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Grâce à Crispr, des chercheurs ont inséré un gif dans l’ADN d’un être vivant

Grâce à Crispr, des chercheurs ont inséré un gif dans l’ADN d’un être vivant

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Par Thibault Prévost

Publié le

En utilisant un procédé d’édition génomique, des généticiens ont réussi à encoder une image et un gif dans l’ADN d’une bactérie. Le futur du stockage ?

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Et si, dans le futur, toutes nos données personnelles étaient stockées… dans notre ADN ? Figurez-vous que la théorie n’est pas si farfelue que ça. Après tout, notre génome contient déjà une quantité prodigieuse d’informations lorsque nous venons au monde et sa capacité de stockage, récemment évaluée, est tout simplement faramineuse : 215 petaoctets, soit 215 millions de gigaoctets, dans un seul gramme d’ADN. Avec une telle capacité de stockage, toutes les informations du monde tiendraient grosso modo dans un conteneur de la taille de deux pick-up, écrivait Science Mag le 2 mars dernier.

Autre avantage : en plus d’être ultraportable et contrairement à nos bons vieux disques durs, l’ADN peut durer ad vitam aeternam sans corrompre l’information qu’il contient, à condition d’être conservé au frais. Et si vous vous dites qu’on évoque là un futur extrêmement lointain, détrompez-vous : en 2013, des généticiens d’Harvard, menés par George Church, encodaient un livre de 52 000 mots (l’ensemble des sonnets de Shakespeare) en transformant les nucléotides A, G, C et T en valeurs binaires 0 et 1. Aujourd’hui, Church et son équipe viennent de faire beaucoup plus fort : ils savent désormais encoder de la vidéo.

Des gifs, un film, un système d’exploitation…

Dans une étude publiée par Nature le 12 juillet, Church et son équipe démontrent qu’il est possible, en utilisant la méthode d’édition génomique Crispr, d’intégrer la photo d’une main et un gif dans l’ADN d’un être vivant – en l’occurrence, l’une des premières séquences jamais filmées (un cheval au galop), tournée par le Britannique Eadweard Muybridge, dans le génome d’une bactérie E. Coli. Une fois la vidéo lue, aucune perte d’information n’est à déplorer, tout comme lorsque l’on clone le brin d’ADN servant de support.

(© New York Genome Center)

Une prouesse hallucinante pourtant dépassée par d’autres travaux de Yaniv Erlich, de l’université de Columbia : en mars dernier, lui et Dina Zielinski, du New York Genome Center, parvenaient à intégrer un système d’exploitation informatique, un virus informatique, le film L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat des frères Lumière et une conférence sur la théorie de l’information de Claude Shannon sur 72 000 brins d’ADN en créant un algorithme, DNA Fountain, capable d’encoder automatiquement des données numériques en séquences de nucléotides.

La méthode fonctionne donc déjà parfaitement. Qu’est-ce qui empêche sa généralisation ? Le coût, encore beaucoup trop élevé pour le marché de masse. Mais, comme le rappelle le Huffington Post, le premier séquençage génomique humain, en 2003 dura 13 ans et coûta près de 3 milliards de dollars. À l’époque, les experts pensaient que le séquençage personnel serait abordable dans plusieurs décennies. Depuis 2016, un séquençage de votre ADN vous coûtera 1 000 dollars. À ce rythme, nous pourrions vite utiliser notre propre génome comme disque dur externe. Quelqu’un a dit “Black Mirror” ?