Après les révélations de l’opposant Alexeï Navalny, le Kremlin pousse Instagram à supprimer des posts

Après les révélations de l’opposant Alexeï Navalny, le Kremlin pousse Instagram à supprimer des posts

Image :

Extrait de la vidéo postée par Aleksei Navalny le 8 février sur sa chaîne Youtube

photo de profil

Par Pierre Schneidermann

Publié le

C’est la toute première fois qu’une Cour de Justice russe exige ce type d’intervention auprès des géants du Web américains.

À voir aussi sur Konbini

Alexeï Navalny, 41 ans, est avocat et opposant farouche de Vladimir Poutine depuis 2011. Organisateur régulier de manifestations contestant les pouvoirs en place, il annonce même, en 2016, sa candidature pour l’élection présidentielle de 2018 – candidature qui sera par la suite invalidée par les autorités.

Alexeï Navalny est aussi un homme que le Kremlin cherche régulièrement à déstabiliser. On l’accuse, en 2012, d’avoir détourné les fonds d’une société forestière. Il aurait récidivé en 2014 avec une filiale russe d’Yves Rocher. Aussi, depuis 2011, on le soupçonne d’être sous l’influence des États-Unis.

Pour ajouter quelques pigments de complexité au tableau, Alexeï Navalny joue, idéologiquement, sur des terres mouvantes. En effet, à plusieurs reprises dans son parcours politique, il s’est lié à des mouvements d’extrême droite et se fend de propos anti-migrants.

Enfin, Alexeï Navalny est un excellent communicant, parfaitement à l’aise sur les territoires numériques. Blog, Twitter, YouTube et Instagram, il utilise tout ce que le Web offre comme canaux d’expression pour livrer son cheval de bataille : la lutte contre la corruption des élites.

Réponse à deux vitesses

La vidéo qu’il a postée le 8 février s’inscrit dans cette démarche. Visionnée plus de 5 millions de fois, elle a plus buzzé que d’ordinaire. Après avoir minutieusement épluché le compte Instagram d’Anastasia Vashkevich, une supposée escort-girl de 21 ans, l’équipe d’Alexeï Navalny découvre qu’en 2016, elle aurait tenu compagnie, sur un yacht, à deux hommes importants : Oleg Deripaska et Sergei Prikhodko, respectivement milliardaire et homme d’État.

Deripaska porte plainte. Très remontée, la Russie pousse Instagram (détenu par Facebook) à supprimer les posts de la jeune escort-girl et YouTube (détenu par Google) à supprimer la vidéo d’Alexeï Navalny. Menu chantage à la clé : si vous ne le faites pas, nous bloquons Instagram et YouTube dans tout le pays.

De son plein gré, la jeune femme supprime quatorze des posts problématiques. Instagram finit le boulot et supprime les deux derniers. Interrogé par Buzzfeed sur cette ingérence, le réseau social répond :

“Lorsque les gouvernements estiment qu’un contenu présent sur Internet viole leurs lois, ils peuvent contacter les entreprises et nous demander de restreindre l’accès à ce contenu. […] Nous examinons soigneusement ces signalements et, selon les lois locales et lorsque la demande est appropriée, nous bloquons l’accès dans les pays ou territoires concernés.”

Sur YouTube, la vidéo a promptement disparu mais pour des raisons de… droits d’auteur. En effet, un extrait vidéo copyrighté avait été réutilisé sans l’aval de son auteur. La seconde vidéo, uploadée dans la foulée, est pour le moment encore en ligne.

Cité par le New York Times, un employé de la plateforme explique que YouTube n’a pas encore pris de décision définitive et ajoute que, si une quelconque suppression de contenus devait avoir lieu, la vidéo ne serait bloquée qu’en Russie. C’est la première fois qu’une Cour de Justice russe formule une telle demande auprès des géants du Web. Quant au blog d’Alexeï Navalny, les autorités russes en ont bloqué l’accès dans toute la Russie.