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Cet ado de 15 ans a-t-il vraiment découvert une cité maya ?

Cet ado de 15 ans a-t-il vraiment découvert une cité maya ?

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Par Thibault Prévost

Publié le

En guise de cité, un champ abandonné

Quelques jours après la médiatisation massive de l’histoire, le souffle de l’excitation commence à retomber et des voix discordantes s’élèvent pour contester les découvertes de l’apprenti archéologue. Pour Wired et Gizmodo, qui relaient les témoignages de spécialistes et archéologues américains, trois arguments viennent érafler la version officielle : un, la ville maya disparue est probablement un champ abandonné ; deux, les constellations mayas n’avaient rien à voir avec les nôtres et aucune liste complète de celles-ci ne nous est parvenue, ce qui rend le raisonnement de Gadoury impossible à vérifier ; trois, la région identifiée par l’adolescent était si densément peuplée à l’époque maya qu’il est possible de tomber sur des reliques de l’époque par chance. Grosse densité de constructions, grosse densité d’étoiles : le lien entre villes et constellation, appuyé par l’imagerie satellitaire, tiendrait donc plus du test de Rorschach que de la recherche archéologique.
En France, c’est Éric Taladoire, professeur d’archéologie précolombienne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste de la civilisation maya, qui ouvre le feu sur le site du Figaro (et, avec son homologue Marie-Charlotte Arnauld, sur le site d’Arrêt sur images) : “Cette histoire commence à nous fatiguer ! Tout est faux. Tout. La presse a foncé sans vérifier quoi que ce soit…” Et l’archéologue français de préciser qu’après avoir contacté les auteurs de l’étude pour leur signaler que leur carte était fausse, “elle a disparu et été remplacée par une autre carte”, dans laquelle “le site maya s’était soudainement déplacé de 200 ou 300 kilomètres”, passant soudainement du Belize à la péninsule du Yucatan, au Mexique.

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Une ville grosse comme Paris avec une pyramide de 86 mètres de haut

De même, la taille et la caractéristique de la ville décrite par les données satellites paraît “absurde”, selon le chercheur : une superficie de 80 à 120 kilomètres carrés, environ la taille de Paris ; 30 structures visibles depuis l’espace, dominées par une pyramide de 86 mètres de haut, soit un peu moins d’un tiers de la tour Eiffel. Avec ou sans jungle environnante, il paraît difficile de passer à côté d’un tel monument… d’autant que la région est loin d’être aussi inaccessible que le prétend Le Journal de Montréal, explique Éric Taladoire : “Nous travaillons depuis vingt ans dans cette région […] et on n’aurait rien trouvé ? Nous avons été jusqu’à 80 ouvriers sur place !”
Enfin, rappelons que la découverte du jeune Québécois n’a pour le moment fait l’objet d’aucune publication scientifique, ce qui signifie qu’elle n’a pas été relue et approuvée par le procédé du peer review, et que les seuls scientifiques à corroborer la découverte sont un spécialiste en télédétection et un responsable de l’Agence spatiale canadienne. Aucun archéologue dans le lot.
Pour le moment, donc, difficile d’affirmer quoi que ce soit au sujet des déclarations de William Gadoury. Le jeune Québécois passionné est peut-être bien à l’origine d’une exceptionnelle découverte – qui fournirait au passage une éclatante preuve expérimentale du potentiel de l’archéologie par imagerie satellitaire – et son travail doit dans tous les cas être salué, encouragé et montré en exemple. Néanmoins, à la lumière des informations disponibles, il semble présomptueux d’affirmer quoi que ce soit avec certitude, et seule une hypothétique expédition pourrait nous en apprendre davantage.