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Du longboard à la musique : les trois facettes de la surfeuse Justine Mauvin

Du longboard à la musique : les trois facettes de la surfeuse Justine Mauvin

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Par Naomi Clément

Publié le

Championne de France de longboard, auteur-compositrice et depuis peu coréalisatrice… du haut de ses 24 ans, la Réunionnaise est à la tête d’une carrière déjà bien remplie. Une triple casquette qu’elle nous a contée à l’occasion du Roxy Fitness de San Sebastián, qui s’est tenu ce dimanche 23 juillet.

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Comme chaque été depuis 2015, le Roxy Fitness, qui se déplace tous les ans de Huntington Beach en Californie à Okinawa au Japon en passant par Biarritz en France, s’applique à réunir une communauté de femmes désireuses de partager ensemble leur amour du sport et la nature. Après un stop à Marseille le 25 juin dernier, l’évènement s’est installé ce dimanche 23 juillet dans la baie ensoleillée de San Sebastián, dans le Pays basque espagnol. Au programme ? Une course de six kilomètres dans les rues de la petite ville balnéaire, une heure de yoga assurée par la coach Veronica Blume, et deux kilomètres de Stand Up Paddle sur un océan bleu turquoise. Un parcours aussi intense que stimulant, auquel ont pris part plus de 1 000 participantes.

Parmi elles, la Roxy girl Justine Mauvin. Originaire de la Réunion, cette surfeuse professionnelle, désormais installée dans le sud-ouest de la France, fait partie des meilleures longboardeuses de sa génération. Championne de France par deux fois, vice-championne d’Europe et numéro trois mondial : la Française cumule les titres… et les casquettes. Car la jeune femme, aujourd’hui âgée de 24 ans, voit bien au-delà des vagues. Après avoir sorti deux singles aux sonorités pop-soul en 2015, “Bom Bom” et “By Heart”, elle vient de décrocher un contrat chez le géant Polydor, et rentre tout juste d’un voyage en Papouasie et aux îles Mentawai où, épaulée de son compagnon de surfeur et réalisateur Damien Castera, elle s’est immiscée dans le quotidien des tribus locales pour donner vie à un documentaire : Kaleleo. Un parcours inspirant, qu’elle raconte aujourd’hui à Konbini.

“Le longboard permet une approche plus spirituelle du sport”

Konbini | À 24 ans, tu as déjà de nombreux titres de championne à ton actif. Comment ça a commencé, le surf et toi ?

Justin Mauvin | J’ai commencé le surf quand j’étais encore bébé, à la Réunion. Ma mère avait l’habitude de me prendre sur son bodyboard, et on accompagnait mon grand frère, qui lui surfait déjà. Petit à petit, j’ai commencé à partir toute seule avec mon bodyboard, à me mettre debout dessus, et puis j’ai fini par prendre des cours de surf avec des copines. À 13 ans, j’ai participé à ma première compétition. Ce jour-là, il n’y avait pas de vagues. Du coup, tous les longboardeurs étaient de sortie, et le fait de les voir marcher sur leur planche, marcher sur l’eau en quelque sorte… j’ai trouvé ça magnifique ! Du coup, même si jusqu’ici je ne surfais qu’avec des shortboards, j’ai décidé de prendre un longboard, j’ai fait la compétition avec, et… j’ai gagné [rires] ! Depuis ce jour, je n’ai jamais lâché le longboard.

Pourquoi le longboard plutôt que le shortboard ?

Je trouve ça beaucoup plus gracieux, élégant et féminin. Il y a une approche un peu plus spirituelle du sport, aussi. C’est cette glisse sans aucune règle qui me plaît, et qui en fait un moyen d’expression beaucoup plus libre.

Après cette première rencontre avec le longboard, j’ai fait beaucoup, beaucoup de compétitions à la Réunion. J’ai gagné plusieurs fois les championnats de la Réunion, j’ai fait les championnats de France aussi… Et vers mes 15 ans, j’ai arrêté de faire de la compétition. J’ai perdu mon père, donc je n’étais pas dans de très bonnes conditions, et j’avais envie de me recentrer sur moi-même. J’ai repris il y a seulement quatre ans, et depuis, j’ai décroché les titres de championne de France de longboard, vice-championne d’Europe, et troisième mondiale.

Malgré tous ces titres, as-tu déjà ressenti une certaine condescendance de la part de l’industrie du surf, qui reste un monde largement dominé par les hommes ? Comment te sens-tu, en tant que femme, au sein de ce milieu ?

Je pense que les femmes ont complètement leur place dans le monde du surf, même si effectivement, ça reste parfois une position assez délicate. Beaucoup de gens estiment qu’on n’est pas au niveau des mecs, et ces mêmes gens se servent de l’image de “la surfeuse sexy” pour vendre… Malgré tout, je constate qu’il y a de plus en plus de nanas qui surfent, des nanas qui se foutent complètement des qu’en-dira-t-on, et c’est top ! Il y en a de plus en plus qui se bougent, qui voyagent, même si elles ne sont pas connues ou sponsorisées et qu’elles ne font pas de compétition. Et c’est grâce à ces femmes motivées et talentueuses, qui clairement cassent le spot, que le surf féminin se démocratise aujourd’hui.

“La musique m’a aidée à retrouver une paix intérieure”

Outre ta passion pour le surf, tu as récemment entamé une carrière dans la musique. Est-ce que c’est quelque chose que tu avais au fond de toi depuis longtemps, que tu voulais sortir ?

