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Dans Temple, le skateur Sammy Montano part à la découverte des spomeniks oubliés

Dans Temple, le skateur Sammy Montano part à la découverte des spomeniks oubliés

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Par Naomi Clément

Publié le

Réalisé par Douglas Guillot et Pierre David, ce film de six minutes, tourné aux quatre coins des Balkans, part sur les traces des spomeniks, nous plongeant dans un espace-temps confus au cœur duquel l’homme, la nature et l’architecture urbaine cohabitent avec poésie.

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TEMPLE - A monochrome skateboarding quest from David & Douglas on Vimeo.

Un demi-siècle après leur apparition, les spomeniks, ces monolithes de béton lisse construits au sein de l’ex-Yougoslavie dans les années 1960 et 1970 dans le but de commémorer la Seconde Guerre mondiale, continuent de hanter le monde des contemporains.

Vestiges d’une époque oubliée, ces bâtiments surprenants ont été intégrés au cœur de plusieurs projets, parmi lesquels le livre Spomenik (2010) du photographe belge Jan Kempenaers, ou plus récemment l’exposition “Toward a Concrete Utopia: Architecture in Yugoslavia, 1948–1980”, installée au MoMa new-yorkais jusqu’au 13 janvier prochain.

Ces structures grises incarnent aujourd’hui les protagonistes de Temple, le nouveau film des réalisateurs français Douglas Guillot et Pierre David, qui avaient déjà exploré les origines du surf aux côtés de l’Australien Jordan Rodin. En noir et blanc, on suit les déambulations hasardeuses du skateur américain Sammy Montano confronté à la grandeur de ces spomeniks balkans.

Un voyage monochrome, aussi onirique qu’initiatique, qui magnifie avec poésie la relation entre passé et présent, mais aussi celle entre skateboard et architecture urbaine. Le duo de réalisateurs nous raconte.

“Aller à la rencontre de ces monuments était pour nous un moyen d’essayer de les comprendre, de leur rendre hommage et de les sublimer

Konbini | Comment avez-vous entendu parler de ces spomeniks pour la première fois ?

Douglas Guillot et Pierre David | On a découvert les spomeniks sur Internet au travers de différents travaux d’artistes et photographes, et plus particulièrement du site Spomenik Database, qui regroupe l’ensemble de ces monolithes dans une base de données cartographiée et photographique. Ça a été une énorme source d’information pour nous, sur le sens de chacun d’entre eux, leur histoire… Il est primordial de bien connaître son sujet avant de se lancer dedans.

Les spomeniks sont les témoins d’une part sombre de l’histoire de l’Europe, ils représentent chacun à leur manière des événements qui ont marqué l’ex-Yougoslavie. Le but était de réaliser notre film dans un respect total. Aller à la rencontre de ces monuments était pour nous un moyen d’essayer de les comprendre, de leur rendre hommage et de les sublimer.

Pourquoi avoir décidé de les mettre en lumière à travers ce film ?

L’idée de réaliser un film autour de ces monuments nous trottait dans la tête depuis un petit bout de temps, depuis quasiment deux, trois ans après avoir vu passer toutes ces images dingues de ces structures monumentales sur le Web, qui nous avaient complètement fascinés. Nous n’avions jamais réellement trouvé le temps et, surtout, nous ne savions pas vraiment sous quelle forme appréhender ces bâtiments (documentaire, film mode, film concept architectural…).

Après une longue réflexion et pas mal de recherches, nous avons finalement décidé de nous lancer et d’approcher ces spomeniks par un prisme que nous connaissions bien : le skate. En effet, les courbes de certains monuments semblaient pouvoir être de parfaits lieux d’expression pour le skate.

Voyant que de plus en plus de monde commençait à s’y intéresser, nous avons accéléré le processus de production et de création du film. S’en est suivi un travail de recherches important, qui nous a permis de pouvoir construire notre histoire dans les meilleures conditions possible.

“Les spomeniks ont quelque chose d’assez mystique et spirituel”

Comment avez-vous rencontré Sammy Montano, le protagoniste de Temple ?

Sammy Montano nous a été présenté par Globe, une marque avec laquelle nous avions déjà collaboré par le passé. C’est un skateur avec un style très particulier, sur lequel nous avions instantanément flashé. Il offrait un contraste assez intéressant avec l’environnement des Balkans. Et puis, c’est un mec super avec qui travailler, toujours motivé et prêt pour shooter.

Et pourquoi ce choix du noir et blanc, qui contraste avec vos précédents travaux ?

Les spomeniks ont quelque chose d’assez mystique et spirituel, et leur forme les rend intemporels. Le noir et blanc nous a permis de situer notre film hors du temps, de casser certains repères, d’inscrire notre storytelling dans ce côté spirituel et intemporel. D’un point de vue purement visuel, le noir et blanc amène un contraste qui donne à l’image un aspect pur, direct et tranché.

Et puis, les monuments étant tous constitués de béton, ça nous a permis de travailler la matière, ce qui était très important pour notre vision sur ce film.

Finalement, quel est le message que vous souhaitez transmettre à travers ce nouveau film ?

Nous n’avons pas nécessairement voulu faire passer de message. Ce film est plus l’expression pure de notre ressenti face à ces sentinelles de béton. Il traduit une sorte de quête personnelle de l’inconnu, qui nous attire toujours vers un endroit qui n’existe sûrement pas… Une sorte de poursuite sans fin.

Nous y avons passé 15 jours, et nous sommes encore sous le choc. Il y a une part de mysticisme énorme dans ces lieux, qui sont chargés d’histoire et d’énergie, qui portent en eux quelque chose de stellaire et d’extrêmement spirituel. L’idée, c’était de retranscrire ce sentiment le mieux possible à travers ce film via l’évolution et la perdition de Sammy, qui passe d’un univers à un autre, comme appelé par ces monuments…

Sammy était le protagoniste idéal pour incarner cette marche vers l’inconnu et les émotions que ce voyage peut susciter. Il représente parfaitement la vision métaphorique que nous avons voulu apporter au film. La part d’onirisme présent sur certaines scènes est là pour susciter la notion de rêve, mais aussi d’éveil face à un univers imaginaire.

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