Des journalistes insultées et harcelées sur Twitter pour avoir dénoncé le manspreading

Des journalistes insultées et harcelées sur Twitter pour avoir dénoncé le manspreading

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Capture d’écran d’un tweet faisant référence à la photo de Nadia Daam dénonçant le manspreading.

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

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“Le style de pute que je déteste”

Les réactions qu’elles ont reçues ont montré conjointement pourquoi les hommes font du manspreading et pourquoi beaucoup ne sont pas prêts à entendre que c’est un problème. Nadia Daam a sélectionné quelques extraits explicites des doux messages qu’on lui a adressés, où les femmes sont désignées comme des “femelles” castratrices et traitées de “putes”. Rabaissées à des objets sexuels à qui l’on refuse tout pouvoir et toutes revendications. Lénaïg Bredoux a également déclaré avoir reçu “des photos de cul”, et a exprimé son désarroi.

Sa photo compte plus de 450 réponses, dont énormément d’insultes. Il faut dire que beaucoup d’articles féministes des grands médias valent ensuite à leurs auteures le même genre de lynchage, quand ça ne va pas jusqu’au harcèlement. En février dernier, Slate revenait par exemple sur les conséquences inattendues d’un article de Marie Kirschen, “J’ai vérifié les poches pour hommes et femmes de six magasins et on se fait arnaquer”, publié sur BuzzFeed France, qui s’intéressait aux poches de pantalons. Elle analysait que les pantalons pour femmes avaient des poches bien plus petites que celles des hommes, quand du moins elles en avaient. L’historienne Christine Bard concluait que “les petites poches sont une des traces contemporaines de [la] culture de la domination masculine”. Les commentaires ont vite dérapé, alpaguant la journaliste sur son compte Twitter, et allant jusqu’à des incitations au suicide.

“Ils ont peur d’y perdre des plumes”

Slate constatait alors que le même sort était réservé aux femmes journalistes ayant l’outrecuidance de dénoncer des manifestations du sexisme. MadmoiZelle, L’Obs, Libération, LCI… quel que soit le support, les mêmes insultes fusent, et souvent, le même harcèlement violent. Anaïs Condomines, journaliste pour LCI, évoque “l’impression de [s]’être pris un bus dans la figure”. La comédienne Marion Seclin en a elle aussi longtemps fait les frais, après avoir parlé féminisme dans plusieurs vidéos pour MadmoiZelle. Celle sur le harcèlement de rue a tout particulièrement déchaîné les foules, et le site a comptabilisé après coup “plus de 30 000 réactions” dont “la majorité” était “des remarques sur le physique de Marion, des insultes, voire des appels à la violence, au viol, des incitations au suicide, et même des menaces de mort”. Pour Johanna Luyssen, cheffe du service web de Libération, ces hommes réagissant au quart de tour aux contenus féministes “ne savent pas vraiment ce que c’est l’inégalité” :

“Ils ne la voient pas. Ils ne veulent pas savoir. Ils n’ont pas envie de remettre en cause des centaines d’années d’un fonctionnement qui, pour eux, marche très bien. Ils ont peur d’y perdre des plumes.”

Une raison supplémentaire de continuer à traiter tous ces sujets tendant à l’égalité hommes-femmes, même s’ils sont apparemment anodins. Et ce, de quelque façon que ce soit.