Les États-Unis, le Royaume-Uni et les “Five Eyes” en guerre contre le chiffrement des données

Les États-Unis, le Royaume-Uni et les “Five Eyes” en guerre contre le chiffrement des données

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Par Thibault Prévost

Publié le

Un encouragement… menaçant

Plus loin dans le communiqué, le groupe Five Eyes s’en prend également aux technologies de navigation anonyme, comme les VPN ou les navigateurs décentralisés comme TOR. “La nature anonyme, instantanée et décentralisée de l’environnement numérique” encouragerait le terrorisme, la désinformation, la pédopornographie et l’extrémisme, explique-t-il. Seule solution : que “les fournisseurs de service proposent volontairement des solutions d’accès légales” à leurs produits.
Un “encouragement” en forme de menace voilée : si les entreprises concernées, soumises à la loi du pays où elles opèrent, refusent de coopérer, elles pourront y être forcées. Le tout pour défendre “un Internet libre et ouvert”, écrit le communiqué dans un admirable backflip sémantique. On voit néanmoins assez mal comment ces agences comptent s’y prendre : rappelons qu’en 2016, lorsque le FBI avait traîné Apple en justice pour obtenir les données du terroriste de San Bernardino, c’est la firme à la pomme qui avait gagné, sous les yeux du monde entier.

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Rien de nouveau sous le soleil

Derrière une formulation volontairement évasive, les services de renseignements envoient un message très simple : Apple, WhatsApp, Google, Telegram, Signal et tous les fournisseurs de services de communications chiffrées “de bout en bout”, qui empêchent même les administrateurs d’accéder au contenu du message, ont intérêt à développer des portes dérobées (“backdoors”) pour permettre aux agences gouvernementales de pénétrer dans leurs systèmes, sans quoi elles s’exposent à des sanctions. Bref, rien de nouveau sous le soleil de la surveillance d’État.
Pour le moment, rien n’indique que les géants du Web satisfassent à la requête gouvernementale — au vu de leurs dernières déclarations publiques, la tendance serait même plutôt au renforcement des méthodes de chiffrement.
Contrairement aux années précédentes, le groupe ne se hasarde cependant pas à proposer lui-même des solutions techniques au “problème” de la protection des communications, et réitère son attachement aux lois de protection de la vie privée, pour s’éviter une nouvelle salve de critiques. L’année dernière, déjà, les Five Eyes fustigeaient la démocratisation des méthodes de chiffrement et appelaient les entreprises de la tech à leur fournir les outils pour outrepasser ces protections.
Ce qu’il y a de plus ironique, dans cette obstination à lutter contre l’émergence de ces nouveaux moyens de protection des données accessibles à tous, c’est que tout le débat sur la protection des données numériques a débuté en 2013 avec les révélations d’Edward Snowden. Révélations concernant le programme planétaire de surveillance d’Internet PRISM, mis en place par… les Five Eyes eux-mêmes, en dehors de toute juridiction.