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Blue Whale, le jeu macabre qui pousse les adolescents russes au suicide

Blue Whale, le jeu macabre qui pousse les adolescents russes au suicide

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Par Astrid Van Laer

Publié le

Le “Blue Whale Game” est un jeu des plus néfastes. Apparu en 2015 sur un réseau social russe et basé sur un principe de défis à relever, il aurait poussé de jeunes adolescents à se suicider. Le symbole du cétacé n’est pas anodin : la croyance veut que la baleine se laisserait échouer sur les plages de manière volontaire pour y mourir.

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En France, c’est le webzine Tryangle qui a publié en décembre 2016 un article, basé sur le travail d’une journaliste du l’hebdomadaire russe Novaïa Gazeta, rapportant cette funeste histoire. Le suicide de deux adolescentes russes âgées de 15 et 16 ans, qui se sont jetées du toit d’un immeuble dimanche 26 février dernier, a relancé la médiatisation de ce phénomène lugubre. VKtontakte est l’équivalent russe du réseau social Facebook. Il compte plus de 350 millions d’utilisateurs, soit près de deux fois la population russe. Certains groupes dits “de la mort” seraient à l’œuvre depuis deux ans. Ils proposent à leurs utilisateurs de faire partie d’une communauté donc l’ultime but est de mettre fin à ses jours.

Pour intégrer ces groupes, il faut d’abord prouver à leurs administrateurs sa capacité à en faire partie. Et pour cela, il faut passer avec succès plusieurs tests. À la fin de ce processus d’acceptation, les jeunes doivent se soumettre à un entretien via Skype, comme s’ils postulaient à un nouveau job. Une fois la candidature validée, un terrible décompte est enclenché : 50 jours au bout desquels le suicide de l’adolescent doit inévitablement avoir lieu. Ces défis sordides vont crescendo : au départ, il faut par exemple se lever en pleine nuit afin d’écouter une musique déprimante, puis se scarifier avant de s’allonger sur une voie de chemin de fer ou de se défenestrer. Progressivement, on conditionne mentalement ces adolescents à vouloir se donner la mort. Un de ces fameux groupes s’appelle “f57” et son créateur, Philipp Liss, serait même, selon Tryangle, allé jusqu’à se filmer faisant ses adieux et mimant sa pendaison.

C’est d’autant plus sordide qu’il ne s’agit pas de cas isolés. On évoque 130 suicides en l’espace de six mois. Ce site bénéficie d’une notoriété grandissante avec plus de 95 millions d’utilisateurs actifs par mois.

Dernier post de Valeria Morozova, 15 ans, avant son suicide le 30 mars 2015.

L’histoire a commencé le 23 novembre 2015 avec Rina Palenkova, 16 ans, qui s’est fait rouler dessus par un train. Elle fait depuis l’objet d’un véritable culte post mortem. Elle est malheureusement la première d’une longue liste d’adolescents, dont on a au départ peu parlé, la police n’ayant pas immédiatement fait le lien entre ces histoires éparpillées dans tout le pays.

C’est Irina, la mère d’une adolescente décédée, qui a mis au jour pour la première fois ce rituel sordide. Elia, une jeune fille âgée de 12 ans, s’est défenestrée du haut d’une tour d’habitation en 2015. Sa mère s’est confiée au journal Novaïa Gazeta après avoir regardé la messagerie privée d’Elia sur le réseau social. Irina et deux autres mères se sont créé de faux profils et ont découvert ce sinistre processus très bien rodé.

La police russe a depuis ouvert une enquête pour incitation au suicide mais elle ne nomme pas précisément ces groupes de la mort, qui surfent sans honte sur la psychologie fragile des jeunes adolescents.

L’exploitation d’un mal-être profond

Les forces de l’ordre ont tenté de fermer ces groupes faisant l’apologie du suicide mais les pages se sont recréées immédiatement. La censure ne semble pas être la bonne solution. Car on ne peut pas laisser un tel pouvoir à des gourous cachés derrière leur écran d’ordinateur qui ciblent, forcément, des adolescents déjà très fragilisés.

En effet, le Moscow Times écrit que ces groupes de la mort cachent une souffrance plus profonde qui touche les jeunes Russes, spécialement ceux vivant dans les petites villes du pays. Un des responsables de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est exprimé auprès des journalistes du Moscow Times, déclarant “qu’il y a clairement quelque chose qui crée de l’anxiété et du malheur dans les pays russophones” car “on ne recourt pas au suicide juste comme ça”. Une mauvaise prise en charge du mal-être des jeunes dans les petites villes russes peut donc en partie expliquer la facilité qu’ont ces “recruteurs” à enrôler, compte tenu du fort taux de suicide chez les jeunes en Russie.

En juin 2016, Facebook a mis en place un outil antisuicide en collaboration avec des associations spécialisées en France : si une personne signale le comportement inquiétant d’un proche sur le réseau social, elle se voit proposer plusieurs options comme contacter un ami commun, lui envoyer un message de soutien ou être conseillée par un expert. Rien ne permet de prouver à l’heure actuelle l’efficacité de ce bouton mais Facebook a le mérite de l’expérimenter, a contrario de VKtontakte.