Bono aurait pu être élu Femme de l’année 2016, et ça craint

Bono aurait pu être élu Femme de l’année 2016, et ça craint

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Par Juliette Geenens

Publié le

Le prix de la Femme de l’année est finalement revenu à la victime du violeur de Standford, agressée en janvier 2015. 

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Facepalm monumental. Bono, le chanteur de U2, figurait dans la liste des prétendants au prix de la Femme de l’année 2016 du magazine Glamour. Les résultats sont tombés il y a quelques heures, ce mercredi 2 novembre, et ce sera finalement la victime du violeur de Standford, qui a gardé son anonymat derrière le pseudonyme Emily Doe, qui a été choisie.

Elle avait écrit une lettre poignante à l’occasion du procès de son agresseur, Brock Allan Turner, qui a fait le tour du Web. Le violeur n’a été condamné qu’à six mois de prison et a pu quitter sa cellule au bout de trois mois, pour “bonne conduite”. Aujourd’hui, l’affaire d’Emily Doe est un symbole pour toutes les femmes qui ont subi des agressions sexuelles, qui peut les pousser à briser le silence autour d’un crime qui reste dans la majorité des cas impuni.

C’est la toute première fois que le magazine féminin envisageait de remettre ce prix à un homme et selon la rédaction du mensuel, Bono était pouvait légitimement prétendre à le recevoir. “Il y a tellement d’hommes qui font vraiment des choses merveilleuses pour les femmes de nos jours, a expliqué la rédactrice en chef Cindi Leive. Certains l’ont compris, et Bono fait parties de ces hommes-là.” 

Glamour parle de la campagne “Poverty is Sexist” (en français : “la pauvreté est sexiste”) menée par One, ONG cofondée par le frontman du groupe irlandais. Le but était de sensibiliser le monde sur toutes les formes de violences que subissent les femmes dans les pays sous-développés, la pauvreté les rendant plus vulnérables qu’elles ne le sont déjà.

L’intention est totalement louable, mais penser à décerner une telle récompense à un homme reflète un gros malaise sur la question de la visibilité médiatique des femmes. Faire de Bono la femme de l’année aurait pu être une énorme erreur.

Bono, bon samaritain couvert d’or

Qui est Bono ? Ou plutôt qui ne connaît pas Bono ? Richissime star mondiale et frontman d’un des groupes les célèbres du siècle (qui s’entête à faire de la mauvaise musique depuis dix ans) son arrogance est légendaire. Mais si on met cet aspect-là de côté, Bono a au moins eu la bonne idée de se servir de son image pour défendre des causes honorables, en particulier la lutte contre la pauvreté en Afrique.

Les rumeurs racontent que Bono a dû faire construire des cheminées dans chacune des pièces de sa maison pour y déposer toutes les récompenses qu’il a récoltées au cours de sa vie (non, c’est faux). Grand favori du Time Magazine (dans le classement des 100 personnalités les plus influentes en 2004 et 2006, personnalité de l’année en 2005), il a été adoubé par la reine d’Angleterre, est devenu commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en France…

Ce n’est pas pour rien que South Park a dédié un épisode au chanteur de U2 pour se moquer de ses innombrables prix et titres (saison 11 épisode 9, intitulé “Gros Caca”). Bref, Bono n’a pas besoin de cette récompense supplémentaire.

Sacré coup de pub

Une femme sera toujours moins prise au sérieux qu’un homme. Mais Bono Femme de l’année, le voilà le coup de pute de publicité dont Glamour avait besoin pour faire vendre son prochain numéro et faire parler de son prix dans les médias (ce que nous faisons également).

Heureusement, cette année, Glamour n’aura pas choisi un homme. Tant mieux. Mais peut-être que l’an prochain, deux hommes seront nommés dans la liste, puis trois, puis dix. Bientôt, le magazine n’aura plus qu’à rebaptiser son titre en “Homme de l’année”.

Sélectionner Bono, c’est priver une femme de la visibilité médiatique qu’elle mériterait pour son combat humain, social ou son influence dans le monde. La liste des candidates prouve elle-même que les figures féminines influentes sont nombreuses et aucun homme ne devrait avoir le droit de les remplacer : Patrisse Cullors, activiste du mouvement Black Lives MatterNadia Murad kidnappée par le groupe État Islamique, la créatrice de mode Miuccia Prada ou encore Ashley Graham, top-modèle qui démolit les standards de beauté dans la mode.

Hommes partout, femmes nulle part

Les hommes sont déjà suffisamment reconnus par les grandes institutions et organismes dans le monde, et quel que soit leur domaine, leur présence prédomine largement. La parité est encore une utopie dans de nombreux pays et dans tous les secteurs, qu’il s’agisse des médias, de la science, de la politique, etc.

Béni sera le jour où nous n’aurons plus besoin de créer des prix exclusivement réservés aux femmes. Le problème aujourd’hui est que les femmes sont toujours sur la touche et que pour se voir reconnues, elles doivent soit se démener corps et âmes, soit profiter des prix comme ceux que le magazine Glamour propose. Une alternative pas très progressiste, mais le combat pour l’égalité des genres demandera du temps. Vraiment, beaucoup de temps.