère que le journalisme n’est pas un exercice objectif, mais j’essaie d’être honnête intellectuellement.”

Pas étonnant alors qu’on surnomme parfois “la fille spirituelle d’Éric Zemmour”  cette jeune femme qui revendique comme mentors Elisabeth Lévy et Natacha Polony.

La journaliste s’est également illustrée dans un échange sur Twitter avec l’écrivain Renaud Camus, inventeur du concept du “grand remplacement”. Déclarer sa flamme à un théoricien d’extrême droite, en public (et en vers, s’il vous plaît) ? Aucun problème :

Vous l’avez compris, Eugénie Bastié n’a pas peur d’irriter. Aussi s’est-elle attirée les foudres du site Yagg, qui dans un papier colère la dépeint en “sympathisante de l’Action française”, parti monarchiste au passé profondément antisémite dirigé par Charles Maurras. Le site de news LGBT l’accuse d’avoir fait preuve de complaisance lors du dernier colloque de l’Action française, le 8 mai dernier.

“Elle aime le débat, mais pas seulement”

Eugénie Bastié fera-t-elle étalage de son idéologie réactionnaire décomplexée sur le plateau d’ActTualiTy ? Difficile à dire, car la journaliste est capable d’effacer sa personnalité dans des articles aux allures de dépêches rédigés pour Le Figaro.

Quoi qu’il en soit, Thomas Thouroude défend sa chroniqueuse dans Télérama et promet qu’elle n’incarne pas seulement la “snipeuse” assoiffée de scandale que beaucoup attendent au tournant :

“Elle aime le débat, mais pas seulement. Elle est tout à fait en mesure de porter un regard sur un fait d’actualité sans rentrer dans la polémique, d’apporter des éléments d’information qui permettent de comprendre, mais avec une sensibilité différente de celle d’un autre journaliste.”