Pourquoi le reportage d’Enquête exclusive sur la MDMA fait grincer des dents

Pourquoi le reportage d’Enquête exclusive sur la MDMA fait grincer des dents

photo de profil

Par Mathieu Piccarreta

Publié le

Dimanche 18 octobre, M6 diffusait un numéro d’Enquête Exclusive consacré à “la drogue de l’amour” : la MDMA. Un reportage qui ne met pas tout le monde d’accord.
Entre journalisme et sensationnalisme, le dernier numéro de l’émission de Bernard de La Villardière a beaucoup fait réagir. À commencer par le petit monde de la musique électronique parisien. Le postulat de la chaîne ? La majorité des technophiles sont des “polytoxicomanes”…
De toute évidence, le reportage ne déroge pas aux clichés habituels. On y décrit en effet des amateurs de techno addicts à la MDMA. Ce public est donc quelque peu montré du doigt, pour ne pas dire carrément stigmatisé. La voix off souligne “une génération pour qui faire la fête rime avec MDMA“. La déferlante d’images chocs peut alors commencer.

À voir aussi sur Konbini

Entre journalisme d’investigation et sensationnalisme

D’entrée de jeu, et avec une narration dont lui seul à le secret, Bernard de La Villardière pose le contexte :

On l’appelle la drogue de l’amour, mais c’est trop souvent la mort qu’elle sème.

Le ton est donné. Une phrase qui fleure bon le sensationnalisme. Pourtant, Enquête Exclusive se revendique comme étant un magazine d’investigation. Pour les besoins de cette enquête, l’investigation a d’ailleurs été menée par une journaliste,Valérie Rouvière. Notez que ce reportage est le fruit de pas moins de six mois de travail.
Mais sous couvert de prévention, le documentaire prend rapidement des allures racoleuses. On s’éloigne du journalisme d’investigation et on frôle parfois le voyeurisme. Des images parfaitement mises en scène comme s’il y avait une volonté de nourrir un certain mépris à l’égard de la culture techno, tout en apeurant la ménagère de moins de 50 ans. Il n’en fallait pas plus pour mettre la scène techno parisienne en émoi, celle-ci commence alors à se demander où est la réelle volonté d’informer. Les réactions ne se font pas attendre sur Internet.

L’univers de la scène électronique stigmatisée 

Lorsqu’ils me disent dans le sujet que sur 10 000 festivaliers, 8 500 ont pris des drogues, je veux bien les croire. Sur place, le doute n’était pas permis.

Une approximation effarante et à la louche, qui ne répond à aucune norme en terme de statistiques. Pour se rassurer, les détracteurs du reportage trouvent qu’il est plus judicieux de croire à une fausse information, comme ils en dénoncent de nombreuses au cours de l’émission. Une désinformation qui conduit à nier une jeunesse composée d’amateurs de musique avertis et sensibilisés aux dangers de l’addiction, et dont il serait dommage de priver d’évènement à force de stigmatisation à outrance.

Un objectif : la sensibilisation 

Alors, s’il est évidemment pertinent de souligner que la MDMA fait des ravages parmi la jeunesse de France, et que pour cette raison l’augmentation de sa consommation doit être considérée comme un véritable fléau, est-il réellement nécessaire de clouer au pilori la communauté techno ?
En effet, dans ce reportage, la consommation de MD n’est que trop rarement dissociée de l’univers de la techno. Si ce n’est pour voir la journaliste accompagner une patrouille de police nocturne, ou encore partir à Rotterdam accompagnée d’un dealer, afin d’acheter une grosse quantité de MDMA.
Le reportage a tout de même le mérite de rappeler un chiffre inquiétant quant à l’augmentation de la consommation d’ecstasy qui, depuis trois ans, aurait doublé en France. Une consommation qui se banalise mais qui provoque pourtant de nombreux décès. Dans les colonnes de l’Obs, la réalisatrice s’appuie d’ailleurs sur cet argument au même titre que les médecins d’un service hospitalier parisien qui lui ont ouvert les portes de l’hôpital Lariboisière, toujours à des fins de prévention. À Valérie Rouvière d’expliquer :

En quelques semaines, ils ont eu plusieurs cas, dont certains mortels. Aujourd’hui, c’est un cas toutes les trois semaines contre un par an avant. Substances plus fortes, consommation plus régulière… les causes de cette accélération sont multiples.
Un samedi matin, le médecin du service m’a appelée pour me dire qu’ils avaient accueilli un jeune de 23 ans. J’y suis allée, j’ai filmé moi-même la séquence. Le garçon est mort sous mes yeux. C’est très violent, mais je me dis que s’il y a des morts à cause de cette drogue, autant que les jeunes soient prévenus.

En d’autres termes, choquer pour mieux sensibiliser. Une stratégie efficace ? Le débat est ouvert. L’émission quant à elle est disponible en replay.