Donald Trump en roue libre au Saturday Night Live, le coup de com’ de trop ?

Donald Trump en roue libre au Saturday Night Live, le coup de com’ de trop ?

photo de profil

Par Théo Chapuis

Publié le

Il est préférable de commencer en suscitant peu d’attentes. De cette manière, vous ne pouvez que grimper.

À voir aussi sur Konbini

Lorsqu’il adresse cette phrase aux téléspectateurs du Saturday Night Live, samedi 7 novembre, Donald Trump leur confie un peu son motto. Et sa devise lui a encore porté bonheur : le candidat à l’investiture républicaine a rassemblé la plus grande audience du SNL, grand-messe télévisuelle outre-Atlantique qui en est à sa 41e saison, depuis… 2012.

Évidemment, Trump s’est montré tel qu’on l’attendait dans cet épisode de l’émission de NBC : rompu aux ficelles du show et de l’entertainment. L’homme politique controversé s’est présenté sous un jour plus lumineux que celui entrevu par les électeurs américains lors des deux précédents débats aux primaires républicaines.

“Le seul politique qui fasse l’événement”

Thomas Snégaroff, historien spécialiste des États-Unis et animateur de la rubrique “Histoire d’Info” sur France Info, nous explique pourquoi cette séquence télé est tout bénef’ pour Donald Trump :

Faire le clown, pratiquer l’auto-dérision, surtout dans un contexte politique, c’est quelque chose de très important aux États-Unis. On a même reproché à NBC de pratiquer la dédiabolisation de Trump, au prétexte que la chaîne le montrerait sous un jour trop bienveillant.
C’est un peu la même chose qu’on reproche à Eldin Reporter, la pastille de Canal+ : pratiquer la dépolitisation des politiciens. D’autant plus pour un tel candidat, qui se présente comme le candidat de l’anti-establishment. La culture du divertissement, c’est son truc. Il était sur son terrain.

Champion des audiences télévisées, son magnétisme sur les téléspectateurs américains se justifie d’après lui par une grande “curiosité” des Américains, qui voient en Trump “le seul politique américain qui fasse l’événement”. Selon le chercheur, on peut comparer ce phénomène au feuilleton des Le Pen qui a agité les médias français cet été. L’agitation factice d’un danger qui sait exciter les zappeurs, d’une rive à l’autre de l’Atlantique :

Même Hillary Clinton, même Barack Obama font moins d’effet. Trump est l’expert des petites phrases, d’une agression verbale qui dénote dans la télévision policée d’aujourd’hui : c’est un grain de sable dans les engrenages de la belle machine médiatique.

Lors des débats à l’investiture républicaine, Trump s’est en fait montré plutôt calme. Il n’a pas donné aux gens ce qu’ils attendaient forcément. S’il a été le centre de l’attention et qu’il a occupé l’espace médiatique, devenant l’unique point cardinal des débats, c’est parce que les autres candidats eux-mêmes, inquiets, s’adressaient en majorité à lui.

Trump, cet Objet Politique Non Identifié

Et c’est probablement la source du déséquilibre ressenti par les Américains aujourd’hui. Malgré ses prises de position radicales, ses charges permanentes contre les médias, ses propos racistes, comment diable fait Trump pour partager avec Ben Carson la place de favori des sondages pour l’investiture républicaine ? Peut-être justement en conservant coûte que coûte sa position d’excentrique. “Trump, c’est un Objet Politique Non Identifié. On a du mal à le cadrer, il est insaisissable, même en débat, et c’est pourquoi son passage à SNL trouble encore davantage son image”, commente le chercheur.
La tactique se révèle efficace pour brouiller les pistes face à ses rivaux, pourtant rompus à la politique politicienne. Mais les électeurs américains cèderont-ils pour autant à l’hystérisation médiatique, quitte à lui donner leur voix ? Thomas Snégaroff minimise l’impact de “l’effet Trump” dans les urnes :

Donald Trump n’a aucune chance de devenir président. Il aura bientôt des adversaires qui lui opposeront des face-à-face autrement plus difficiles et le mettront face à ses contradictions. Lorsqu’il sera vraiment confronté au réel d’une telle investiture, il révélera qu’il n’est pas un homme politique.
Après tout, il n’est pas là pour capitaliser sur des voix, ni pour peser dans le parti républicain, comme un Marco Rubio ou un Ted Cruz [autres adversaires à l’investiture républicaine, ndlr]. Bientôt, il fléchira dans les sondages et se retirera sans doute à sa manière grandiloquente – mais il se retirera.