J’ai appris à jouer du piano quand j’étais toute petite, et mon père m’a plus tard appris à jouer de la guitare. Mais j’ai vraiment commencé à faire de la musique lorsque j’ai perdu mon père, durant cette période où j’ai complètement arrêté les compétitions de surf. La musique m’a vraiment aidée à repartir vers l’eau, doucement, et surtout à retrouver une paix intérieure. J’étais encore à la Réunion à l’époque, je composais mes chansons dans ma chambre, et mon voisin faisait de la basse de son côté. Je l’entendais avec son groupe, et lui m’entendait chanter toute seule, du coup un jour il m’a lancé un : “Bon allez, tu viens jouer avec nous maintenant !” Et c’est comme ça qu’on a formé un groupe : les Just In Paradise [rires].

Comment t’es-tu retrouvée à chanter en solo ?

Après mon bac, je suis allée vivre en métropole, du coup j’ai continué la musique toute seule. Je savais que Quiksilver avait construit un super studio d’enregistrement et monté un label. Je suis allée frapper à leur porte, en leur disant : “Alors je sais pas si vous êtes au courant, mais je fais un petit peu de musique aussi en fait…” [rires] C’est avec eux que j’ai enregistré mes toutes premières compositions. Ils ont tout de suite accroché et ils m’ont signée, vers 2012. Grâce à eux, j’ai rencontré plein de musiciens, et fait pas mal de concerts dans la région.

En 2015, j’ai participé aux inRocks Lab, où je suis allée jusqu’en demi-finale et j’ai fait la rencontre de mon manager actuel. On a commencé à se connaître, à travailler ensemble, il m’a présenté à des gens de Polydor qui me suivaient depuis longtemps, qui ont suivi mon évolution… et qui ont fini par me signer en mai dernier ! Je suis super contente ! Je vais entrer en studio en septembre, pour préparer un single ou un EP qui devrait sortir au début de l’année 2018.

Comment décrirais-tu ta musique ? À quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

Hmmm, je dirais que c’est un genre de pop-soul. J’ai pas mal d’influences soul, vieux roots, avec des gens comme Dezarie, une muse du reggae roots, et des noms plus connus comme les Fugees, Joan Baez en folk aussi, que j’aime beaucoup, les Fleetwood Mac… des mélodies hyper pop, mais avec quelque chose de très pur, de très simple en même temps. Je vais essayer d’aller dans cette direction-là.

“Ce qui nous intéressait dans ce projet, au-delà du surf, c’était l’aventure humaine”

À côté de la musique et du surf, tu as réalisé un documentaire aux côtés de ton compagnon Damien Castera, Kaleleo, dans lequel vous retracez une aventure de deux mois en Papouasie et sur les îles Mentawai. Comment ce projet est-il né ?

À la base, on devait aller en Alaska pour faire la route des glaces, mais au dernier moment, j’ai été sélectionnée pour une compétition en Papouasie. Ça fait des années que je rêve d’aller là-bas, du coup, avec Damien, on s’est dit : “Bon, on va plutôt aller là où il fait chaud, et on va même y rester un mois !” [rires]

Juste à côté de la Papouasie, il y a les îles Mantawai, une destination connue de tout surfeur, mais il y a surtout des Mentawai, qui habitent sur l’île principale de Siberut et qu’on appelle généralement “les hommes fleurs” en France (ils sont animistes, très proches de la nature, et ont pour habitude de se décorer de fleurs pour que leur âme soit heureuse d’habiter dans leur corps). En fait, ce qui nous intéressait dans ce projet, au-delà du surf, c’était l’aspect tribal, l’aventure humaine. Ça ne nous intéressait pas du tout d’y aller pour faire un énième surf trip

Que ce soit en Papouasie ou aux îles Mentawai, comment s’est passée la rencontre avec ces peuples tribaux ?

Tout s’est fait par le bouche à oreille car évidemment, on ne pouvait pas prendre contact avec ces tribus avant notre arrivée. Mais tout s’est toujours très bien passé, on a vraiment été super bien reçus. En arrivant aux Mentawai, on a tout de suite trouvé un guide pour nous emmener en forêt. Là, on est resté une semaine dans une même famille, à vivre avec eux, apprendre leurs coutumes… on a reçu tellement de leçons de vie ! Et en même temps, on se marrait tous ensemble, on s’entendait super bien. On sentait vraiment un courant qui passait, malgré le fait qu’on ne parle pas la même langue, et qu’on venait de mondes totalement opposés. Parfois je me disais : “Putain, mais en fait je m’entends mieux avec eux qu’avec certains mecs de chez moi quoi !’ [rires]

En Papouasie, le cheminement était un peu différent : on a pris une pirogue, et on a descendu le fleuve principal en s’arrêtant dans chaque village pour visiter les tribus. Après quoi on a été accueilli par une famille sur une des îles de pêcheurs au large, pour surfer pendant une semaine… c’était merveilleux.

Kaleleo a récemment été diffusé à l’International Surf Film Festival Anglet. Comment a-t-il été reçu ?

Plutôt bien, puisqu’on a reçu le prix du public ! C’était marrant de voir tous ces gens super attentifs. Certains sont venus nous poser des questions, ils avaient l’air très intéressés par le sujet. Du coup, on va essayer de le vendre à des chaînes, et à terme, on le mettra sur le net. En tout cas, ça nous a donné l’envie de refaire des films ensemble. On compte repartir en Papouasie, mais du côté indonésien cette fois (pour Keleleo, nous étions dans la partie libre du territoire), où il y a énormément de tribus à visiter, de vagues à surfer… et une bonne dénonciation à faire, car le gouvernement indonésien est en train de réduire à néant la population locale. Donc voilà, il y a plein de belles choses à faire. On n’est pas à court d’idées !

Suivez les aventures de Justine Mauvin sur Instagram et Facebook. Quant à la prochaine et dernière étape Roxy Fitness, elle se tiendra à Hossegor le 8 octobre prochain. Plus d’infos sur roxy.com.